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David
Hilbert fit toutes ses études à Königsberg,
sa ville natale
où il obtient sa thèse de doctorat (1885) dirigée par Lindemann
portant sur les propriétés invariantes des fonctions sphériques (fonctions de
deux variables définies sur la sphère).
Professeur à l'université de Königsberg dès 1886, il remplaça Hurwitz nommé à l'École polytechnique de Zurich (1892) et l'année suivante il succède à Lindemann nommé à Munich (München). C'est alors qu'il entreprend la rédaction de son premier traité, vaste synthèse sur la théorie des corps de nombres algébriques, initiée par Dedekind en 1871, qui deviendra le Zahlbericht (@ mémoire, compte-rendu sur les nombres) dans l'édition de la Société allemande de mathématiques (1897). Il semble qu'on lui doive là le terme d'anneau dont Fraenkel donnera une définition axiomatique une quinzaine d'années plus tard.
En 1895, Hilbert obtient un poste à Göttingen qu'il conservera jusqu'à sa retraite (1930) et publiera deux ans plus tard ses cours (527 pages réunies par un des étudiants, Sophus Marxsen) sur la Théorie des invariants algébriques (» réf. 11a-b & 12), synthèse encore de ses travaux depuis sa thèse, fondée sur la notion de groupe de transformations développée auparavant par Klein, ouvrant la voie de la géométrie algébrique et de l'algèbre commutative et couronnant les travaux de ses prédécesseurs (Gauss, Cauchy, Cayley, ...) sur les polynômes homogènes, formes quadratiques et formes multilinéaires (théorie des déterminants) en particulier.
Corps de nombres algébriques : »
Hilbert se lia d'amitié avec les plus grands mathématiciens de l'époque dont en particulier : Minkowsky (camarade d'études), Hurwitz, Cantor, Fuchs, Hermite, Klein, Kummer, Kronecker, Poincaré, Weierstrass.
Génie universel, s'investissant dans toutes les branches des mathématiques en les faisant progresser par des méthodes et des outils novateurs et rigoureux, Hilbert est considéré comme l'un des plus grands (le ?) mathématiciens du 20è siècle. Partisan d'un formalisme sans concession (Hilbert sera dans sa 70è année lors de l'entrée en scène de Gödel avec son théorème d'incomplétude), ses travaux se situent dans l'étude des fondements des mathématiques :
1. L'axiomatisation de la géométrie :
Face à certaines insuffisances de la géométrie euclidienne et des grandeurs irrationnelles, la volonté d'Hilbert fut de reconstruire les mathématiques sur des fondements axiomatiques plus complets et indépendamment de la logique ensembliste (Grundlagen der Geometrie : Fondements de la géométrie, 1899-1900). Il réussit la reconstruction de la géométrie euclidienne : cinq groupes de quatre axiomes, dont quinze équivalent à ceux d'Euclide. On y trouve, en particulier l'axiome de Pasch, non explicité par Euclide et les axiomes de continuité d'Archimède et de Cantor. Il s'attacha aussi à prouver la consistance des géométries, euclidiennes ou non, suite aux célèbres travaux de Klein sur leur classification (Programme d'Erlangen, 1872).
E. H. Moore montrera cependant (1902) que les axiomes d'Hilbert sont surabondants : l'axiome de Pasch, par exemple, est "trop fort" : il implique un des axiomes d'ordre sur la droite selon lequel (la notation [ABC] signifiant que A, B et C sont alignés avec B entre A et C) :
Quatre points A, B, C et D d'une droite peuvent toujours être situés de sorte
que l'on ait simultanément
[ABC], [ABD], [ACD] et [BCD]
2. Le programme de Hilbert :
En 1925, Hilbert publie
Sur l'Infini (Über das Unendliche)
dans les Mathematischen Annalen (»
Clebsch). Dans les premiers résultats sur la
récursivité tout récemment initiée par
Skolem et à laquelle s'intéresse également
Gödel, il perçoit un outil possible dans ses
recherches sur l'hypothèse du continu sur
laquelle il travaille. On y rencontre la fonction d'Ackermann
(qui fut un de ses étudiants et disciples) sous sa forme initiale à trois
variables. Trois ans plus tard, la théorie de la
démonstration (Die Beweistheorie) est évoquée comme un challenge lors
du Congrès International des Mathématiciens (»
ci-après) qui se tenait à Cambridge en
1928.
Hilbert estime possible de refondre toute la mathématique, et tout
particulièrement la logique, base de tout raisonnement, au moyen d'un nombre
fini d'axiomes et de règles définis sans ambiguïté. L'enchaînement logique (syllogisme)
des résultats indiscutables obtenus pas à pas doit inéluctablement conduire
à la preuve de l'énoncé étudié. On parla à l'époque du
programme de
Hilbert. Gödel, en 1931, devait ruiner
cette espérance formaliste avec son théorème
d'incomplétude et le jeune anglais Turing se
passionne pour le sujet en 1935 en émettant l'idée d'une mécanisation
de la pensée : ce sera la célèbre « machine à penser », ancêtre de
l'ordinateur. Les problèmes soulevés par l'arithmétique, la
géométrie algébrique, la
théorie des
ensembles, beaucoup plus difficiles
à reconstruire axiomatiquement, firent l'objet des
célèbres 23
problèmes ouverts cités au
congrès de 1900.
3. La métamathématique :
Le théorème d'incomplétude de Gödel montre la limite des systèmes formels, que l'on croyait jusqu'alors d'une rigueur implacable et à l'abri de tout soupçon, il fallut se placer à un niveau supérieur : on parla de métalogique, de métalangage mathématique susceptible de décrire l'essence même de ces systèmes, en un mot la métamathématique, le terme est de Hilbert dans ses travaux pour désigner la théorie de la démonstration.
Il s'agit de préciser les règle du jeu : bien-fondé des symboles, des quantificateurs et du raisonnement déductif eu égard aux axiomes (et de la légitimité du choix de ces axiomes) : une logique de la logique ! C'est une remise à plat de la logique issue d'Aristote. Le programme est ambitieux, on touche au concept de vérité, à la philosophie de la connaissance. Cette dernière est-elle mathématique ?
➔ Dans un article sur les fondements des mathématiques, intitulé Formalisme et formalisation, E. Balibar et P. Macherey écrivent dans l'Encyclopédie Universalis (1995) :
(...) La logique s'identifie dans ses problèmes, sinon dans ses objectifs, avec ce que Hilbert appelait la métamathématique, c'est-à-dire la discipline (mathématique) qui, dans une métalangue rigoureuse, peut nous donner la connaissance scientifique de ces objets nouveaux que sont les systèmes axiomatiques formalisés.
(...) Parmi les résultats les plus remarquables, et qui illustrent le mieux le caractère d'imprévisibilité que la logique mathématique possède comme toute discipline scientifique, figurent les théorèmes dits de « limitation » des systèmes formels. Le plus célèbre est le théorème de Gödel (1931) énonçant l'incomplétude de l'arithmétique formalisée, c'est-à-dire la possibilité de construire une interprétation du système formel dans laquelle figure une proposition vraie qui est représentée dans le système par une expression formellement indémontrable. Bien entendu la construction du système exclut la possibilité d'une formule démontrable qui correspondrait dans une interprétation quelconque à une proposition fausse; c'est même une condition du résultat précédent. La tentative de représenter la vérité des propositions de l'arithmétique par la démonstrabilité formelle n'aurait plus alors aucun sens cohérent.
En quel sens avons-nous affaire ici à une « limitation » ? Le résultat de Gödel montre que, pour une classe entière de systèmes formels, il faut renoncer à l'espoir d'une correspondance adéquate entre la notion sémantique de vérité (qui n'a de sens que pour une interprétation du système) et la notion purement syntaxique de démonstrabilité. Et comme l'interprétation d'un système est réglée par les propriétés syntaxiques du système lui-même, cela signifie que la syntaxe du système autorise la définition d'une notion de « vérité » qu'elle est cependant impuissante à représenter exactement.
Dans une perspective idéaliste (par exemple celle qu'adoptait Husserl lorsqu'il définissait la « clôture » formelle comme l'idéal régulateur de toute science théorique), ce résultat est ressenti comme une déception . Il permet d'étayer sur le développement même de la logique mathématique une philosophie de la finitude de la connaissance humaine. Dans une perspective matérialiste, ce résultat, comme l'ensemble des théorèmes de « limitation », est interprété positivement. Il exprime une propriété structurale fondamentale des systèmes formels considérés. Il ne borne donc pas la connaissance que ceux-ci représentent : il étend au contraire notre connaissance de ce qu'ils sont. Sa seule fonction négative est celle, critique, de faire obstacle sur ce terrain à une philosophie du savoir absolu. (...)
Nonobstant le théorème d'incomplétude de Gödel (1931), Ackermann donnait (1940) une preuve métamathématique de la consistance de l'arithmétique sans toutefois soulever grand enthousiasme !
Quelques années auparavant, une démonstration semblable avait été apportée par Gerhard Gentzen (1909-1945) étudiant de Hilbert (comme Ackermann) dont les travaux portent également sur la métamathématique.
➔ à propos de Gentzen, signalons que, selon Jeff Miller, professeur à New Port Richey (Floride), on doit à ce mathématicien allemand le quantificateur universel ∀ pour signifier "quel que soit", A renversé, première lettre du mot anglais All =Tout, comme dans l'expression pour tout x de E équivalente à quel que soit x appartenant à E.
» Tarski , Peano , Bernays , Church
Les 23 problèmes ouverts de Hilbert : |
A la demande de
Cantor, un Congrès international de mathématiques (CIM) fut créé en 1897. Ce premier congrès eut lieu à Zürich. Celui de 1900 se déroula à Paris et eut un grand retentissement par le fait qu'il inaugurait le 20è siècle (qui, rappelons-le, ne commença qu'en 1901...) et que se trouvaient évoqués les grands problèmes mathématiques non résolus. Henri Poincaré en était le président. Charles Hermite, malade, très affaibli ne put s'y rendre fut nommé président d'honneur (il meurt cinq mois plus tard). On pourra consulter le très intéressant compte rendu de ce congrès numérisé sur mathunion.org (» réf.13).Hilbert y énonça ses célèbres 23 grands problèmes ouverts qui devaient guider les mathématiciens du 20è siècle, dont plusieurs au 21è siècle, ne sont pas encore résolus ! Depuis lors, le CIM se réunit tous les 4 ans et décerne depuis 1936, la célèbre médaille Fields.
➔ En fait, selon Pierre Cartier, le temps imparti à Hilbert ne lui permit pas d'exprimer l'ensemble des 23 problèmes mais seulement 10 d'entre eux qu'il sélectionna en accord avec ses amis Hurwitz et Minkowski. Sa conférence ne fut publiée dans son entièreté qu'en 1902.
Voici, dans la numérotation de Hilbert, les plus célèbres de ces
problèmes et les plus accessibles
à notre entendement de non mathématicien... :
1/ Démontrer l'hypothèse du continu : indécidable
dans le système d'axiomes ZFC de la théorie
des ensembles : Cohen,
1963.
2/ Consistance des axiomes de l'arithmétique
: résolu
par la négative, théorème d'incomplétude
: Gödel,
1931. Ce résultat montre que le formalisme
axiomatique nest pas la panacée de la construction des
mathématiques.
3/ La méthode euclidienne de décomposition en polyèdres est-elle applicable à tous les volumes ? non, Dehn, 1901.
7/ Transcendance de nombres
comme 2√2 :
partiellement résolu, Gelfond,
Schneider,
Baker,
1939.
8/ Le problème de la distribution des nombres premiers
lié à la conjecture de Riemann
concernant les nombres ζ(n)
: non résolu.
10/ Recherche d'un algorithme permettant de savoir si une équation diophantienne admet ou non des solutions : résolu par la négative (indécidable) en 1970 par le mathématicien russe Youri Matiyasevich (1947-).
L'ensemble des 23 problèmes : » Médailles Fields : » » Fields
Espace préhilbertien, Espace de Hilbert (ou espace hilbertien) : |
Dans les années 1905-1912, Hilbert travaille sur l'analyse fonctionnelle née de la physique mathématique, tout particulièrement des phénomènes oscillatoires et du calcul des variations où les solutions recherchées sont des fonctions, souvent décrites par des équations intégrales (dont il édite un important traité en 1912, » réf.10) apparaissent comme somme d'une série de fonctions (souvent trigonométriques) que l'on approche par des polynômes orthogonaux pour un produit scalaire convenable. Outre pour une théorie rigoureuse des séries de Fourier, il faut aussi un outil essentiel en mécanique quantique et en calcul tensoriel.
Dans ce nouveau domaine de recherche où il s'agira de redéfinir les concepts de limite et de continuité, Hilbert doit s'appuyer sur une base rigoureuse. Ce sera la construction d'espaces vectoriels topologiques et fonctionnels abstraits sur R ou C (espaces hilbertiens) englobant les espaces vectoriels euclidiens (en hommage à Euclide) et hermitiens (en hommage à Hermite).
Le début du 20è siècle verra d'importantes avancées en analyse fonctionnelle (par exemple, Volterra en Italie, Fredholm en Suède) qui se développèrent avec les magnifiques outils offerts par la formalisation des espaces métriques et topologiques abstraits : ce sera le fait de Fréchet (1906), Riesz (1907) et Hausdorff (1913).
» Espaces vectoriels , Espaces métriques (généralités)
Espace préhilbertien, espace hilbertien :
On appelle espace préhilbertien ainsi un espace vectoriel sur R (resp. C) muni d'une forme bilinéaire symétrique et positive (resp. d'une forme sesquilinéaire auto-adjointe et positive).
Un espace de Hilbert ou espace hilbertien est un espace préhilbertien séparé et complet. L'appellation espace de Hilbert est due à von Neumann.
» Vocabulaire de la topologie (espace séparé, complet, ...)
Lorsque ces formes sont définies positives, elles définissent un produit scalaire et on parle d'espace préhilbertien séparé. Le concept d'espace de Hilbert est une généralisation des espaces euclidiens "usuels" rendue nécessaire par l'entrée en scène, dès la fin du 19è siècle, des espaces fonctionnels où les "points" sont alors des fonctions. Les applications en sciences physiques sont immenses.
Un espace de Hilbert apparaît ainsi comme un espace vectoriel sur R ou C, muni d'un produit scalaire dont l'espace normé associé est complet : c'est un espace de Banach.
Le cas d'un espace vectoriel de dimension finie coïncide avec celui d'espace euclidien.
L'espace de Hilbert L2[-1,1] des fonctions de carré intégrable au sens de Lebesgue sur [-1,1] admet la suite des polynômes de Legendre comme base orthonormale.
Exemple fondamental & exercice :
♦ Dans le cas de l'ensemble F des fonctions numériques continues sur un intervalle [a,b] de R avec a < b, on introduit le produit scalaire au moyen de la forme :
(f,g) → < f,g > = ∫[a,b] f(x)g(x)dx
• (f,g) → < f,g > est un produit scalaire : par linéarité de l'intégrale et distributivité de la multiplication sur l'addition, f → < f,g > est linéaire pour tout g de F; de même pour g → < f,g >. La commutativité de la multiplication dans R établit la symétrie; la forme est positive : < f,f > = ∫[a,b] f(x)2dx ≥ 0 en tant qu'intégrale d'une fonction positive sur un intervalle [a,b], a étant inférieur à b. Enfin, la forme (f,g) → < f,g > est non dégénérée car les fonctions de F sont continues et si l'intégrale d'une fonction continue et positive est nulle [a,b], alors cette fonction est nulle; par suite < f,f > = 0 ⇒ f = 0
♦ Pour toute fonction f, la norme associée, || f || , est alors définie par :
|| f ||2 = ∫[a,b] [f(x)]2dx
• On montrera facilement que f → || f || est effectivement une norme sur F : en particulier, afin de prouver || f + g || ≤ || f || + || g ||, on développera || f + g ||2 et (|| f || + || g ||)2 et on comparera au moyen de l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
♦ Muni de cette norme l'ensemble des fonctions numériques continues sur [a,b] est un espace de Hilbert. Il fut mis en place par ce dernier en 1904. Si f est à valeurs dans C, le produit scalaire deviendra :
<f,g> = ∫[a,b] f(x)g(x)dx
∗∗∗ On considère l'espace vectoriel T (T comme trinôme) des polynômes de degré au plus égal à 2 à coefficients réels muni du produit scalaire :
<f , g> = ∫[-1,1] f(x)g(x)dx
Pour tout f de T, on définit la norme associée à ce produit scalaire par : || f ||2 = < f,f >
» Produit scalaire | Formes hermitiennes | Espaces L2 et séries de Fourier
! Dans des cas plus généraux
et si l'intervalle d'intégration J n'est pas borné, l'intégrabilité
de f n'est pas assurée et sa norme || f || peut être non bornée.
Lorsque f2
est intégrable : on
parle des fonctions de
carré intégrable (importante
classe de fonctions pour l'approximation
quadratique). Lorsque l'intégrale
considérée est celle de Lebesgue,
cet espace se note L2[a,b] (L pour Lebesgue).
Noter
aussi que l'intégrabilité de
f
2
n'implique pas celle de f :
Espaces Lp : » Produit scalaire et norme : »
Autre contribution : |
Il s'agit de de la découverte d'une courbe qui n'en est pas vraiment une..., courbe fractale remplissant un carré dont une approche est esquissée ci-dessous :
Courbe de Peano-Hilbert : »
Théorème des zéros de Hilbert (Nullstellensatz) :
J désignant un idéal propre de K[x1, x2,
..., xn] et L une clôture algébrique de
K, il existe au moins un élément
α de Ln tel que pour tout
polynôme p de J, p(α) = 0.
➔ Pour en savoir plus :