ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

POINCARÉ Henri Jules, français, 1854-1912

Raymond Poincaré.    On ne le confondra pas avec, à droite, son cousin Raymond (1860-1934), avocat, qui fut Président de la IIIè République française de 1913 à 1920.

Né à Nancy, Poincaré entre à Polytechnique, classé premier de sa promotion (1873). Les mathématiques seront sa première et principale motivation. Ingénieur au corps des Mines de Nancy à sa sortie en 1877, il prépare sa thèse de doctorat ès sciences mathématiques dirigée par Hermite, intitulée Sur les propriétés des fonctions définies par les équations aux différences partielles, qu'il soutient en 1879. Le jury était composé d'éminents mathématiciens : Bonnet, Bouquet et Darboux.

Chargé de cours à l'université de Caen (1879-1881), il lui est proposé un poste à Paris Sorbonne : nouvelle chaire de physique mathématique et du calcul des probabilités (1886). Poincaré conserva y enseignera jusqu'à sa mort (17 juillet 1912).

Lauréat du prix Poncelet (1885), il fut élu à l'Académie des sciences en 1887, succédant à Laguerre, et reçut la première médaille Sylvester de la Royal Society en 1901.

Savant universel, élu à l'académie française (1908), Henri Poincaré fut aussi un philosophe de renom. Il s'inscrit dans le courant mathématique constructiviste et est considéré, avec Hilbert en Allemagne, comme un des plus grands mathématiciens à la charnière du 20è siècle. Ses travaux en mécanique céleste peuvent être comparés, en importance et par leurs conséquences, à ceux d'Isaac Newton.

Les grands courants de la pensée mathématique au début du 20è siècle : »

Les travaux et résultats scientifiques de Poincaré couvrent de nombreux domaines parmi les plus complexes tant en mathématiques pures qu'en physique mathématique. Parmi ceux les plus proches de notre entendement, on peut citer :

 Géométrie riemannienne, variété & topologie différentielles : »            Conjecture de Poincaré : »

 » Fréchet

»  Aux sources de la physique mathématiques : Denis Poisson , Daniel Bernoulli

 Notion d'ergodicité : »

   Notons que dans La Science et L'hypothèse (1902), Poincaré utilise l'expression raisonnement par récurrence pour signifier raisonnement par induction au sens de Pascal. Il s'ensuivra d'ailleurs à ce sujet une petite polémique avec Russel, ce dernier contestant la place excessive que Poincaré octroie à ce type de raisonnement dans ses travaux sur lle fondement des mathématiques.

Géométries non euclidiennes, géométrie et topologie différentielles :

De très nombreux théorèmes ou concepts portent son nom. En particulier :

Demi-plan et modèle de Poincaré :       

L'ensemble des complexes z = a + ib tels que b > 0 est appelé demi-plan de Poincaré. Il y construisit un modèle de géométrie plane hyperbolique (dite de Lobatchevski) où les droites sont des demi-cercles centrés sur l'axe des abscisses (non inclus dans ce demi-plan).

Le modèle de Poincaré est une représentation plane de la  géométrie hyperbolique de Lobatchevski.

Notions sur les géométries non euclidiennes : »            Ce disque rappelle un petit exo : Chèvre de Poincaré

Conjecture de Poincaré (1904) :      

Toute variété fermée et simplement connexe de dimension n de l'espace Rn+1 est homéomorphe à la sphère unité Sn ?

    La figure de droite représente un cube inscrit dans une sphère. L'application qui à tout point S de la sphère, associe l'intersection C du cube avec le rayon [OS], est bijective et continue ainsi que sa réciproque (à deux points du cube infiniment proches correspondent deux points infiniment proches de la sphère) : la sphère et le cube sont homéomorphes.

En fait, en 1904, Poincaré posait le problème dans le cadre de la géométrie euclidienne de dimension inférieure ou égale à 3. Le cas n = 3, correspondant à une surface "usuelle" compacte et sans "trous" plongé dans un espace à 4 dimensions, est très difficile et ne fut résolu qu'en 2003 (» ci-après). En 1934, la conjecture fut généralisée à n entier naturel quelconque et proposée à la sagacité des mathématiciens du monde entier.

  • Le cas n = 4 a été prouvé par Freedman (1982), ce qui lui valut, avec Simon K. Donaldson la médaille Fields 1986.

  • Le cas n ≥ 5 a été prouvé par Smale (1961) : ce cas général apparait ainsi plus "simple" à résoudre que le cas particulier de notre espace à 3 dimensions !

La preuve de Perelman :    

Au début du 21è siècle, seul le très difficile cas n = 3 restait un problème ouvert : surfaces de dimension 3 plongées dans un espace à 4 dimensions (première conjecture, pour les autres valeurs de n, on parlait de conjecture généralisée).

En 2003, le mathématicien le mathématicien russe Gregory L. Perelman annonça à Boston, lors d'un séminaire du MIT, avoir prouvé la fameuse conjecture après 7 années de travail acharné, ce qui lui valut, trois ans plus tard (après vérification des plus grands spécialistes du sujet) une des quatre médaille Fields 2006, qu'il refusa, tout autant que le million de dollars de l'Institut Clay.

» Gregory Perelman  

Mécanique céleste, le problème des 3 corps :

En 1889, dans un traité intitulé Mémoire sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique (» réf.11a), Poincaré solutionne partiellement ce célèbre problème de la détermination des orbites de trois corps célestes en interaction dans l'espace en montrant que le problème possède des solutions s'exprimant sous forme de séries trigonométriques convergentes à condition que les distances entre les corps étudiés soient des fonctions périodiques du temps. A cette occasion, il reçut à Stockholm le grand prix du roi Oscar II de Suède proposé à l'instigation de Mittag-Leffler en 1885. Le finlandais Sundman (1909) et l'astronome français Chazy (1919) résoudront finalement ce problème, considéré jusqu'aujourd'hui comme un des plus difficiles des mathématiques.

    Les Méthodes nouvelles de la Mécanique Céleste (» réf.11b) parues entre 1891 et 1899 marquent une nouvelle approche de cette mécanique avec l'introduction de la topologie et du calcul des probabilités. Poincaré est ainsi à la source de ce qu'on appellera les systèmes dynamiques que développeront en particulier Birkhoff et, plus récemment Yoccoz. Le problème de n corps, conduisant à un système de 3n équations aux dérivées partielles du second ordre (rempli à profusion de fonctions trigonométriques de plusieurs variables...) n'est toujours pas résolu et ne le sera sans doute jamais en dehors de solutions approchées.

Notion de système dynamique : »           Théorème de Poincaré-Birkhoff : »

Le concept de développement asymptotique selon Poincaré :

Dans ses Méthodes nouvelles de la Mécanique Céleste (1891-1899) où il étudie le problème des trois corps, Poincaré introduit l'analyse asymptotique consistant en particulier à rechercher un équivalent simple d'une fonction f au voisinage d'un point xo fini ou non. Cette recherche passe alors par celui d'un développement asymptotique de f au voisinage de xo en un nombre fini de termes. Un développement limité obtenu à partir de la formule de Taylor est un développement asymptotique.

» Stieltjes , Romberg             Birkhoff et le "dernier" théorème de Poincaré : »

Afin de résoudre les difficiles équations différentielles de mécanique céleste, dont le fameux sus cité, Poincaré élargit le concept de développement en série en définissant celui de développement asymptotique : à savoir la recherche de séries divergentes susceptibles cependant d'approcher des fonctions au voisinage de l'infini. Le sujet fut initié par Cauchy en 1843 : Sur l'emploi légitime des séries divergentes (» réf.10b) et également traité par Stieltjes (» réf.10c) parlant de séries semi-convergentes) lequel montre notamment qu'une série asymptotique peut fort bien approcher une fonction si on se limite à un nombre fini et convenable de termes.

On dit que deux fonctions f et g sont asymptotiquement équivalentes au voisinage de l'infini (et on note f ~ g) pour exprimer que le rapport f(x)/g(x) tend vers 1 pour x infini (par exemple, f : x→ x et g : x→ x + √x).

Fonctions équivalentes : »

Soit (hn) une suite de fonctions réelles ou complexes vérifiant dans un voisinage V d'un point a fini ou non hk+1(x) = o(hk(x)) pour tout x distinct de a : c'est dire, avec cette notation de Landau, que hk+1 est négligeable devant hk au voisinage de a.

Définition :     

Si au voisinage de a, il existe un entier k et des réels α1, α2, ..., αk tels que :

f(x) = α1h1(x) + α2h2(x) + ... αkhk(x) + o(hk(x)),

on dira que f admet un développement asymptotique au voisinage de a.

Les fonctions hk constituent une échelle de comparaison. On dit aussi que f admet un développement asymptotique au voisinage de a pour l'échelle (hn). La fonction x →α1h1(x) est la partie principale de f.  Au voisinage de a, Les fonctions x→ 1/(x - a)k tendent vers l'infini. On retrouve là la décomposition en éléments simples des fractions rationnelles.

  • Un cas important de développement asymptotique est celui de la fonction Γ (fonction gamma) de Euler définie par l'intégrale :

  • Les formules d'interpolation polynomiale sont des cas particuliers fondamentaux de développement asymptotique : lorsque x tend vers a, x - a tend vers 0 et les cas classiques sont ceux où les hk(x) sont les fonctions puissances x→ (x - a)k tendant vers 0. On parle alors de développement limité.

»  Polynômes d'interpolation de :
 Bernoulli
, Lagrange , Hermite , Legendre , Tchebychev , ...

On peut aussi se poser le problème inverse : étant donné un développement asymptotique, existe-t-il une (ou plusieurs) fonction(s) pouvant lui être associé ? On parle aujourd'hui d'analyse asymptotique. Sur ce difficile sujet, on pourra lire l'étude de Jean-Pierre Ramis, Poincaré et les développements asymptotiques (réf.12a,10b).

Formule de Taylor et développement limité :  »                 Cas des fractions rationnelles :  »

Groupe de Poincaré :

Le groupe de Poincaré est un groupe d'homotopie relevant de la topologie algébrique. On trouvera quelques éléments à ce sujet sur la page consacrée à la connexité :

Groupe de Poincaré : »


Prix Henri Poincaré :    

Avec le soutien de la Fondation de France, le prix, créé en 1996, émane de la Fondation Daniel Iagolnitzer, du nom du physicien français (INSTN-CEA, Saclay) à qui l'on doit une généralisation de la transformée de Fourier (» voir sur Wikiwand) et qui dirigea, par ailleurs, l'antenne française de l'association pour la défense du droit international humanitaire (ADIF).

Décerné tous les trois ans lors du Congrès international de physique mathématique (CIPM) en partenariat avec l'Association internationale de physique mathématique (IAMP), le prix est attribué à trois ou quatre scientifiques pour "leur contribution scientifique exceptionnelle". Le montant attribué à chaque lauréat est de 10 000 €.


   Pour en savoir plus :

  1. a) Biographie de Henri Poincaré sur le site de l'Académie française : http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/henri-poincare
    b) L'œuvre de Henri Poincaré, par Émile Picard (Annales scientifiques de l'ENS, 1913) sur Numdam :
    http://www.numdam.org/article/ASENS_1913_3_30__463_0.pdf
    c) Éloge historique de Henri Poincaré par Gaston Darboux (15 décembre 1913) :
    https://www.academie-sciences.fr/pdf/dossiers/Poincare/Poincare_pdf/Poincare_eloge.pdf

  2. Henri Poincaré, du mathématicien au philosophe : http://henri-poincare.ahp-numerique.fr/

  3. La science et l'hypothèse par Henri Poincaré (1902), Edition Champs, Flammarion, Paris - 1968

  4. Analysis situs, topologie algébriques des variétés, par le groupe Henri Paul de Saint-Servais (CNRS/ Univ. Lyon/UPMC) :
    http://analysis-situs.math.cnrs.fr/

  5. Uniformisation des surfaces de Riemann, retour sur un théorème centenaire, par Henri Paul de Saint-Gervais (pseudonyme), ENS Editions, 2007 :
    https://math.unice.fr/~dumitres/Saint-Gervais.pdf   (» Homepage de Sorin Dumitrescu, univ. Nice sofhia Antipolis/CNRS)

  6. Nombreuses publications de Poincaré sur le site Numdam : http://www.numdam.org/search/Poincaré-a

  7. Sur l'Analysis situs (de Poincaré) par P. Heegaard (1916) :
    http://archive.numdam.org/article/BSMF_1916__44__161_0.pdf

  8. La topologie algébrique des origines à Poincaré, par Jean-claude Pont, Éd. PUF, Paris - 1974 :
    en ligne sur univ. Édinbourg : https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/ponthist.pdf

  9. Une belle page de S. Tummarello  : http://www.futura-sciences.com/news-conjecture-poincare-revelations-perelman_9975.php

  10. Sur le concept de développement asymptotique :
    a) Calcul infinitésimal, Ch. 3, Jean Dieudonné - Éditions Hermann, 1968.
    b) Le mémoire de Cauchy : Sur l'emploi légitime des séries divergentes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k90188b/f24n8.capture
    c) La thèse de Stieltjes : Recherches sur les fractions continues : http://archive.numdam.org/article/ASENS_1886_3_3__201_0.pdf

  11. a) Mémoire sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique (remanié, 1890) :
     http://henripoincarepapers.univ-lorraine.fr/bibliohp/?a=on&jo=Acta+mathematica&action=go
    b) Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, tome 1 sur archive.org :
    https://archive.org/details/lesmthodesnouv001poin/page/n10/mode/2up | » Autres volumes

  12. Poincaré et les développements asymptotiques par Jean-Pierre Ramis :
    a) http://smf4.emath.fr/en/Publications/Gazette/2012/133/smf_gazette_133_33-72.pdf
    b) Les développements asymptotiques après Poincaré : continuité et... divergences, par Jean-Pierre Ramis :
    http://smf4.emath.fr/en/Publications/Gazette/2012/134/smf_gazette_134_17-36.pdf

  13.   Vidéo (univ. Lorraine) : Henri Poincaré et les équations aux dérivées partielles (Jean Mawhin, univ. Louvain)
    - Autres conférences (vidéos) relatives à H. Poincaré et les équations aux dérivées partielles :
      http://numerique.univ-lorraine.fr/mediatheque/sciences-et-societe/Henri-Poincare-et-les-equations-aux-dérivees-partielles

  14.   Vidéo (SMF/BnF/Animath) : Henri Poincaré et le monde non euclidien (Étienne Ghys, ENS Lyon)


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