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➔
On
ne le confondra pas avec, à
droite, son cousin Raymond
(1860-1934), avocat, qui fut Président de la IIIè
République française de 1913 à 1920.
Né à Nancy, Poincaré entre à Polytechnique, classé premier de sa promotion (1873). Les mathématiques seront sa première et principale motivation. Ingénieur au corps des Mines de Nancy à sa sortie en 1877, il prépare sa thèse de doctorat ès sciences mathématiques dirigée par Hermite, intitulée Sur les propriétés des fonctions définies par les équations aux différences partielles, qu'il soutient en 1879. Le jury était composé d'éminents mathématiciens : Bonnet, Bouquet et Darboux.
Chargé de cours à l'université de Caen (1879-1881), il lui est proposé un poste à Paris Sorbonne : nouvelle chaire de physique mathématique et du calcul des probabilités (1886). Poincaré conserva y enseignera jusqu'à sa mort (17 juillet 1912).
Lauréat du prix Poncelet (1885), il fut élu à l'Académie des sciences en 1887, succédant à Laguerre, et reçut la première médaille Sylvester de la Royal Society en 1901.
Savant universel, élu à l'académie française (1908), Henri Poincaré fut aussi un philosophe de renom. Il s'inscrit dans le courant mathématique constructiviste et est considéré, avec Hilbert en Allemagne, comme un des plus grands mathématiciens à la charnière du 20è siècle. Ses travaux en mécanique céleste peuvent être comparés, en importance et par leurs conséquences, à ceux d'Isaac Newton.
Les grands courants de la pensée mathématique au début du 20è siècle : »
Les travaux et résultats scientifiques de Poincaré couvrent de nombreux domaines parmi les plus complexes tant en mathématiques pures qu'en physique mathématique. Parmi ceux les plus proches de notre entendement, on peut citer :
La topologie, initialement consacrée à la déformation continue des courbes et surfaces, qu'il va développer comme une branche autonome des mathématiques (Analysis situs, Journal de l'École Polytechnique, 1895 : » extrait et liens) dans le cadre de ce qui deviendra la topologie combinatoire issue des premiers travaux de Leibniz, Euler et Listing, le conduisant à la topologie algébrique (» réf.8), avec l'intervention de la théorie des groupes due à Sophie Germain et à la théorie de l'homotopie.
Notion de topologie combinatoire et algébrique : » Topologie générale et métrique : »
➔ Analysis situs : issu du grec et du latin savant analysis = analyse, étude et situs = situation au sens des cas et configurations à envisager : aspects combinatoires. C'est à Poincaré que l'on doit le terme d'homéomorphisme dans son Analysis situs de 1895 :
La topologie différentielle, étude de propriétés topologiques de certaines variétés différentielles prolongeant les travaux de Riemann en la matière.
Géométrie riemannienne, variété & topologie différentielles : » Conjecture de Poincaré : »
L'analyse, dont l'étude des équations différentielles pour lesquelles il donne, en 1881, une méthode générale de résolution;
L'analyse asymptotique consistant en particulier à rechercher un équivalent simple d'une fonction f au voisinage d'un point fini ou non au moyen d'un développement en série non nécessairement convergent (» voir ci-après).
La théorie des fonctions de plusieurs variables complexes (dès 1883);
Les fonctions et courbes elliptiques. Dans ce domaine de recherches, on lui doit une conjecture prouvée par Mordell relative à la structure de groupe des points à coordonnées rationnelles d'une courbe elliptique.
Les fonctions automorphes, suite aux travaux de Fuchs, entre 1881 et 1884, où il exhibe deux classes de telles fonctions invariantes par transformations homographiques.
Les fondements des mathématiques avec l'étude des théories axiomatiques, la notion de continu qui ne doit pas se fonder sur le continu intuitif géométrique. Il se rattache à la pensée constructiviste de Kronecker et Brouwer.
» Fréchet
Les géométries non euclidiennes (appliquées à la théorie des formes quadratiques);
Les prémisses de la théorie de la relativité, qui sera développée par Albert Einstein;
La mécanique analytique, où le point matériel de la mécanique classique newtonienne se substitue au comportement mécanique global d'un système; un exemple emblématique en est le problème des trois corps dans le cas de la mécanique céleste;
La résolution des équations aux dérivées partielles (» réf.11&12). En électricité, on lui doit en particulier la résolution générale (1893), au moyen de la transformée de Fourier, de l'équation d'Heaviside dite des télégraphistes, décrivant la propagation électrique dans un câble conducteur.
» Aux sources de la physique mathématiques : Denis Poisson , Daniel Bernoulli
Les prémisses de la théorie ergodique prenant sa source dans la découverte du mouvement brownien. Poincaré énonce son hypothèse ergodique (1890) qui sera prouvée par Birkhoff.
Notion d'ergodicité : »
➔ Notons que dans La Science et L'hypothèse (1902), Poincaré utilise l'expression raisonnement par récurrence pour signifier raisonnement par induction au sens de Pascal. Il s'ensuivra d'ailleurs à ce sujet une petite polémique avec Russel, ce dernier contestant la place excessive que Poincaré octroie à ce type de raisonnement dans ses travaux sur lle fondement des mathématiques.
Géométries non euclidiennes, géométrie et topologie différentielles : |
De très nombreux théorèmes ou concepts portent son nom. En particulier :
Demi-plan et modèle de Poincaré :
L'ensemble des complexes z = a + ib tels que b > 0 est appelé demi-plan de Poincaré. Il y construisit un modèle de géométrie plane hyperbolique (dite de Lobatchevski) où les droites sont des demi-cercles centrés sur l'axe des abscisses (non inclus dans ce demi-plan).
Le modèle de Poincaré est une représentation plane de la géométrie hyperbolique de Lobatchevski.
Notions sur les géométries non euclidiennes : » ∗∗∗ Ce disque rappelle un petit exo : Chèvre de Poincaré
Conjecture de Poincaré (1904) :
Toute variété fermée et simplement connexe de dimension n de l'espace Rn+1 est homéomorphe à la sphère unité Sn ?
Les
cas n = 0, 1 sont triviaux.
Le cas n = 2, relativement simple : cas d'une surface de l'espace usuel, fut formulé différemment et résolu par Riemann dans son étude générale des surfaces. Par exemple, dans l'espace euclidien usuel 3D, en tant que surfaces, l'ellipsoïde et le cube (s) sont homéomorphes à la sphère. Ce n'est pas le cas du tore ou d'une patate trouée...
➔ La figure de droite représente un cube inscrit dans une sphère. L'application qui à tout point S de la sphère, associe l'intersection C du cube avec le rayon [OS], est bijective et continue ainsi que sa réciproque (à deux points du cube infiniment proches correspondent deux points infiniment proches de la sphère) : la sphère et le cube sont homéomorphes.
En fait, en 1904, Poincaré posait le problème dans le cadre de la géométrie euclidienne de dimension inférieure ou égale à 3. Le cas n = 3, correspondant à une surface "usuelle" compacte et sans "trous" plongé dans un espace à 4 dimensions, est très difficile et ne fut résolu qu'en 2003 (» ci-après). En 1934, la conjecture fut généralisée à n entier naturel quelconque et proposée à la sagacité des mathématiciens du monde entier.
Le cas n = 4 a été prouvé par Freedman (1982), ce qui lui valut, avec Simon K. Donaldson la médaille Fields 1986.
Le cas n ≥ 5 a été prouvé par Smale (1961) : ce cas général apparait ainsi plus "simple" à résoudre que le cas particulier de notre espace à 3 dimensions !
La preuve de Perelman :
Au début du 21è siècle, seul le très difficile cas n = 3 restait un problème ouvert : surfaces de dimension 3 plongées dans un espace à 4 dimensions (première conjecture, pour les autres valeurs de n, on parlait de conjecture généralisée).
En 2003, le mathématicien le mathématicien russe Gregory L. Perelman annonça à Boston, lors d'un séminaire du MIT, avoir prouvé la fameuse conjecture après 7 années de travail acharné, ce qui lui valut, trois ans plus tard (après vérification des plus grands spécialistes du sujet) une des quatre médaille Fields 2006, qu'il refusa, tout autant que le million de dollars de l'Institut Clay.
Mécanique céleste, le problème des 3 corps : |
En
1889, dans un traité intitulé
Mémoire sur le
problème des trois corps et les équations de la dynamique
(»
réf.11a), Poincaré
solutionne partiellement ce célèbre
problème de la détermination des orbites de trois corps célestes
en interaction dans l'espace en montrant que le problème possède des solutions
s'exprimant sous forme de séries trigonométriques convergentes à condition que
les distances entre les corps étudiés soient des fonctions périodiques du temps.
A cette occasion, il reçut à Stockholm le grand prix du
roi Oscar II de Suède proposé à l'instigation de Mittag-Leffler en 1885. Le finlandais Sundman
(1909)
et l'astronome français Chazy
(1919)
résoudront finalement ce problème,
considéré jusqu'aujourd'hui comme un des plus difficiles des
mathématiques.
➔ Les Méthodes nouvelles de la Mécanique Céleste (» réf.11b) parues entre 1891 et 1899 marquent une nouvelle approche de cette mécanique avec l'introduction de la topologie et du calcul des probabilités. Poincaré est ainsi à la source de ce qu'on appellera les systèmes dynamiques que développeront en particulier Birkhoff et, plus récemment Yoccoz. Le problème de n corps, conduisant à un système de 3n équations aux dérivées partielles du second ordre (rempli à profusion de fonctions trigonométriques de plusieurs variables...) n'est toujours pas résolu et ne le sera sans doute jamais en dehors de solutions approchées.
Notion de système dynamique : » Théorème de Poincaré-Birkhoff : »
Le concept de développement asymptotique selon Poincaré : |
Dans ses Méthodes nouvelles de la Mécanique Céleste (1891-1899) où il étudie le problème des trois corps, Poincaré introduit l'analyse asymptotique consistant en particulier à rechercher un équivalent simple d'une fonction f au voisinage d'un point xo fini ou non. Cette recherche passe alors par celui d'un développement asymptotique de f au voisinage de xo en un nombre fini de termes. Un développement limité obtenu à partir de la formule de Taylor est un développement asymptotique.
» Stieltjes , Romberg Birkhoff et le "dernier" théorème de Poincaré : »
Afin de résoudre les difficiles équations différentielles de mécanique céleste, dont le fameux sus cité, Poincaré élargit le concept de développement en série en définissant celui de développement asymptotique : à savoir la recherche de séries divergentes susceptibles cependant d'approcher des fonctions au voisinage de l'infini. Le sujet fut initié par Cauchy en 1843 : Sur l'emploi légitime des séries divergentes (» réf.10b) et également traité par Stieltjes (» réf.10c) parlant de séries semi-convergentes) lequel montre notamment qu'une série asymptotique peut fort bien approcher une fonction si on se limite à un nombre fini et convenable de termes.
On dit que deux fonctions f et g sont asymptotiquement équivalentes au voisinage de l'infini (et on note f ~ g) pour exprimer que le rapport f(x)/g(x) tend vers 1 pour x infini (par exemple, f : x→ x et g : x→ x + √x).
Fonctions équivalentes : »
Soit (hn) une suite de fonctions réelles ou complexes vérifiant dans un voisinage V d'un point a fini ou non hk+1(x) = o(hk(x)) pour tout x distinct de a : c'est dire, avec cette notation de Landau, que hk+1 est négligeable devant hk au voisinage de a.
Définition :
Si au voisinage de a, il existe un entier k et des réels α1, α2, ..., αk tels que :
f(x) = α1h1(x) + α2h2(x) + ... αkhk(x) + o(hk(x)),
on dira que f admet un développement asymptotique au voisinage de a.
Les fonctions hk constituent une échelle de comparaison. On dit aussi que f admet un développement asymptotique au voisinage de a pour l'échelle (hn). La fonction x →α1h1(x) est la partie principale de f. Au voisinage de a, Les fonctions x→ 1/(x - a)k tendent vers l'infini. On retrouve là la décomposition en éléments simples des fractions rationnelles.
Un cas important de développement asymptotique est celui de la fonction Γ (fonction gamma) de Euler définie par l'intégrale :
Les formules d'interpolation polynomiale sont des cas particuliers fondamentaux de développement asymptotique : lorsque x tend vers a, x - a tend vers 0 et les cas classiques sont ceux où les hk(x) sont les fonctions puissances x→ (x - a)k tendant vers 0. On parle alors de développement limité.
»
Polynômes d'interpolation
de :
Bernoulli ,
Lagrange ,
Hermite ,
Legendre ,
Tchebychev , ...
On peut aussi se poser le problème inverse : étant donné un développement asymptotique, existe-t-il une (ou plusieurs) fonction(s) pouvant lui être associé ? On parle aujourd'hui d'analyse asymptotique. Sur ce difficile sujet, on pourra lire l'étude de Jean-Pierre Ramis, Poincaré et les développements asymptotiques (réf.12a,10b).
Formule de Taylor et développement limité : » Cas des fractions rationnelles : »
Groupe de Poincaré : |
Le groupe de Poincaré est un groupe d'homotopie relevant de la topologie algébrique. On trouvera quelques éléments à ce sujet sur la page consacrée à la connexité :
Groupe de Poincaré : »
Prix Henri Poincaré :
Avec le soutien de la Fondation de France, le prix, créé en 1996, émane de la Fondation Daniel Iagolnitzer, du nom du physicien français (INSTN-CEA, Saclay) à qui l'on doit une généralisation de la transformée de Fourier (» voir sur Wikiwand) et qui dirigea, par ailleurs, l'antenne française de l'association pour la défense du droit international humanitaire (ADIF).
Décerné tous les trois ans lors du Congrès international de physique mathématique (CIPM) en partenariat avec l'Association internationale de physique mathématique (IAMP), le prix est attribué à trois ou quatre scientifiques pour "leur contribution scientifique exceptionnelle". Le montant attribué à chaque lauréat est de 10 000 €.
➔ Pour en savoir plus :
a) Biographie de Henri Poincaré sur le site de
l'Académie française :
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/henri-poincare
b) L'œuvre de Henri Poincaré, par Émile Picard (Annales scientifiques
de l'ENS, 1913) sur Numdam :
http://www.numdam.org/article/ASENS_1913_3_30__463_0.pdf
c) Éloge historique de Henri Poincaré par Gaston Darboux (15 décembre
1913) :
https://www.academie-sciences.fr/pdf/dossiers/Poincare/Poincare_pdf/Poincare_eloge.pdf
Henri Poincaré, du mathématicien au philosophe : http://henri-poincare.ahp-numerique.fr/
La science et l'hypothèse par Henri Poincaré (1902), Edition Champs, Flammarion, Paris - 1968
Analysis situs, topologie
algébriques des variétés, par le groupe Henri Paul de Saint-Servais (CNRS/
Univ. Lyon/UPMC) :
http://analysis-situs.math.cnrs.fr/
Uniformisation des surfaces de Riemann, retour sur un
théorème centenaire, par Henri Paul de Saint-Gervais (pseudonyme), ENS
Editions, 2007 :
https://math.unice.fr/~dumitres/Saint-Gervais.pdf (»
Homepage de Sorin Dumitrescu,
univ. Nice sofhia Antipolis/CNRS)
Nombreuses publications de Poincaré sur le site Numdam : http://www.numdam.org/search/Poincaré-a
Sur l'Analysis situs (de Poincaré) par P. Heegaard (1916) :
http://archive.numdam.org/article/BSMF_1916__44__161_0.pdf
La topologie algébrique des origines à Poincaré,
par Jean-claude Pont, Éd. PUF, Paris - 1974 :
en ligne sur univ. Édinbourg :
https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/ponthist.pdf
Une belle page de S. Tummarello : http://www.futura-sciences.com/news-conjecture-poincare-revelations-perelman_9975.php
Sur le concept de développement
asymptotique :
a) Calcul infinitésimal, Ch. 3, Jean Dieudonné -
Éditions Hermann, 1968.
b) Le mémoire de Cauchy : Sur l'emploi légitime des séries divergentes
:
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k90188b/f24n8.capture
c) La thèse de Stieltjes : Recherches sur les fractions continues
:
http://archive.numdam.org/article/ASENS_1886_3_3__201_0.pdf
a)
Mémoire sur le
problème des trois corps et les équations de la dynamique
(remanié, 1890) :
http://henripoincarepapers.univ-lorraine.fr/bibliohp/?a=on&jo=Acta+mathematica&action=go
b) Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, tome 1 sur
archive.org :
https://archive.org/details/lesmthodesnouv001poin/page/n10/mode/2up
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Autres volumes
Poincaré et les développements asymptotiques par
Jean-Pierre Ramis :
a)
http://smf4.emath.fr/en/Publications/Gazette/2012/133/smf_gazette_133_33-72.pdf
b) Les développements asymptotiques après Poincaré : continuité et...
divergences, par Jean-Pierre Ramis :
http://smf4.emath.fr/en/Publications/Gazette/2012/134/smf_gazette_134_17-36.pdf
Vidéo (univ.
Lorraine) :
Henri Poincaré et les équations aux dérivées partielles
(Jean Mawhin, univ. Louvain)
- Autres conférences (vidéos) relatives à H. Poincaré et les équations
aux dérivées partielles :
http://numerique.univ-lorraine.fr/mediatheque/sciences-et-societe/Henri-Poincare-et-les-equations-aux-dérivees-partielles
Vidéo
(SMF/BnF/Animath) :
Henri Poincaré et le monde non
euclidien (Étienne Ghys, ENS Lyon)