![]() » Expression analytique du produit scalaire (cas du plan), norme, distance euclidienne | Généralisation : cas réel & complexe | Exercices |
Introduction :
Le concept de produit linéaire de deux vecteurs est né de la physique avec Grassmann et Gibbs et fut baptisé produit scalaire (scalar product) par Hamilton (1853). Le terme scalaire du latin scalaris = escalier, échelle) est utilisé au sens de numérique : dans un contexte vectoriel, il s'agit de distinguer les objets vecteurs et les objets nombres qui opèrent sur les vecteurs. On parle aussi de multiplication par un scalaire : il s'agit là de la loi externe d'un espace vectoriel : si E est un espace vectoriel sur un corps K, les éléments de K sont les scalaires.
Ne pas confondre avec le produit vectoriel : »
➔ Pour simplifier les notations, une écriture grasse italique, comme f ou AB, signifiera un vecteur.
L'exemple fondamental du concept apparaît en dynamique avec le travail d'une force : si une force f déplace un corps selon un chemin rectiligne d, alors le travail fourni est donné par la formule :
| f | désignant l'intensité de la force, | d | la longueur du déplacement et ^x l'angle entre les directions de la force et du déplacement.
i Le terme de
travail d'une force est dû à
Gustave Gaspard Coriolis
(1792-1843) dans un traité de mécanique (1829), réédité sous le titre Traité
de la mécanique des corps solides (1844). Physicien et mathématicien français,
polytechnicien, il fut ingénieur des Ponts et Chaussées, élu à l'Académie des sciences
en 1836.
On lui doit aussi un résultat paru dans le journal de l'École
polytechnique concernant l'étude de la force centrifuge pour un système de
points en rotation où il fait intervenir une force virtuelle portant son nom
(force de Coriolis,
accélération de Coriolis), expliquant aux yeux
de certains, entre autres usages plus sérieux, pourquoi l'eau d'une baignoire
que l'on vide tourne, en toute théorie, en sens différents autour de la bonde
dans les hémisphères nord et sud.
Aujourd'hui, le produit scalaire se rencontre dans tous les domaines de la physique :
Définition élémentaire, orthogonalité, plan euclidien, distance euclidienne : |
Considérons deux vecteurs u et v d'un plan. Choisissons un représentant AB de u, un représentant CD de v. Notons HK le projeté orthogonal de CD sur la droite (AB). Décidons d'une unité de longueur dans le plan (au sens élémentaire de la distance entre deux points quelconques du plan) et d'un sens de parcours sur (AB) de A vers B. Le produit scalaire de u et v, noté u.v est alors le nombre s'exprimant au moyen des mesures algébriques de AB et HK sur (AB) par
:
u.v = AB × HK
➔ Lorsque le plan est considéré comme muni de ce produit scalaire, on parle de plan euclidien.
Remarques :
♦ Une notation souvent utilisée pour les produits scalaires sur des espaces abstraits est <u,v>. Remarquer que l'on ne dit pas produit scalaire de u par v, bien que ce ne soit pas interdit, car le produit scalaire est commutatif : on aurait tout aussi bien pu projeter AB sur (CD). C'est dire que :
En effet, il résulte de la définition et de la trigonométrie élémentaire que :
u.v = AB × CD × cos^(u,v)
et bien que ^(v,u) = - ^(u,v), la fonction cosinus étant paire, on a cos^(v,u) = cos^(u,v).
♦ Sur le schéma ci-dessus, l'angle géométrique ^(u,v) est aigu. Le cas obtus conduit (heureusement...) au même résultat : en effet (ci-dessous), CD se projette en HK sous un angle aigu π - ^(u,v) et relativement au sens de parcours positif choisi (de A vers B), HK est ici négatif, la définition u.v = AB × HK conduit alors à :
u.v = AB × (- CD) × cos[π - ^(u,v)] = AB × CD × cos^(u,v)
! On ne confondra pas le produit scalaire, qui est un nombre, avec le produit vectoriel qui est un vecteur et qui est non commutatif .
♦ Propriétés :
On vérifie facilement que :
♦ Expression analytique du produit scalaire :
On munit le plan d'un repère orthonormé (O,I,J), au sens élémentaire comme enseigné au collège, c'est à dire que les vecteurs i = OI et j = OJ du repère sont orthogonaux et que OI = OJ = 1 (vecteurs unitaires). Posons alors u = xi + yj et v = x'i + y'j. On a :
On a alors :
Notion de norme, distance euclidienne :
Avec les notations précédentes, si u = AB, alors, par définition du produit scalaire, u2 = AB2 ≥ 0, carré de la distance AB. La racine carrée de u2 est la norme du vecteur u (on dit aussi le module par analogie avec les nombres complexes).
Dans le plan euclidien, la norme de u = AB est donc la distance de A à B. On parle de distance euclidienne pour rappeler son lien avec le produit scalaire. On note généralement || AB || la norme du vecteur AB. Un vecteur de norme 1 (unitaire) est aussi dit normé.
En résumé :
u2 = u.u = || u ||2 ; si u = AB, alors || u || = AB
u.v = || u || × || v || x cos^(u,v)
➔ Eu égard à u.v = xx' + yy', on retrouve que si u = AB, alors u2 = AB2 = x2 + y2, résultat qui exprime le théorème de Pythagore : en effet, les coordonnées de u sont x = xB - xA = 4 et y = yB - yA = 2 et dans le triangle rectangle ABH (ci-dessous), on a AB2 = AH2 + HB2 = x2 + y2 = 20, d'où AB = || u || = 2√5.
D'une façon générale, dans le cas du plan :
Comme on le verra ci-après, la formule se généralise facilement à l'espace (3 dimensions) :
d
2(A,B) = || AB ||2 = (xB - xA)2 + (yB - yA)2 + (zB - zA)2et à des espaces vectoriels abstraits de dimension finie.
∗∗∗
Une application du
produit scalaire ou des rotations
:
»
Un résultat pratique :
Pour tout couple (u,v) de vecteurs, on a :
u.v = ½ (|| u + v ||2 - || u ||2 - || v ||2) ainsi que u.v = ½ (|| u ||2 + || v ||2 - || u - v ||2)
Preuve : dans le premier cas, par exemple : || u + v ||2 = (u + v ).(u + v ) = (u + v ).u + (u + v ).v = || u ||2 + || v ||2 + 2 × u.v. D'où le résultat.
∗∗∗ |
1.a) Avec les notations de la
figure ci-dessous où ABDC est un parallélogramme, calculer le produit
scalaire CD |
1.b) Retrouver votre résultat en calculant la valeur exacte de cos^DCB. |
1.c) Retrouver votre résultat en calculant la valeur exacte de DH. |
2) Calculer le produit scalaire
CD |
Généralisation : » Espace de Banach : »
Généralisation à des espaces vectoriels sur R ou C, espace euclidien : |
Les propriétés 1 et 2 ci-dessus expriment la bilinéarité du produit scalaire (linéarité par rapport aux deux composantes du produit). La relation 4 exprime une positivité non dégénérée (la nullité n'a lieu que si u est nul). La définition, dans un espace abstrait, d'un produit scalaire permet de définir les notions de distance (norme), d'alignement (colinéarité) et, a contrario, d'angle (directions distinctes) et d'orthogonalité (relation 4).
D'une façon générale, si E est un espace vectoriel sur un corps K, on appelle forme sur E, toute application de E (ou du produit cartésien En) vers K (on parle aussi d'application scalaire).
♦ 1. Cas réel, espace euclidien :
Soit E un espace vectoriel sur R. Par analogie avec le cas concret des vecteurs du plan, on appelle produit scalaire sur E, toute forme bilinéaire f :
Formes bilinéaires, trilinéaires, multilinéaires : » Formes quadratiques : »
On exprime les propriétés 2 et 3 en disant que la forme f est définie positive. L'application qui à u associe f(u,u) est une forme quadratique.
➔ Rappel : la notation <u,v> pour le produit scalaire de u et v est très souvent utilisée.
Un espace vectoriel réel E muni d'un produit scalaire est qualifié d'euclidien. Pour bénéficier de cette qualification, certains mathématiciens exigent une dimension finie de l'espace vectoriel E.
♦ 2. Cas complexe, forme sesquilinéaire :
Soit E un espace vectoriel sur le corps C des nombres complexes. La définition qui suit prolonge la précédente au cas complexe. On appelle produit scalaire sur E, toute forme (u,v) → f(u,v), de E × E dans C, telle que :
f est linéaire par rapport à u : f(u + u', v) = f(u,v) + f(u',v) et f(ku,v) = kf(u,v) pour tout nombre complexe k.
symétrie
hermitienne : pour tout couple (u,v) de E
× E :
f(v,u) = f(u,v),
complexe conjugué de f(u,v).
on parle aussi dans ce cas de forme auto-adjointe.
positivité : pour tout élément non nul u de E : f(u,u) > 0.
non dégénérescence : f(u,u) = 0 ⇔ u = 0E (vecteur nul de E).
Un espace vectoriel complexe muni d'un tel produit scalaire est dit hermitien (ou hermitique). Ces qualificatifs sont forgés sur le nom du mathématicien français Charles Hermite.
➔ L'application (u,v)→f(v,u) est dite adjointe de f et généralement notée f* (» matrice adjointe). L'application u→f(u,u) est ici appelée forme hermitienne associée à f.
Deux nombres conjugués ayant des arguments opposés, l'axiome 2 s'interprète géométriquement pour signifier ^(u,v) = - ^(u,v) dans le cas des vecteurs du plan ou de l'espace orienté. On remarquera que :
∗∗∗
En utilisant les axiomes de définition 1 et 2 ci-dessus, prouver que
f est une forme bilinéaire par rapport à u et
v.
On dit parfois que f est sesquilinéaire (sesqui : du latin sesque, contraction de semisque signifiant un et demi par opposition à bilinéaire signifiant linéaire par rapport à u et à v), néologisme dû à Bourbaki dans son traité d'algèbre. L'application qui à u associe f(u,u) est réelle, c'est une forme hermitienne (ou hermitique).
Norme associée ou non à un produit scalaire (cas général) : |
♦ Dans un espace vectoriel E sur un corps K = R ou C, on peut définir une norme sans pour autant devoir y définir un produit scalaire, on parle alors d'espace vectoriel normé :
Une norme dans E est une application de E dans R+ qui à tout vecteur u associe le nombre généralement noté || u || vérifiant :
♦ Lorsque l'espace vectoriel E est muni d'un produit scalaire, noté ci-dessous < >, on appelle norme associée à ce produit scalaire ou encore norme euclidienne, l'application qui à tout élément u de E associe le nombre (positif) :
Cette norme vérifie les propriétés ci-dessus.
|| u ||2 = <u,u> est le carré scalaire de u. Dans le cas réel, par bilinéarité, on a <k.u,k.u> = k2<u,u> = k2|| u ||2 . Dans le cas complexe, avec la notation <u,v> = f(u,v) de la forme sesquilinéaire, on aura :
<k.u,k.u> = kk<u,u> = |k|2<u,u>
Pour un vecteur, abstrait ou non, sa norme est en quelque sorte sa mesure et || k.u || = |k| || u || (k réel ou complexe). Normer un vecteur non nul, c'est le multiplier par l'inverse de sa norme. On obtient alors un vecteur unitaire (de norme 1). Une base d'un espace vectoriel est dite orthonormale ou orthonormée si elle est orthogonale et si ses éléments sont unitaires (de norme 1).
Trois résultats fondamentaux :
♦ Si u(x, y, z,...) et u'(x', y', z',...) sont ainsi exprimés dans une base orthonormée pour un produit scalaire noté < >, alors :
et ce produit scalaire est indépendant de la base orthonormée utilisée. Le carré scalaire de est u :
|| u ||2 = x2 + y2 + z2 + ...
♦ Si (e1, e2, ..., ei, ..., en) est une base orthonormée d'un espace vectoriel de dimension n, alors la i-ème coordonnée (composante) d'un vecteur u exprimé dans cette base est <u,ei>.
♦ Pour tout couple (u,v), on a :
<u,v> = ½ (|| u + v ||2 - || u ||2 - || v ||2) <u,v> = ½ (|| u ||2 + || v ||2 - || u - v ||2)
Preuve : dans le premier cas : || u + v ||2 = <u + v, u + v> et en développant par bilinéarité.
En conséquence : si u et v sont orthogonaux, alors || u + v ||2 = || u ||2 + || v ||2 : à rapprocher du théorème de Pythagore.
Notion de distance :
On peut définir une distance à partir de la norme en posant :
On voit l'analogie avec la distance euclidienne usuelle du plan ou de l'espace en posant d(A,B) = || OB - OA || = || AB ||. En dimension 3, le carré scalaire de AB fournit le carré de la distance d(A,B) par la formule :
d2(A,B) = || AB ||2 = (x
B - xA)2 + (yB - yA)2 + (zB - zA)2Ce qui se généralise à une dimension n quelconque. La notion de distance, ici définie par une norme, conduit à celle, plus générale, de métrique sur un ensemble :
Espaces métriques : »
Inégalité dite de Cauchy-Schwarz :
On montre facilement que :
| <u,v> | ≤ || u || × || v ||
L'égalité a lieu si et seulement si u et v sont colinéaires (u = kv). Pour prouver ce résultat, il suffit de développer le carré scalaire <α.u + v , α.u + v> où α est un scalaire arbitraire et écrire que le discriminant du trinôme du second degré en α est négatif ou nul puisque <α.u + v , α.u + v> est positif.
Par exemple, dans l'espace vectoriel des fonctions numériques continues sur un intervalle [a,b] :
» Schwarz , Hölder , Minkowski
Remarque et clin d'œil à la statistique:
L'inégalité de Cauchy- Schwartz permet de généraliser la notion d'angle de vecteurs dans un espace vectoriel E de dimension finie n sur R rapporté à une base orthonormée en posant pour u(x1, x2, x3, ... ,xn) et v(y1, y2, y3, ... ,yn) :
(cos)
Quelle que soit la dimension de E, on a : -1 ≤ cos^(u,v) ≤ 1.
Considérons maintenant u et v en tant que séries statistiques de moyennes respectives u et v. Désignons par u (resp. v) les séries (vecteurs) de coordonnées toutes égales à u (resp. v). Dans la formule (cos) ci-dessus, en divisant haut et bas par 1/n, vérifier que
cos^(u - u ,v - v) n'est autre que le coefficient de corrélation entre u et v, à savoir cov(uv)/[σ(u)σ(v)]
1.1 On considère l'espace vectoriel F des fonctions numériques continues sur un intervalle [a,b] (a < b). Montrer que la forme définie ci-dessous est un produit scalaire dans F :
<f , g> = ∫[a,b]
f(x)g(x)dx ☼1.2 F désigne désormais l'ensemble des fonctions d'une variable réelle, continues sur un intervalle [a,b], à valeurs dans C. Montrer que la forme définie ci-dessous est un produit scalaire dans F :
<f , g> = ∫[a,b] f(x)g(x)dx
» Ces produits scalaires ou leurs variantes pondérées se retrouvent dans de nombreux cas d'espaces fonctionnels : on pourra consulter plusieurs pages sur cet important sujet : » Hilbert , Polynômes orthogonaux , Séries de Fourier et espaces L2
2. E désignant un espace vectoriel de dimension 2 sur R rapporté à une base B, on considère la forme f définie par :
2.1 Montrer que f est bilinéaire et positive.
2.2 En considérant v(x,y) non nul tel que y = - x, montrer que f n'est pas un produit scalaire.
3. Montrer qu'une forme bilinéaire symétrique, sur un espace vectoriel E, ne gardant pas un signe constant est dégénérée. Rép. : ☼
4.
Montrer que dans R (resp. C), la valeur absolue
(resp. le module) est une norme.
5.
E est un espace vectoriel de dimension 2 sur R et
rapporté à une base (i,j). Pour tout vecteur
V(x;y),
on pose : || V || = | x | + | y
|.
Montrer que l'on
définit ainsi une norme sur E.
➔ Pour en savoir plus :