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Maurice
Fréchet fit ses études secondaires à Paris, au lycée Buffon où Jacques Hadamard,
alors jeune professeur agrégé, lui sa passion pour les mathématiques. Maurice le
suivit au lycée Saint-Louis. Il entre à l'École Normale Supérieure (1900) et en
ressort agrégé de mathématiques en 1903. Sous la houlette d'Hadamard,
Fréchet travaille à la mise en place d'ensembles
"abstraits" dont les éléments sont des fonctions : les
espaces fonctionnels), qui sera son sujet de
thèse : Sur quelques points du calcul
fonctionnel, soutenue en 1906.
Fréchet débute sa carrière d'enseignant chercheur en province avant d'obtenir un premier poste en mécanique rationnelle à l'université de Poitiers (1910-1919), puis d'analyse à Strasbourg (où il enseignera également la statistique à la Chambre de commerce) et Paris (dès 1928) à l'invite de Borel où il occupera les chaires de calcul différentiel et intégral puis de calcul des probabilités (1940-49), en remplacement de Borel.
Avec l'italien Volterra en Italie, Hilbert en Allemagne, il est à la source d'importants travaux en analyse fonctionnelle (appellation due à Levy, 1922), ainsi qu'en topologie (espaces métrisables), en statistique et en calcul des probabilités (qu'il enseigna également à Paris). On lui doit à ce propos, l'appellation loi de Laplace-Gauss pour arrêter de se déchirer la paternité de la loi normale (préférée par Pearson) entre France (Laplace) et Gauss (Allemagne). à 58 ans (1956), il est élu à l'Académie des Sciences et sa carrière, loin d'être achevée, sera prolongée par une longue retraite jusqu'en 1973, dans sa 95è année.
C'est quoi l'analyse fonctionnelle ? : » La loi normale ou de Laplace-Gauss : »
Dans un espace abstrait (réf. 4-6), on s'attache non pas à la nature des éléments mais aux relations et propriétés liant ces éléments. Fréchet annonce le concept d'espace topologique qui sera développé axiomatiquement par l'allemand Hausdorff (1913) et les premières notions de ce qu'on appellera les filtres, mais en se restreignant à des limites au sens dénombrable (suites, séries).
On lui doit aussi :
en 1909 : la définition moderne (ensembliste) d'une fonction f d'un ensemble abstrait A vers un ensemble abstrait B, notée f : A → B. Par ensemble abstrait, Fréchet entend un ensemble dont les éléments sont "soit de nature indéterminée, soit de nature parfaitement connue mais dont, provisoirement, on n'a pas besoin de faire entrer la nature en ligne de compte".
Pages choisies d'analyse générale,
monographies réunies par Mme Destouches-Février - Éd. Gauthier-Villars - 1953
A noter que dans son traité sur Les espaces abstraits et leur théorie considérée comme introduction à l'analyse générale (1928, » Réf. 2 & 6) Fréchet donne la définition topologique de la continuité d'une fonction :
La notion nouvelle d'espace métrique : |
On doit à Fréchet, dans sa thèse de 1906, la définition d'un espace métrique (appellation due à Hausdorff) qu'il appela à l'époque espace distancié, ensemble E muni d'une application d de E × E dans E, appelée distance. Fréchet parlait d'écart.
Un exemple élémentaire d'espace métrique est R muni de la distance d qui au couple (x,y) associe |x - y|.
La notion actuelle d'espace métrique : »
Tout espace métrique est séparé tant au sens d'Hausdorff que de Fréchet. Avec Schmidt, Fréchet proposera la notation || x || pour la norme d'un élément x d'un espace vectoriel normé. Banach développera le concept plus général d'espace vectoriel normé.
Espace métrique complet :
Dans sa thèse de 1906, Fréchet définit le très important concept d'espace métrique complet (on disait à l'époque complet en soi) : dans un tel espace E, une suite (xn) de points vérifiant la condition de Cauchy, d(xn,xm) → 0 pour n et m → ∞, est convergente vers un point de E.
R est complet pour la distance usuelle d(x,y) = | x - y |. Il en est de même de et tout intervalle fermé [a,b].
C est complet pour la distance usuelle d(x,y) = | x - y |. Il en est de même de et tout disque fermé | z | ≤ r de rayon r.
Q n'est pas complet puisque tout irrationnel (comme e ou √2) est limite d'une suite de rationnels !
Suites de Cauchy et espace métrique complet : »
C'est Fréchet qui définira (dans sa thèse de 1906) le concept de compacité, pris ci-dessous dans le cadre d'un ensemble de fonctions (Annales de l'ENS : Sur les fonctionnelles continues, Fréchet, 1910) et qui l'amènera à la convergence uniforme des séries de fonctions et la continuité de la somme généralisant des résultats de Weirstrass. La notion d'espaces compacts s'est avérée nécessaire eu égard aux problèmes soulevés par les limites et la continuité dans les espaces topologiques. L'importance de tels espaces sera renforcée une quinzaine d'années plus tard avec l'émergence de l'École russe de topologie menée par Uryson et Alexandrov.
Notions de topologie générale, compacité : » » Volterra , Fredholm , Lévy
Espace de Fréchet, espace séparé : |
Dans un espace abstrait, en l'absence d'axiome de séparation des points, une suite pourrait avoir deux limites distinctes ! pour cette raison, la notion d'espacé séparé est fondamentale.
Fréchet énonça un axiome de séparation , dit aujourd'hui T1, dans un espace topologique E :
Quels que soient x et y dans E, il existe (au moins) un voisinage V de x et un voisinage W de y tels que x ∉W et y ∉V.
Un tel espace fut baptisé espace de Fréchet mais de nos jours on qualifie généralement d'espace de Fréchet tout espace vectoriel toologique localement convexe, métrisable et complet.
Tout espace de Banach est un
Hausdorff a introduit (1914) un axiome de séparation plus fort, dit T2, correspondant à la notion d'espace topologique séparé au sens actuel :
Quels que soient x et y dans E, il existe (au moins) un voisinage V de x et un voisinage W de y tels que V∩W = Ø.
∗∗∗
Soit E un espace topologique séparé. On dit qu'une
suite (xn) de points tend vers x de E ssi :
pour tout voisinage V de x, il existe un entier NV tel que si n
≥ Nv alors xn∈V.
Supposer alors que (xn) possède deux limites distinctes x et x'. et montrer
que si E est séparé, alors x = x'.
» On doit aussi un axiome de séparation à Kolmogorov, dit T0, plus faible que celui de Fréchet : dans un espace "abstrait" ε, muni d'une distance d, un voisinage V d'un élément x est l'ensemble des points y de ε tels que d(x,y) ≤ h, h > 0.
Un espace topologique muni de T0 est parfois appelé espace de Kolmogorov. On parlait à l'époque de sphéroïdes pour signifier que cela ressemble à une sphère (du grec eidos = forme). On parle aujourd'hui plus volontiers de boule de centre x, de rayon h.
➔ Rappelons ici qu'un espace métrique est dit séparable lorsqu'il contient une partie dense et dénombrable. Un espace topologique E est dit métrisable s'il existe une distance dans E compatible avec sa topologie T : c'est à dire que la topologie définie par cette distance n'est autre que T.
En savoir un peu plus sur les espaces métriques et ce vocabulaire : » » Kolmogorov
Dérivation (ou différentiabilité) au sens de Fréchet (1912) : |
Faisant suite aux travaux de Jacques Hadamard et de Otto Stolz en analyse fonctionnelle, Fréchet met en place la différentielle d'une fonctionnelle f → Uf lorsque f désigne une fonction de plusieurs variables réelles. Laissons ici Fréchet s'exprimer (Pages choisies d'analyse générale, Ch. III, analyse fonctionnelle, p.123-145 réf.1) :
i Otto Stolz (1842-1905) : mathématicien autrichien qui étudia les mathématiques à Innsbruck et à Berlin. Weierstrass y fut un de ses professeurs. Professeur à Innsbruck, Ses travaux portent sur l'analyse, la théorie des fonctions de plusieurs variables. On lui doit notamment Grundzüge der differential und integral Rechnung (Éléments de calcul différentiel et intégral) en 3 volumes édités entre 1893 et 1899 à Leipzig. » intégrale double , convexité.
On peut donner une définition plus contemporaine de la dérivée au sens de Fréchet :
Soit E et F deux espaces de Banach sur K = R ou C, L un opérateur linéaire de E dans F, borné pour la norme de la convergence uniforme, U un ouvert de E et u∈U.
Une application f : U → F
est dite différentiable en u au sens de Fréchet si le rapport ||f(u
+ v) - f(u) - Lv|| /||v|| admet une limite finie lorsque
v tend vers 0 dans E. Cette limite, notée
f
'(u), est la
dérivée de f en u au sens de Fréchet.
Cette dérivée voit son application dans les problèmes de convexité et d'optimisation. On pourra consulter la page de Didier Auroux (univ. Nice Sofia Antipolis) consacrée à ce sujet (» réf.15) et en particulier ses deux pages d'exercices sur les dérivées au sens de Gâteaux et de Fréchet (» réf.16). On notera que la dérivabilité au sens de Fréchet implique la dérivabilité au sens de Gâteaux et les deux dérivées sont égales.
Dérivabilité au sens de Gâteaux : »
Filtre de Fréchet : |
On nomme ainsi le filtre des complémentaires des parties finies de N, que Fréchet introduisit implicitement dans sa thèse de 1906 (Sur quelques points du calcul fonctionnel).
Henri Cartan et la notion de filtre : »
➔ Pour en savoir plus :
PAGES CHOISIES D'ANALYSE GÉNÉRALE, Maurice Fréchet, Éd. Gauthier-Villars, Paris & E. Nauwelaerts, Louvain - 1953