ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

KRONECKER Leopold, allemand, 1823-1891

Fils de commerçants aisés, Leopold naquit à Liegnitz (autrefois prussienne, actuelle ville polonaise de Legnica). Il y fit ses études secondaires où il reçut l'enseignement de Kummer (tout jeune professeur, nommé là en 1832). Brillant élève en toute matière, Kronecker entre à l'université de Berlin en 1841 où enseignaient alors Jacobi, Steiner et Dirichlet. Il se liera d'amitié avec Eisenstein, jeune étudiant, né comme lui en 1823.

Sans doute sous l'influence de Kummer au lycée de Liegnitz (qui rejoignit l'université de Berlin en 1855) et de Dirichlet à l'université, la vocation de Kronecker pour les mathématiques s'affirme. Dirichlet dirigera sa thèse soutenue à 22 ans (1845), De unitatibus complexis (= A propos des unités complexes).

En théorie algébrique des nombres, Kronecker complète la théorie de Galois (1853) et sans doute avec le secret espoir, comme Kummer, de démontrer le grand théorème de Fermat, il approfondira le concept des nombres idéaux, initié par son ancien professeur et implicitement présents dans sa thèse en ouvrant ainsi la voie à Dedekind dans la création de la notion d'idéal d'anneau. L'apport de Kronecker en la théorie des corps de nombres fut ainsi capital. Professeur à l'université de Berlin, il fut élu à l'Académie des sciences de Berlin en 1860.

Nombres algébriques, extension algébrique d'un corps :  »               »  Abel , Galois , Liouville

Kronecker intervint également en algèbre linéaire, nouvelle branche des mathématiques initiée par Cayley. Ses travaux seront poursuivis par Hilbert.

Reprenant les idées de Galois sur la résolution des équations algébriques, il publia, la même année que Hermite (1858), une élégante étude de l'équation du 5è degré faisant usage des fonctions elliptiques.

En tant qu'algébriste convaincu de la prééminence des entiers naturels dans l'architecture mathématique, Kronecker s'est écarté, parfois assez violemment, de ses contemporains ou collègues comme Weierstrass, Dedekind ou Cantor (qui fut son élève...) à propos de la construction des nombres réels (nombres irrationnels), lesquels introduisaient des concepts d'analyse fonctionnelle.

Par exemple, l'existence de √2, racine carrée de 2, n'est pour lui qu'une vue de l'esprit : ce n'est pas un nombre ! On peut certes l'approcher mais pas la traiter comme un objet mathématique bien construit tel qu'un entier. On lui doit cette pensée pythagoricienne :

Dieu a créé les nombres entiers, le reste est l'œuvre de l'homme.

et il précisait que la recherche mathématique devait s'appuyer exclusivement sur les simples propriétés des nombres entiers.

    L'avenir montrera que l'analyse de Weierstrass l'a emporté mais le doute de Kronecker, à la base du constructivisme de Brouwer et Poincaré, engendra la réflexion sur la remise en cause de principes supposés évidents, comme celui du tiers exclu ou de l'axiome du choix. Au début du 20è siècle, la crise sur les fondements des mathématiques, générée par les paradoxes de la théorie des ensembles de Cantor, fut une dure mais salutaire bataille.

Logicisme, constructivisme (intuitionnisme), formalisme :  » 

Répartition modulo 1 des nombres irrationnels :

En 1884, en rapport avec l'important sujet des approximations rationnelles de nombres irrationnels (qualifiées de diophantiennes), Kronecker étudia la répartition des nombres irrationnels en s'intéressant aux suites vn = un - E(un) où (un) désigne une suite numérique réelle et E(un) la partie entière par défaut de un. représente donc la partie fractionnaire (décimale illimitée), généralement notée {un}. La suite (vn) est à valeurs dans [0,1[ : on parle de répartition modulo 1 car on a, au sens des congruences, : vn ≡ un [1].

Si α est irrationnel, l'ensemble Mα de ses multiples nα modulo 1 est dense dans [0,1[.

Autrement dit Mα = [0,1[ : l'adhérence de Mα est [0,1[ et par conséquent, tout élément de l'intervalle [0,1[ est limite d'une suite extraite de Mα. Savoir laquelle est un autre problème. Mais pour tout x de [0,1[, tout ε > 0 et n suffisamment grand, on est assuré d'avoir |{nα} - x | < ε.

Dans les années 1910, le sujet prend de l'ampleur avec l'étude générale des nombres algébriques, zéros de polynômes à coefficients entiers) et fut relancé en particulier par Hardy & Littlewood. à la même époque (1916), Hermann Weyl définira l'équirépartition modulo 1 sur laquelle se pencheront Bohl, Fejer et Sierpinski.

 i   Piers Bohl (1865-1921), mathématicien letton (la Lettonie était à l'époque un état de l'empire russe). Ses principales recherches portèrent sur les systèmes d'équations différentielles et la topologie.

En savoir un peu plus sur le sujet : »

Théorème de Kronecker pour les polynômes de Z[x] :

Soit P un polynôme unitaire irréductible à coefficients dans Z dont tous les zéros sont de module au plus égal à 1. Alors P est l'identité ou bien P est un polynôme cyclotomique.

Nombres de Pisot et de Salem :  »

Lemme de Kronecker  :

Soit (an) et (bn) deux suites de nombres réels telles que :

1. la suite (bn) est strictement positive et croissante tendant vers l'infini (divergente);
2. la série de terme général a
n/bn est convergente

Alors, la suite de terme général :

converge vers 0.

Kolmogorov et la loi forte des grands nombres :  »

Symbole de Kronecker :

 

Ce symbole est utilisé tout particulièrement en calcul matriciel et en algèbre linéaire.

Applications linéaires, calcul matriciel : »


   Pour en savoir plus :

  1. Les constructions des nombres réels dans le mouvement d'arithmétisation de l'analyse
    par Jacqueline Boniface - IREM - Histoire des mathématiques - Éd. Ellipses, Paris - 2002.
  2. La répartition modulo 1 et les nombres algébriques, par Charles Pisot, 1938 :
    http://archive.numdam.org/article/ASNSP_1938_2_7_3-4_205_0.pdf

  3. Équirépartition modulo 1 d'après Hermann Weyl, par Pierre de la Harpe (Univ. Genève) :
    http://www.unige.ch/math/folks/delaharpe/vulgarisation/4Therg20mar05.pdf

  4. De l'équirépartition modulo 1 aux nombres de Salem, par E. H. El Abdalaoui et G. Grancher :
    http://lmrs.univ-rouen.fr/Salem/nbressalem.pdf


Houël   Codazzi
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