EUCLIDE d'Alexandrie,
grec, vers -330/-260 |
On ne possède pas d'informations précises sur la vie d'Euclide et sur la période précise où il vécut. Il semble avoir été dans la force de l'âge vers -285 avant J.-C., qu'il étudia à Athènes à l'École des successeurs de Platon et qu'il s'établit à Alexandrie, sur l'invitation de Ptolémée II, roi d'Égypte, où Apollonius fut un de ses élèves.
➔ Le nom d'Euclide se rattache à de nombreux concepts mathématiques, il s'agit cependant d'éviter tout anachronisme. Des appellations comme : distance euclidienne, espace vectoriel euclidien, espace localement euclidien, norme euclidienne, veulent rappeler que le contexte mathématique sous-jacent est compatible avec la géométrie élémentaire de ce grand (immense, génial) mathématicien.
» Plan euclidien , distance , norme , espaces topologiques
Les Éléments d'Euclide, œuvre monumentale en treize livres, nous sont heureusement parvenus et auront marqué toutes les générations de mathématiciens jusqu'à nos jours : synthèse des mathématiques connues à son époque auxquelles il apporte compléments, démonstrations et rigueur en arithmétique, algèbre et géométrie.
La diversité du style de la rédaction fait penser à certains historiens qu'il ne fut pas seul à les rédiger à l'instar des Éléments de mathématique de Bourbaki... Mais ce ne sont que des spéculations. Les quatre premiers volumes sont consacrés à la géométrie plane (livres I à IV). Cette dernière est mise en place au moyen de cinq postulats (les demandes) et de neuf axiomes relatifs aux grandeurs (les notions communes) à l'usage de la géométrie et du calcul.
Les Éléments traitent par ailleurs (Livres VII, VIII, IX) de l'arithmétique (étude des entiers naturels, divisibilité et nombres premiers), des calculs fractionnaires à travers la théorie des proportions empruntée à Eudoxe et des nombres irrationnels (nombres incommensurables, Livre X) découverts par les Pythagoriciens.
Proportions et proportionnalité : »
Les derniers livres sont consacrés aux aires et aux volumes des configurations usuelles du plan et de l'espace, reprise des travaux d'Eudoxe et Théétete, avec l'étude des polyèdres réguliers : Livre XIII, propositions XIII à XVII précédées de 12 propositions préliminaires. Il faudra attendre Archimède pour connaître le volume de la sphère et l'aire de sa surface).
Il apparaît cependant avéré que ces derniers résultats, faisant parfois l'objet des livres XIV et XV dans certains manuscrits anciens furent en fait développés par un mathématicien grec : Hypsiclès d'Alexandrie qui vécut en cette ville au 2è siècle avant J.-C. On lui doit aussi un traité d'astronomie qui réapparut en latin, traduit par un médecin français du 17è siècle, intitulé Anaphoricus sive de ascensionibus, où il fait usage du système sexagésimal.
La géométrie d'Euclide, définitions, axiomes et postulats, démontrer, construire, exercices : »
Quelle nuance entre postulat et axiome ? |
Postulat : du latin postulare = demander : que l'on demande au lecteur d'accepter. Le postulat est de nature plus philosophique que mathématique. Il est un principe (du latin principium = origine, commencement) de pensée, base de toute réflexion ou raisonnement valide au sens d'Aristote , de Leibniz et de Kant.
Emmanuel Kant : illustre philosophe allemand, 1724-1804, né et professeur à Königsberg, célèbre université qui "hébergea" les plus grands mathématiciens occidentaux.
Le postulat doit être admis, consenti avant toute poursuite du dialogue ou de la lecture. Il est une hypothèse de travail. En mathématiques, il apparaît dans la mise en place d'une théorie (système déductif cohérent) comme une proposition admise que cette dernière ne pourra ni prouver, ni infirmer par ses propres moyens (ses théorèmes).
Axiome : du grec axioma = j'estime, je crois vrai : conduisant au sens d'irréfutable, d'évident. Un axiome est un postulat. Mais il est de nature plus évidente. Quiconque doit, s'il en comprend l'énoncé, l'admettre sans discuter : c'est un truisme. Citons par exemple, en notation moderne, deux axiomes arithmétiques des Éléments d'Euclide (Livre I, notions communes) :
De nos jours, l'axiome peut prendre l'aspect d'une définition : voilà un objet, il est ainsi défini, ses propriétés seront les suivantes. Pas de débat philosophique, c'est comme cela et pas autrement et on ne discute pas !..
Les quinze axiomes et postulats de la géométrie euclidienne se sont avérés insuffisants pour ladite géométrie : certains iront jusqu'à parler de manque de rigueur, à travers des démonstrations basées sur la notion intuitive de superposition (cas d'égalité des triangles) induisant une idée de mouvement et d'isométries nullement définis.
Afin de la compléter, Playfair, Pasch, Hilbert se sont penchés sur l'axiomatique de cette géométrie, mise à mal par 2000 ans de controverses concernant le 5è postulat selon lequel par un point extérieur à une droite, on peut mener une parallèle et une seule à cette droite.
Quoi qu'il en soit, pensés
et rédigés
250 ans avant Jésus-Christ, les Éléments constituent encore, 22 siècles
plus tard,
une des plus
belles œuvres intellectuelles de l'histoire de l'humanité.
L'axiomatisation des mathématiques reprend naissance avec Hilbert (algèbre et géométrie), Kolmogorov (probabilités), Cantor (théorie des ensembles) et fait fureur jusqu'à la célèbre bataille de l'axiome du choix : Zermelo.
Conjecture, lemme, propriété, théorème, problème ouvert : |
Rappelons tout d'abord, sans rentrer dans les subtilités des morphèmes et syntagmes linguistiques, qu'en mathématiques et en logique dite propositionnelle, une proposition est un énoncé ayant un sens mais pouvant s'avérer faux : la véracité reste à prouver. Le terme nous vient du latin proponere, action de placer devant, présenter.
La proposition "Tout nombre entier pair est divisible par 6" est une proposition, mais elle est fausse; preuve en est 8, entier pair non divisible par 6.
"L'entier n est pair" n'est pas une proposition car son énoncé contient une variable non précisée.
Prédicat : ce terme apparaît au tout début du 20è siècle (» Frege) en logique propositionnelle pour signifier un énoncé contenant au moins une variable dont l'attribution de valeurs permet de d'affirmer qu'il est un énoncé vrai ou faux.
"L'entier n est pair" est un prédicat.
Assertion : énoncé avancé comme vrai sans volonté de le prouver... Cependant, on parle souvent d'assertion fausse pour signifier que finalement, ce n'est pas une assertion (proposition fausse)...
Conjecture : du latin cum = avec, ensemble et jacere = jeter : émettre, avancer des idées formant un tout. En mathématiques, une conjecture est une proposition que l'on considère comme vrai mais que l'on ne sait pas prouver dans l'état actuel de la connaissance.
➔ Ne pas confondre avec conjoncture, provenant du latin jungere = joindre, conjonction (précisément!) d'événements divers aboutissant à une situation présente. On peut se perdre en conjectures à propos des conjonctures...
Théorème : si une proposition, une assertion ou une conjecture est prouvée, elle devient un théorème, du grec theôrein = examiner et theôrêma = objet de contemplation, objet d'étude et, par extension : proposition dont on peut apporter la preuve.
» La logique selon Aristote , selon de Morgan , selon Frege, ...
Propriété : souvent utilisée pour exprimer un théorème de moindre importance. C'est donc en fait synonyme. Dans un usage normal, on entend par propriété une qualité, un attribut, que possède (que vérifie) un objet mathématique (ou plusieurs) : dans un triangle, une propriété des hauteurs est d'être sécantes en un même point (orthocentre). C'est un théorème.
Très tendance
dans l'enseignement secondaire français où elle est synonyme de théorème,
la propriété remplace
systématiquement tous les théorèmes : propriété de
Pythagore, propriété de Thalès, propriété de la
droite des milieux, etc
Sans doute plus cool, moins stressant pour les élèves...
Problème ouvert : synonyme de conjecture, énoncé non mis en défaut à ce jour. Ce qualificatif est utilisée en pédagogie en tant que sujet d'études (propriété dont on fait rechercher la preuve par un groupe d'élèves dans le cadre de la démarche scientifique).
Tautologie : proposition vraie quels que soient les éléments propositionnels qui la composent. » de Morgan
➔ Une proposition fausse quels que soient les éléments propositionnels qui la composent est dite contradictoire. On peut parler de contradiction.
Lemme : du grec lêmma = argument, prémisse et aussi ce que l'on prend, est un résultat (théorème) préliminaire facilitant la preuve d'un théorème difficile à établir.
Lemme d'Abel : » Problème ouvert : »
L'arithmétique d'Euclide : |
Trois Livres des Éléments (VII à IX) sont consacrés à l'arithmétique (terme dérivé du grec arithmetikê puis du latin arithmetica, signifiant mot à mot : technique des nombres : de tekhnê = technique et arithmos = nombre).
La division euclidienne (appellation due au groupe Bourbaki dans son entreprise de rénovation des mathématiques) de deux entiers conduit aux nombres premiers et aux célèbres PGCD et PPCM. A ce sujet, on peut dire qu'Euclide fut le premier à donner une définition récursive : PGCD(a,b) = PGCD(b,r) où r désigne le reste dans la division euclidienne de a par b :
a = b × q + r, q entier, r < b
L'arithmétique d'Euclide (multiples et diviseurs, PGCD, PPCM, nombres premiers, exercices, ...) : »
➔ Pour en savoir plus :
Les
Œuvres d'Euclide
- Les éléments
traduites littéralement par F. Peyrard
Librairie scientifique et technique
Albert Blanchard - Paris, 1993
Les Éléments d'Euclide in extenso mais en anglais sur le site de David E. Joyce