ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Divisibilité dans un anneau, idéal d'anneau
   
»
Anneau principal , euclidien , factoriel , noethérien , quotient | Idéal d'anneau , Idéal maximal , Idéal premier , Idéal de K[x]
         Corps | Corps de nombres algébriques | Anneau d'entiers algébriques | Nombres idéaux de Kummer

Dans l'étude des propriétés des nombres algébriques et de leur structure algébrique, les problèmes de factorisation, tout comme en arithmétique, jouent un rôle très important. Et en tant que solutions d'équations polynomiales, ces nombres conduisent à la factorisation des polynômes.  Dans un ensemble de nombres, parler de factoriser, c'est écrire l'un comme multiple d'un autre, cet autre pouvant jouir, dans l'ensemble, de propriétés privilégiées, comme en arithmétique la propriété d'être premier.

Afin d'étudier les propriétés des nombres algébriques et de résoudre les problèmes de factorisation et de de divisibilité dans les anneaux, Dedekind a développé, suite aux travaux de Kummer, le concept d'idéal d'un anneau commutatif unitaire (A, +, ×) : sous-groupe additif d'un anneau, stable pour le produit par un élément de A.

Le plus simple exemple d'idéal est celui défini dans l'anneau (Z, +,×) par l'ensemble nZ des multiples d'un entier naturel donné. Ce sont d'ailleurs les seuls de Z puisque tout sous-groupe de Z est de la forme nZ.

nZ et les congruences modulo n, anneau Z/nZ : »

   Pour un bonne compréhension de cette page, il est indispensable de connaître préalablement les notions de base sur les lois de composition et les structures algébriques (groupes, anneaux, corps) et leur vocabulaire.

Notations :   

Rappel : 

Si u = √k (resp. u = i√k), k∈N, k ne possédant  aucun facteur carré (autre que 1), l'ensemble Z(u), muni de l'addition et de la multiplication usuelle induits par R, est un anneau commutatif intègre et unitaire (domaine d'intégrité) de R (resp. C).


Vérifier que Z(i), ensemble des éléments de la forme a + bi, a et b entiers relatifs, entiers de Gauss, est un anneau commutatif unitaire.
Montrer qu'il en est de même de Z(√5) = {a + b√5, (a,b)∈Z2}

Anneau intègre : »        Corps quadratiques et entiers algébriques : » 

Multiples & diviseurs :

Dans l'anneau A, on dira que a est multiple de b ou que b est un diviseur de a pour exprimer qu'il existe un élément q de A tel que a = bq (comme pour le produit de deux nombres, on omet le signe ×, afin de simplifier).

La relation notée ≡, définie par a ≡ b  ssi  a est multiple de b est une relation d'équivalence dans A.  

Gauss et la notion de congruence : »

Éléments inversibles, unités, éléments associés, diviseurs propres :

Dans l'anneau unitaire A, d'élément unité e, un élément admettant un symétrique pour la "multiplication" (seconde loi de A) est dit inversible (si tout élément en admet un, A est un corps).

Voici un résultat évident et pourtant très important pour une étude correcte de la divisibilité dans un anneau où il s'agira de distinguer entre diviseurs propres et impropres... :

Proposition 1 :      

i/  Tout élément d'un anneau A est multiple d'une seule façon de tout élément inversible de A

On peut aussi exprimer de façon équivalente que :

ii/  Tout élément inversible d'un anneau A est un diviseur de tout élément de A

En effet, si a∈A et b inversible dans A, l'équation d'inconnue x, a = bx possède l'unique solution x = b-1a.


1. Dans Z(√5), montrer 2 + √5 est inversible et que 1 + √5 est multiple de 3 - √5.     » entiers algébriques
2. Prouver que les éléments inversibles d'un anneau forment un groupe. Préciser ce groupe dans le cas A = Z. Rép : {-1,1}.
Préciser ce groupe dans le cas des entiers de Gauss.
Rép : {-1,1,i,-i}   » groupe cyclique

 Unités d'un anneau :     

Dans un anneau unitaire A, un élément inversible est appelé une unité. C'est un peu ennuyeux vu la confusion avec l'élément unité. Mais cela se comprend au vu des résultats obtenus dans l'exercice ci-dessus. Ce sont donc les diviseurs de l'élément unité (élément neutre pour la multiplication : 1 dans R ou C, x →x : application identique dans K[x], matrice unité, etc.).

  1. Dans Z(i), anneau des entiers de Gauss, les éléments unités sont 1, -1, i et -i.

  2. Dans Z(√3) = {a + b√3, a et b entiers relatifs} ⊂ R, 2 + √3 est un élément unité d'inverse 2 - √3.

  3. Dans le corps quadratique Q(√k), L'inverse de a + b√k est (a - b√k)/(a2 - kb2) = 1. Dans Z(√k), entiers quadratiques de Q(√k), x = a + b√k est inversible ssi a2 - kb2 = ± 1.   » norme d'un nombre algébrique

  4. Dans Z(i√5), a2 + 5b2 = 1 ne peut avoir lieu sauf si b = 0 et a = ± 1 : les seules unités sont  ± 1.   » exercice.

Unités de l'anneau Z/nZ des entiers modulo n, groupe (Z/nZ)* des unités : »

On voit par les exemples 3 et 4 ci-dessus que :

Dans un corps quadratique, les éléments unités sont de norme ± 1

»  Corps de nombres algébriques | anneau d'entiers algébriques

Éléments associés :   

Un élément x de A est dit associé à y pour exprimer que y = xu avec u inversible dans A (u est une unité de A). La relation "est associé à" est une relation d'équivalence, c'est dire qu'en termes de divisibilité les propriétés de x et y sont semblables.

Preuve : en effet, la relation est réflexive : x = x × 1; elle est symétrique : si y = xu, alors x = yu-1; elle est transitive : si y = xu et t = yv, alors t = x(uv) et uv est inversible d'inverse v-1u-1.

 Voici un exemple "concret" dans Z/6Z où 2 est multiple de 4 et 4 est multiple de 2 :


Vérifier les tables de multiplication ci-dessous dans Z/5Z et Z/6Z. Vérifier que dans Z/6Z, 2 est un multiple de 4 et 4 est multiple de 2.
Étudier l'existence d'une telle propriété dans le cas général (on pourra distinguer A
intègre (sans diviseurs de zéro) ou non).
Vérifier votre conclusion dans le cas Z/5Z qui est un corps car n est premier.



Anneau Z/nZ et corps si n est premier : »

   Ces considérations conduisent aux définitions suivantes éliminant en quelque sorte les "faux diviseurs", à savoir les éléments inversibles (unités) et éléments associés :  

Diviseur propre, impropre, multiple, élément irréductible :     

  Dans un anneau unitaire A, on dira que b est un diviseur propre de a pour exprimer qu'il existe c dans A tel que a = bcni b ni c ne sont inversibles. c est alors aussi un diviseur de a. Bien que ce soit un abus de langage, car emprunté au vocabulaire de l'arithmétique dans N, on pourra dire que a est un multiple de b et de c.

Si a = bc avec b ou c inversibles, on parlera de diviseurs impropres. Un associé de est de la forme a' = au avec u inversible, ce qui implique a = a'u-1 avec u-1, inverse de u, inversible :

 les diviseurs impropres de a sont les unités et les associés de a

En particulier l'élément a lui-même et l'élément unité de l'anneau A sont des diviseurs impropres de a.

  On qualifie d'irréductible un élément non inversible et sans diviseurs propres. Autrement dit :

p est irréductible
⇑⇓
(p est non inversible)  et  (p = xy  ⇒   x inversible ou bien y est inversible)

Ci-dessus, le ou bien insiste sur le fait que x et y inversibles ne peut avoir lieu, sinon p est inversible d'inverse y-1x-1, ce qui serait contradictoire.

 !  Dans l'arithmétique classique de N et Z, arithmétique euclidienne, un entier sans diviseurs propres est dit premier et vérifie le théorème de Gauss selon lequel s'il divise un produit xy  sans diviser x, alors il divise y. Dans le cas général de cette étude, cette dernière propriété n'est vérifiée que dans un anneau factoriel où tout élément est produit d'une unique façon d'éléments irréductibles

Proposition 2 :     

Tout élément associé à un élément irréductible est également irréductible.

Preuve : soit y associé à x irréductible. On a y = xu avec u inversible. y est donc non inversible sinon u = x-1y serait inversible d'inverse y-1x. Si y = ab, on a ab = xu. Par suite a ou bien b est inversible sinon l'irréductible x = abu-1 serait inversible.

Idéal et nombre premier : »        Anneau d'entiers algébriques Z(√k) : »

Idéal d'anneau :

Un des problèmes majeurs dans les anneaux est celui de la divisibilité et de la décomposition en produit de facteurs premiers. Si l'anneau Z(i) des entiers de Gauss (nombres complexes de la forme a + bi avec a et b entiers relatifs) se comporte bien comparativement aux propriétés de Z, il n'en est généralement pas de même de l'anneau Z(u) pour tout nombre algébrique u :

Considérons de nouveau l'anneau Z(i√5). Dans Z inclus, dans cet anneau, on a 6 = 2 × 3 et cette décomposition en facteurs premiers, donc irréductibles, est unique (à l'ordre près). Or, dans Z(i√5), 6 = (1 + i√5)(1 - i√5). Ainsi, dans cet anneau de nombres complexes, 6 possède au moins deux décompositions en facteurs premiers. On dit que l'anneau Z(i√5) n'est pas factoriel.

 i  Jusque relativement récemment, comme Dubreil dans ses Leçons d'algèbre moderne des années 1960 (» réf.1), plutôt que i, on écrivait √-1. Les solutions de l'équation x2 + 5 = 0, à savoir ± i√5 s'écrivaient alors √-5. Cet usage incorrect du radical arithmétique (et troublant pour un élève du secondaire !) disparut dès le début des années 1970 où la rigueur était de mise avec l'enseignement des mathématiques dites "modernes". » Lichnerowicz

Un autre résultat bien connu dans Z, dû à Gauss, est ici en défaut : dans Z, si k divise a × b et si k est premier avec a, alors k divise b. En écrivant (2 + i√5)(2 - i√5) = 9 = 32, on voit que 3 divise le produit (2 + i√5)(2 - i√5). Cependant 3 est premier avec 2 + i√5 et avec 2 - i√5 !

Ces difficultés ont conduit Kummer à concevoir des nombres abstraits, qualifiés d'idéaux que Dedekind transforma en la féconde notion d'idéal d'anneau avec particulièrement celui d'idéal premier.

Définition :   

Dans un anneau commutatif (A, +, ×), un idéal J est un sous-groupe additif tel que pour tout α de A et tout x de J, le produit αx est élément de J.

On peut aussi dire de façon plus concise :

J est un sous-groupe additif de A stable pour la multiplication de A

   Pour certains mathématiciens, la commutativité de A n'est pas nécessaire pour définir un idéal : ce qui oblige alors à parler parfois d'idéal bilatère. Un idéal à gauche (resp. à droite) se limitant à la condition αx (resp. xα) est élément de J. Autrement dit

J est un sous-groupe additif de A stable pour la multiplication à gauche (resp. à droite) par A.


Montrer que le noyau d'un homomorphisme h d'un anneau A dans un anneau B, à savoir Ker(h) = {α∈A, h(α) = 0} est un idéal (bilatère) de A. 

Remarques :   

  1. Si 0 désigne l'élément nul de A, {0} et A lui-même sont des idéaux. {0} est qualifié d'idéal trivial. Tout idéal autre que {0} et A est dit propre. L'ensemble des idéaux d'un anneau A n'est donc pas vide.

  2. 1A désignant l'élément unité de A, neutre pour sa multiplication, soit J un idéal de A contenant 1A. De tels idéaux existent puisque A est l'un d'eux et pour tout élément α de A, on a  α × 1A = α est élément de J. Par suite J contient A, donc J = A :

L'unique idéal de A contenant 1A est l'anneau A lui-même.

  1. Supposons que l'anneau A soit un corps; tout élément non nul de A est inversible. Si J est un idéal de A contenant un élément x non nul, on peut écrire α = (αx-1)x pour tout α de A. Par suite J contient A, donc J = A :

Un corps ne possède pas d'idéal propre. Ses seuls idéaux sont {0} et K lui-même.

Corollaire :   

Tout homomorphisme de corps est injectif.

Preuve : la preuve de ce résultat est apportée de façon élémentaire à la page consacrée aux homomorphismes de corps. Utilisons ici le résultat précédent. Soit h un homomorphisme d'un corps A dans un corps B. Son noyau est Ker(h) = {α∈A, h(α) = 0} et tout idéal d'un corps est un idéal bilatère (» exercice). Donc, ou bien Ker(h) = A, auquel cas h est l'homomorphisme trivial α→0, rejeté car tout corps étant un anneau unitaire on doit en principe exiger h(1A) = 1B, ou bien Ker(h) = {0}, auquel cas h(a) = h(b) implique h(a - b) = 0 , donc a - b = 0A et a = b : h est injectif.

N.B. Si l'on n'exige pas h(1A) = 1B, l'énoncé reste valable à condition de préciser que h est un homomorphisme non trivial (» homomorphisme d'anneaux).

Intersection d'idéaux, idéal irréductible, somme et produit d'idéaux :

Dans un anneau A, l'intersection de deux idéaux est un idéal. Et toute intersection d'idéaux de A est un idéal de A. Un idéal est dit irréductible s'il ne peut s'écrire comme intersection de deux idéaux de A.

Comme pour un sous-espace vectoriel, on définit la somme S = I + J de deux idéaux I et J d'un anneau commutatif A comme étant l'ensemble des éléments z de A s'écrivant x + y où x est élément de I et y élément de J. S est un idéal de A.


a) Montrer par un exemple que la réunion de deux idéaux n'est pas toujours un idéal.
b) Montrer que la somme de deux idéaux contient leur intersection. Étudier l'inclusion inverse.
c) Dans Z, quel est l'idéal défini par 18Z + 24Z, 2Z + 4Z, 2Z + 3Z ?       mot clé : pgcd...

Dans un anneau A, le produit de deux idéaux I et J est l'ensemble des sommes finies d'éléments de la forme xiyi où xi est dans I et yi dans J. On vérifie facilement que l'ensemble IJ ainsi défini est un idéal de A.


Vérifier la chaîne d'inclusion : IJ  ⊂  I ∩ J  ⊂  I ∪ J  ⊂  I + J

Idéal engendré par une famille finie d'éléments, idéal principal :

 Soit A un anneau commutatif et b1, b2,..., bn une famille donnée et finie d'éléments de A. Il est facile de prouver que l'ensemble des combinaisons finies du type a1b1+ a2b2+... + anbn , les ai décrivant A, est un idéal de A, appelé idéal engendré par b1, b2,..., bn et généralement noté (b1, b2,..., bn) si cela ne prête pas à confusion. On parle de système générateur (b1, b2,..., bn).

On appelle idéal principal d'un anneau A tout idéal engendré par un unique élément u de A. On le note alors souvent uA ou simplement (u).

 i   Pourquoi cette appellation principal ? selon le dictionnaire historique de la langue française, (Le Robert), il faut rappeler que le mot principal vient du latin principalis pour signifier tout d'abord originaire, primitif, puis important, fondamental. C'est cette dernière acception qu'il faut retenir dans cette idée de génération par un seul élément s'avérant... fondamental.

Proposition 3 :   

Soit a et b deux éléments de A et (a) et (b) les idéaux principaux qu'ils engendrent. alors :


Idéal de type fini, Anneau noethérien :

Tout idéal J de A pouvant être engendré par une famille finie est dit de type fini. Il est alors somme d'idéaux principaux. Un anneau dont les idéaux sont de type fini est qualifié de noethérien en hommage à Emmy Noether dont les travaux sur les structures algébriques ont marqué, par leur rigueur et leur modernité, les deux premières décennies du 20è siècle.

Proposition 4 :   

Un anneau A est noethérien  ssi  toute suite emboîtée croissante d'idéaux de A est finie.

Par suite emboîtée croissante d'idéaux, on entend une suite (Jn) d'idéaux telle que Jn⊂Jn+1. On parle aussi de chaîne ascendante. Dire que la suite est finie signifie qu'elle est stationnaire à partir d'un certain rang. On dit aussi d'une telle suite qu'elle vérifie la condition de chaîne ascendante. La preuve de ce résultat repose sur le lemme suivant :

Lemme :   

(Jn) désignant une chaîne ascendante d'idéaux de A, la réunion U  des Jn est un idéal de A

Preuves : »

Radical d'un idéal dans un anneau commutatif :

Soit (A,+, ×) un anneau commutatif unitaire et J un idéal de A. On appelle radical de J et on note √J, l'ensemble des éléments a de A pour lesquels il existe un entier naturel n tel que an = a × a × a ×... × a (n facteurs égaux à a) soit élément de J :

√J = {a∈A / ∃ n∈N : an∈J}

Les an sont les itérés de a pour la multiplication de A. Conformément à la convention usuelle des itérés, on a ao = 1A et a1 = a.

√J est un idéal de A contenant J

preuve : le cas n = 1 montre que √J contient J; √J est stable pour la multiplication de A car si a∈A et x∈√J, ax∈A et il existe n de N tel que xn soit élément de J. Or (ax)n = anxn puisque l'anneau A est commutatif et comme J est stable pour la multiplication de A, c'est un élément de l'idéal J, donc ax est un élément de √J. Reste à montrer que √J est un sous-groupe de A. Il suffit pour cela d'établir que si a et b sont dans √J avec an∈J et bm∈J, il en est de même de a - b : n'ayant pas d'informations sur n et m, par raison de symétrie, calculons (a - b)n+m. La formule du binôme fournit (a - b)n+m = ΣCkn+makbn+m-k, la somme s'étendant de k = 0 à n + m. Une condition suffisante (non nécessaire) permettant d'affirmer que a - b est élément de √J est que chaque terme de la somme soit dans J.

Idéaux de l'anneau K[x] des polynômes à une indéterminée x sur un corps commutatif K :

K désignant un corps commutatif, si p est un polynôme de K[x], il est bien évident que Jp en est un idéal. Inversement, soit J est un idéal de K[x]. Si J est réduit au polynôme nul, le cas est réglé. Sinon, il possède un polynôme non nul p et, en tant qu'idéal, il contient tous les polynômes de la forme pq, q∈K[x]. La question est de savoir si J contient des polynômes non multiples de p.

Soit m ≥ 1 le plus petit degré (polynôme nul exclu) d'un polynôme p de J. Par division euclidienne par p, tout polynôme A de J peut s'écrire A  = pQ + R avec d°R < d°p. J étant un idéal de K[x], R = A - pQ est un élément de J avec un degré moindre que p, ce qui n'est possible que si R = 0 (polynôme nul).

Par suite, tout élément de J est de la forme A = pQ, multiple de p et on voit ainsi que le polynôme de plus bas degré dans J est unique à un coefficient multiplicatif près : on peut donc le choisir unitaire (le coefficient du terme de plus haut degré égal à 1). L'idéal Jp est engendré par p : Jp = (p). Tout idéal de K[x] est donc principal et on peut énoncer :

Proposition 5 :       

les idéaux de l'anneau K[x] des polynômes à une indéterminée x sur un corps commutatif K sont de la forme Jp , ensembles des multiples d'un polynôme p de K[x], avec p unitaire de degré minimal.

Polynôme minimal d'un nombre algébrique : »          Critère d'Eisenstein : »

 !  Un ensemble infini ne possède pas toujours un plus petit élément. Dans la démonstration ci-dessus, l'ensemble des degrés m est dénombrable et minoré par 0 : un tel ensemble admet alors un plus petit élément au moins égal à 1.  » Bolzano

Le résultat précédent se généralise à un polynôme de plusieurs variables :

Théorème de Hilbert  (preuve en réf.8)  :     

Tout idéal de K[x1, x2, ..., xn] est noethérien (autrement dit de type fini : il possède une famille finie de générateurs)

Théorème des zéros de Hilbert (Nullstellensatz) :   

J désignant un idéal propre de K[x1, x2, ..., xn] et L une clôture algébrique de K, il existe au moins un élément
α de Ln tel que pour tout polynôme p de J, p(α) = 0.

Ce difficile théorème s'interprète aujourd'hui dans le cadre de la géométrie algébrique au moyen du lemme de Zariski. Sur ce sujet pointu, on pourra consulter les références 4, 5a et 5b données en liens sur la page consacrée à ce mathématicien.

Anneau principal :

On qualifie d'anneau principal un anneau commutatif intègre où tout idéal est principal.

  Un contre-exemple
Soit A = Z[x] l'anneau des polynômes p à coefficients entiers (relatifs) et J ⊂ A pour lesquels p(0) = 3k, multiple de 3.
a) Vérifier que J est un idéal de A.   b) On suppose qu'il existe un polynôme b de J tel que ∀p∈J, p = bq, q∈A.
Montrer que cette hypothèse conduit à une contradiction, en déduire que A n'est pas un anneau principal.
Ce contre-exemple montre que J n'est pas pas un idéal principal du fait que Z n'est pas un corps (condition nécessaire). 

Proposition 6 :   

Tout anneau principal est noethérien.

Proposition 7 :    

Tout élément non nul et non inversible d'un anneau principal peut s'écrire d'au moins une façon comme produit fini p1p2...pk d'éléments irréductibles (k = 1 correspondant à un élément irréductible).

Preuves : »              Anneau factoriel (factorisation unique) : » 

Anneau quotient, idéal premier :

Si J est un idéal de A, la relation R définie dans A : a R b  ssi  a -  b ∈J, est une relation d'équivalence compatible avec les opérations de A. On dira que a et b sont congrus modulo J et, plutôt que R, on utilise la notation usuelle des congruences arithmétiques :

Congruences et arithmétique de Gauss : »

Muni des lois induites, l'ensemble quotient A/J, image homomorphe de A par l'homomorphisme canonique aa, classe de a, est un anneau (anneau quotient) commutatif et unitaire (tout comme A). La somme (resp. le produit) de deux classes est la classe de la somme (resp. du produit).

Loi quotient, groupe quotient, anneau quotient : »          Homomorphismes de structures : »

Idéal premier :      

On dit que l'idéal J est premier si l'anneau A/J est intègre (sans diviseurs de zéro)    (p1)

En notant en surlignés les éléments de A/J (classes d'équivalence), cela signifie que si le produit a.b est nul dans A/J, alors a = 0 ou b = 0. Or 0, la classe de 0, est l'ensemble des a de A tels que a - 0 = a∈J, c'est donc J. On peut donc énoncer :

 Un idéal J de A est premier si pour tous x et y de A vérifiant xy∈J, on a : x∈J ou y∈J    (p2)

 i  Pourquoi cette appellation premier ? pour se rattacher à celle de nombre premier sur laquelle est calquée l'arithmétique dans les anneaux abstraits. En tant que sous-groupe additif de Z, un idéal de Z est de la forme nZ. L'anneau quotient Z/nZ est intègre (et est un corps) si et seulement si n est un entier premier.


Vérifier en résolvant le système {aa' - bb'∈Z , ab' + a'b∈Z}, que si a et b sont dans Q - Z, alors (a + ib)(a' + ib') est élément de Z(i)
si a' et b' sont respectivement de la forme (ap + bn)/(a2 + b2) et (an - bp)/(a2 + b2), n et p entiers.

Idéal maximal :

Un idéal J d'un anneau commutatif A est dit maximal si tout idéal le contenant n'est autre que A lui-même : J est le plus grand idéal de A au sens de l'inclusion.


Dans Z, les idéaux sont de la forme nZ. L'idéal 6Z n'est pas maximal car il est inclus dans 2Z.
Montrer que les idéaux maximaux sont de la forme nZ avec n entier naturel premier.

Théorèmes 1-2-3 :      

1. Tout idéal maximal est premier.

2. L'anneau A étant supposé unitaire, l'anneau quotient A/J est un corps ssi J est maximal.
   
» En particulier, compte tenu l'exercice ci-dessus, Z/nZ est un corps ssi n est premier dans N

Anneau des classes résiduelles modulo n : »

3.  Dans un anneau principal intègre, tout idéal premier est maximal. 

Éléments étrangers (ou premiers entre eux), pgcd, identité de Bézout :

Comme en arithmétique élémentaire, dans un anneau intègre on qualifie d'étrangers ou de premiers entre eux deux éléments x et y sans diviseurs communs autres que les unités de l'anneau. autrement dit, leurs seuls diviseurs communs sont les éléments inversibles. On dit aussi que x est premier avec y bien que cela détruise l'aspect réciproque de la définition.

Théorème 4 :      

Dans un anneau principal intègre A, tout couple (a,b) possède un « plus grand diviseur commun » d défini par (a) + (b) = (d) : idéal maximal contenant (a) et (b).

Il existe donc u et v dans A, tels que d = au + bv. Si d est inversible, alors (d) = A : a et b sont étrangers.

Identité de Bézout de l'arithmétique dans Z : »

Anneau factoriel, factorisation unique :

On nomme ainsi un anneau commutatif intègre et unitaire A dans lequel tout élément non inversible s'écrit de façon unique sous la forme p1p2...pk où les pi, i = 1, ..., k sont irréductibles dans A. Le cas k = 1 correspond à un élément irréductible. Un tel anneau est encore appelé anneau à factorisation unique.

En hommage à Gauss qui revisita l'arithmétique d'Euclide, un tel anneau est aussi qualifié d'anneau de Gauss.

Théorème 5-6-7 :    

5. A est factoriel   ssi  tout élément z irréductible divisant xy divise x ou y.
   
» résultat souvent appelé lemme de Gauss ou condition de Gauss en corrélation avec le théorème de Gauss

6. Tout anneau principal intègre est factoriel.

7. Dans un anneau factoriel, si z divisant xy est premier avec x, alors z divise y.

»  Gauss           Entiers d'un corps de nombres algébriques : »

Anneau euclidien (en hommage à Euclide, père de l'arithmétique dans N) :

Il s'agit d'un anneau commutatif intègre A (domaine d'intégrité) dont on note ici 0A l'élément nul (élément neutre de l'addition, dans lequel il existe une division euclidienne comme dans N, Z ou K[x]. Dans l'anneau A, le concept de diviseur est clair : b divise a signifie il existe q∈A tel que a = bq mais celui de "division" est plus subtil.

  1. Dans Z, si b est non nul, tout a de Z peut s'écrire a = bq + r, 0 ≤  r < | b |, q est le quotient et un reste r non nul caractérise la non divisibilité de a par b.

  2. De façon similaire, dans R[x], anneau des polynômes d'une variable x à coefficients réels, si b n'est pas le polynôme nul, tout polynôme a de R[x] vérifie a(x) = b(x)q(x) + r(x) avec 0 ≤ d°r < d°b, le polynôme q est le quotient et un reste r non nul caractérise la non divisibilité de a par b (d°r = 0 indique un reste constant : comme par exemple dans la division de x2 + 2x - 1 par x - 1,  x2 + 2x - 1 = (x - 1)(x + 3) + 2, le quotient est x + 3, le reste est 2.

  3. L'anneau des entiers de Dirichlet est euclidien.

  4. L'anneau des quaternions d'Hurwitz est un anneau euclidien.

Plus généralement et abstraitement, l'anneau A est dit euclidien, s'il existe une application f de A dans N compatible avec l'ordre de N telle que :

i/  f(a) = 0 si et seulement si a = 0A, élément nul de A et si b divise a, alors f(b) ≤ f(a);
ii/  Pour tout (a,b) de A
2, il existe q et r tels que a = bq + r et f(r) < f(b).


Lorsque K est un corps commutatif, montrer que K[x] est un anneau euclidien en posant f(P) = do P.

Proposition 8 :    

Nous avons supposé en introduction de cette page que les anneaux qui en font l'objet sont unitaires. Voici un résultat intéressant :

Un anneau euclidien est nécessairement unitaire

Preuve : Lorsque x décrit l'anneau euclidien A privé de 0A, l'ensemble des f(x), sous-ensemble de N, admet un minimum non nul m. Soit alors α∈A, tel que f(α) = m, α est non nul.  Avec les notations ci-dessus, en appliquant la division euclidienne à a = b = α il existe q et r tels que α = αq + r avec f(r) < f(α). Donc r = 0 puisque f(α) est minimal. On a donc alors α = αq et pour tout x de A, αx = αqx, ce qui peut s'écrire α(x - qx) = 0. A étant intègre et α non nul, x = qx : l'élément q est neutre à gauche mais A est commutatif, donc q est l'élément unité de A.

Théorème 8 :    

Tout anneau euclidien est principal, donc factoriel  

Éléments premiers et idéal d'anneau :

Dans un anneau commutatif unitaire A, un élément p est dit premier si l'idéal (p) engendré par p, est premier. Les assertions énoncées ci-dessous sont équivalentes :

Proposition 9 :    

i/    L'anneau quotient A/(p) est intègre

ii/   Pour tous x et y de A,  x.y ∈(p) ⇒ x∈(p) ou y∈(p).

iii/  Pour tous x et y de A tels que xy soit multiple de p, alors x ou y est multiple de p.

ce qui revient à dire :

4i/   Pour tous x et y de A, si p divise xy, alors p divise x ou p divise y.
       
» propriété souvent appelée lemme d'Euclide ou condition d'Euclide.

Corps d'entiers algébriques  : »         Entiers d'Eisenstein : »         Théorème des unités de Dirichlet : »

Éléments premiers et éléments irréductibles :

Dans l'anneau Z des entiers relatifs, les éléments irréductibles et les éléments premiers coïncident. Cela est dû au fait que Z est un anneau intègre et factoriel. N'admettre aucun diviseur autre que lui-même et les unités de l'anneau, c'est à dire être irréductible, ne suffit pas pour être premier dans ce contexte général.

On le voit dans cet exercice où 2, irréductible dans Z(i√5) divise 6 = (1 + i√5)(1 - i√5) mais ne divise ni 1 + i√5 ni 1 - i√5 donc n'est pas premier dans cet anneau ! Conséquence du fait que Z(i√5) n'est pas factoriel.

Proposition 10 :    

Dans un anneau intègre A tout élément premier p est irréductible : p ne possède aucun diviseur propre

 !  La réciproque de ce résultat est fausse : considérer par exemple le sous-anneau A de R[x,y] constitués des polynômes homogènes de degré pair (un élément de A est une somme de monômes en x et y dont la somme des degrés est paire). A est unitaire car il contient e : (x,y) →1= xo. Considérons f : (x,y) → x2, g : (x,y) → y2 et h : (x,y) → xy. Le polynôme h est irréductible car il n'est pas inversible (e est le seul élément inversible) et ses seuls diviseurs dans R[x,y] sont x, y et lui-même (diviseur impropre). Mais (x,y) →x et (x,y) →y ne sont pas éléments de A. Or h divise fg mais h ne divise ni f, ni g : h n'est pas premier. On a cependant le résultat suivant :

Proposition 11 :    

Dans un anneau factoriel, tout élément irréductible est premier

Preuves de ces propositions : »

Les propositions 10 et 11 sont rassurantes : elles nous confirment la compatibilité de la divisibilité dans les anneaux abstraits avec l'arithmétique élémentaire dans N et Z : l'anneau Z apparaît ainsi comme un cas d'anneau commutatif, unitaire, intègre et factoriel. De même pour K(x).



    Pour tout savoir (ou presque) :

  1. Leçons d'Algèbre Moderne, par Paul Dubreil et Marie-Louise Dubreil-Jacotin - Éd. Dunod, Paris -1961
  2. Éléments de mathématiques, Nicolas Bourbaki , Algèbre, ch. I - Éd. Hermann
  3. Traité de mathématiques spéciales, Algèbre, Tome1, E. Ramis, C. Deschamps, J. Odoux, Masson & Cie.
  4. Toute l'algèbre de la licence : Cours et exercices corrigés, par Jean-Pierre Escofier, Éd. Dunod, Paris - 2006
  5. Cours d'algèbre première année, sur Exo7.emath.fr : http://exo7.emath.fr/cours/livre-algebre-1.pdf
  6. Préparation à l'agrégation interne : http://squarcini.christian.perso.sfr.fr/AgregInterne/Anneauxcorps/AN.pdf
  7. La théorie des idéaux de Dedekind (1871), traduction anglaise de Jeremy Avigad, 2004 :
    http://www.andrew.cmu.edu/user/avigad/Papers/ideals71.pdf
  8. Divisions et idéaux dans l'anneau des polynômes à plusieurs variables (Ariane Mézard, univ. UPMC) :
    https://webusers.imj-prg.fr/~ariane.mezard/Grobner.pdf
  9. Anneaux de Dedekind et théorie des valuations (dans le cadre de la théorie des nombres), par Jean-François Dat (UPMC) :
    http://webusers.imj-prg.fr/~jean-francois.dat/enseignement/TNM2/TNM2.pdf
  10. Éléments d'algèbre commutative, par Fokko du Cloux, (univ. Lyon 1) :
    http://math.univ-lyon1.fr/~ducloux/enseignement/maitrise/algebre/chap5.pdf

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