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! On ne le confondra pas avec Moritz Cantor : mathématicien allemand, historien des mathématiques (1829-1920).
Cantor, de mère autrichienne, d'origine danoise par son père, naquit à Saint-Pétersbourg (Russie). Il fit ses études en suisse, à Zürich, puis en Allemagne où ses maîtres furent, à Berlin, Weierstrass, Kummer et Kronecker (avec lequel il se brouilla, ce dernier étant allergique au concept de l'infini de Cantor). C'est dire qu'il s'intéressa à l'analyse et à la théorie des nombres, le noyau de ses recherches étant les difficultés rencontrées dans les concepts de limite et de continuité des fonctions et des courbes, indissociables de celui de nombre réel et d'un langage mathématique précis.
Cantor professa pendant toute sa carrière à l'université de Halle dès 1869 et fut le fondateur (1890) de la Société des mathématiciens allemands (Deutsche Mathematiker Vereinigung) qu'il présida pendant 3 années.
Les travaux de Cantor, couronnés par les Fondements d'une théorie générale des ensembles, (publiés en allemand : Grundlagen einer allgemeinen Mannigfaltigkeitslehre, 1883) et Sur les fondements de la théorie des ensembles transfinis (1895), avec l'usage systématique de la notion d'ensemble allaient révolutionner, mais aussi bouleverser, les fondements mêmes de la logique mathématique considérée, depuis Aristote, comme inébranlable. Son œuvre innovante s'est imposée malgré toutes les difficultés rencontrées et a complètement remodelé l'univers mathématique.
Malade, controversé et critiqué, dépressif, plus particulièrement encore après la mort de son fils en 1899 à l'âge de 13 ans (le plus jeune de ses six enfants), Cantor terminera tristement sa vie dans un hôpital psychiatrique.
Le Congrès International des Mathématiciens (CIM, ICM) : |
Georg Cantor est à l'origine (1897) du premier Congrès International des Mathématiciens (ou de Mathématiques) CIM, plutôt abrégé en ICM : International Congress of Mathematicians. Il se tint à Zürich.
En 1900, le second eut lieu à Paris et resta célèbre par l'intervention de David Hilbert. Depuis 1936, c'est lors de ces congrès qu'est décernée la célèbre médaille Fields. Cantor, endeuillé par la mort de son fils, n'assista pas au premier congrès de 1900. Mais un certain Moritz Cantor y fut présent, sans parenté avec Georg. On pourra consulter le compte rendu de ce congrès numérisé sur mathunion.org (» réf.13). La conférence de Moritz Cantor, Historiographie des mathématiques, débute en page 33. La France hébergea le CIM en 1920 (Strasbourg) et en 1970 (Nice).
i Moritz Benedikt Cantor : mathématicien allemand (1829-1920), né à Mannheim, il étudia les mathématiques à Heidelberg et Göttingen où ses professeurs ne furent pas des moindres : Gauss et Dirichlet, ainsi que Steiner, à Berlin. Professeur à l'université d'Heidelberg (1860-1913), proche de sa ville natale, il se consacra à l'enseignement de l'histoire des mathématiques et publia quatre importants volumes entre 1880 et 1908 : Vorlesungen über Geschichte der Mathematik (Leçons sur l'histoire des mathématiques). Il fut un des présidents de section du CIM de Paris (1900).
Historique des "médaillés Fields" : » » John Charles Fields
La théorie des ensembles : |
Parue dans le journal de Crelle en 1874, la théorie des ensembles de Cantor, initiée en fait par Dedekind et, dans une certaine mesure, Boole, compte tenu de l'aspect logique liant sa théorie au principe du tiers exclu d'Aristote réalisait le rêve de Leibniz : un langage simple, concis, universel, complété par la logique des prédicats, permettait de formaliser et d'exprimer la pensée mathématique.
Mais dès 1889, Cantor rencontre des anomalies dans la théorie des ensembles infinis et des contradictions sont mises en lumière par Burali-Forti (1897), puis Russell (1901).
Logique des ensembles et ses contradictions : »
Avec l'apparition du très contesté axiome du choix de Zermelo (1904), la pensée mathématique allait faire face pendant plusieurs décennies à des polémiques acharnées jusqu'à l'avènement du théorème d'incomplétude de Gödel (1931) et les découvertes fondamentales de Paul Cohen relatives aux propositions indécidables, c'est à dire dont on ne peut prouver, au sein d'une théorie et de par les axiomes qui la définissent, si elles sont vraies ou fausses. La preuve qu'il apporta de l'indécidabilité de l'hypothèse du continu (1963) calma les esprits et redonna confiance aux mathématiciens, mais après de 60 ans d'errance et d'inquiétude sur le bien-fondé des mathématiques...
! Attention, il ne s'agit pas de dire ou croire qu'il existe des propositions à la fois vraies et fausses (principe de non contradiction) mais qu'il existe des propositions dont on ne saura pas prouver si elles sont vraies ou fausses dans une théorie donnée et dont la véracité, ou la fausseté, n'aura pas d'incidence sur la cohérence de la théorie.
Ensembles finis et transfinis :
On dit d'un ensemble ayant une infinité d'éléments qu'il est transfini (= au-delà du fini). On parle souvent aussi, mais c'est ambigu, d'ensemble infini. En effet, l'intervalle réel [0,1], par exemple, possède une infinité d'éléments : il est transfini. Le vocabulaire des ensembles est ambigu car on qualifie de fini un ensemble dont le nombre d'éléments est fini (c'est à dire non infini...). Mais, en tant qu'intervalle borné, on parle souvent (à tort) d'intervalle fini de R, par exemple [-1,1], pour exprimer qu'aucune de ses bornes n'est infinie. Or, en tant qu'ensemble, cet intervalle est transfini...
Cardinal d'un ensemble, ensembles dénombrables : » Nombres transfinis : » Théorème de Cantor : »
La construction analytique des nombres réels et les premières notions de topologie : |
En 1872, Cantor présente une construction rigoureuse des nombres irrationnels, mis en bijection avec la droite géométrique par son abscisse rationnelle ou non, au moyen des classes d'équivalence de suites de Cauchy dans Q, améliorant celle, semblable, du français Meray (» réf. 6, 10a, 10b). L'étudiant en mathématiques retiendra depuis cette propriété fondamentale qu'il consommera sans modération dans ses problèmes d'analyse... :
Tout nombre réel est limite d'une suite de nombres rationnels.
√2 peut se définir comme la limite de la suite récurrente uo = 1 et un+1 = (un + 2/un)/2
Ln 2 peut se définir par la somme de la série de terme général (-1)n+1/n
Le nombre e peut se définir par la somme de la série Σ1/n! ou de la suite un= (1 + 1/n)n
Le nombre π peut se calculer comme la somme 4 × (1 - 1/3 + 1/5 - 1/7 + ...)
Notons que cette même année 1872, Dedekind publiait sa construction des irrationnels par les coupures. La méthode de Cantor conduit aux espaces métriques complets que formalisera le français Fréchet (1906).
Dans sa construction, on doit à Cantor les notions d'intervalles ouverts ]a,b[ et fermés [a,b] pour parler de voisinages d'un point, ainsi que du concept implicite de point d'accumulation. Sa démarche s'apparente alors à la construction d'une topologie de la droite.
Axiome de Cantor ou de Cantor-Weierstrass ou de Cantor-Dedekind :
Cet axiome est aussi appelé, depuis Hilbert, second axiome de continuité (le 1er étant celui d'Archimède) et conduit à un important résultat sur les suites numériques. Que d'appellations !
Précisons que par segments emboîtés on entend une suite de segments [An,Bn] (de la droite géométrique ou numérique) telle que pour tout n, [An+1,Bn+1]⊂[An,Bn], notion due à Weierstrass.
On considère une suite de segments emboîtés non vides [An,Bn]
dont la longueur tend vers 0,
alors il existe un point commun à tous les
segments.
! Parler de longueur tendant vers 0 pose ici le problème de savoir ce que l'on entend par "distance" et par "tendre vers" : c'est bien le souci de la distinction entre une vision géométrique et arithmétique des nombres que l'on cherche à construire. Et "tendre vers" relève de l'analyse ! En fait l'axiome de Cantor s'exprime plus subtilement ainsi :
On considère une suite de segments emboîtés Jn
=[An,Bn]. Si,
quel que soit le segment J (comprenez là "aussi réduit
que souhaité"...), il existe dans J un segment
congruent (susceptible de coïncider par déplacement)
à un Jn,
alors il existe un point commun
à tous les segments.
➔ L'appellation nombre réel apparaît chez Cantor en 1883 dans ses Grundlagen publié dans la revue Acta Mathematica de Mittag-Leffler. Il parlait auparavant de grandeur numérique et Dedekind de nombre irrationnel (toujours utilisé par opposition aux nombres rationnels : les fractions).
La correspondance bijective nombre réel ↔ point sur un axe établie par Dedekind permet d'énoncer l'axiome de Cantor sous sa forme numérique :
On considère une suite d'intervalles emboîtés non vides [an,bn] dont la longueur tend vers 0 (c'est à dire bn - an → 0) alors il existe un point commun à tous les segments.
La suite (an) est croissante majorée, la suite (bn) est décroissante minorée : le lecteur attentif (selon la formule consacrée) pense donc immédiatement à deux mots-clé : convergence et adjacence...
Suites adjacentes : » Weierstrass et la construction des nombres irrationnels : »
Cardinal d'un ensemble, nombres cardinaux, ensemble dénombrable, nombres transfinis : |
Cantor appela cardinal (1897)
d'un ensemble fini son nombre d'éléments. Dedekind
parlait déjà de nombre cardinal (Kardinalzahl) dans son Was sind und was
sollen die Zahlen de 1888.
Ce substantif existait déjà en tant qu'adjectif qualificatif depuis le 6è siècle (cardinales numeri) : un nombre cardinal exprime la quantité sans tenir compte d'un rang ou ordre quelconque. Cardinal nous vient du latin cardinalis, dérivé de cardo = gond, charnière, pivot, pôle (d'où points cardinaux). C'est l'idée que tout tourne autour de la notion fondamentale de quantité exprimée par un nombre entier. à distinguer du concept de nombre ordinal, également révisé par Cantor dans le cadre des ensembles infinis, exprimant un rang (un ordre) et qu'utilisait déjà Dedekind pour désigner un entier naturel.
Notion de nombre ordinal :
»
L'ensemble E = {A,B,C} constitué des 3 lettres A, B et C est de cardinal 3. On note Card E = 3. L'ensemble vide ne contient aucun élément, son cardinal est 0. Le cardinal d'un singleton (ensemble constitué d'un unique élément) est 1.
Noter que pour les ensembles finis, on a :
Card (A∪(B) = Card A + Card B - Card(A∩B)
Card (A x
B) = Card A x Card B
» A
x B est le produit cartésien de A par B, ensemble des
couples (x,y), x∈A,
y∈B
Lorsque l'ensemble E est infini, comme par exemple, l'ensemble N des entiers naturels, le problème devient plus délicat ! Comme pressenti par Galilée, (sous une forme concrète) et évoquée bien auparavant par Aristote, il semble y avoir autant de points dans un segment que dans un segment deux fois plus long et, bizarrement a priori :
Il y a "autant" de nombres entiers que de nombres entiers pairs : n → 2n est une bijection de N sur l'ensemble 2N des nombres pairs :
Il y a autant de carrés parfaits que de nombres entiers car on peut numéroter les carrés : le n-ème étant tout simplement n2 !
Ces paradoxes montrent que le nombre d'éléments d'un ensemble infini ne peut se traiter à la manière des ensembles finis. Il fallait élargir la notion de cardinal.
Ensembles équipotents :
Cantor définit alors un nouveau concept, à savoir l'équipotence : deux ensembles E et F sont dits équipotents (= même puissance) s'il existe une bijection de E sur F (Cantor et certains mathématiciens, comme Eric Kamke, parlèrent d'équivalence, » Réf. 8).
i Erich Kamke (1890-1961) est un mathématicien allemand. Il obtint son doctorat à Göttingen (1919) sous la direction de Landau. Il enseigna principalement à Tübingen. Victime du régime nazi, (sa femme était de confession juive), son poste lui fut retiré en 1937. On ne le lui rendit qu'à la fin de la guerre, en 1945.
Cette relation entre ensembles est manifestement une relation d'équivalence. Ainsi, deux ensembles équipotents ont "autant" d'éléments au sens de leurs cardinaux s'ils sont finis ou le même type d'infinité s'ils sont infinis. On dira qu'ils ont la même puissance ou, au sens large, même cardinal. » transfini
Ensembles dénombrables :
L'ensemble N des entiers naturels est infini mais on peut les "compter", les "dénombrer" : N est dénombrable, le terme est de Cantor.
Tout ensemble E pour lequel il existe une bijection f : E → P où P désigne N ou une partie de N est dit dénombrable. Lorsque P est une partie finie de p éléments, alors E possède p éléments. » cardinal
➔ Dans la définition ci-dessus d'un ensemble dénombrable, on peut remplacer f : E → P par f : P → E cela revient à considérer la bijection réciproque f-1.
L'ensemble Z des entiers relatifs, est dénombrable : il y a autant d'entiers naturels que d'entiers relatifs ! On s'en convaincra en associant à tout élément z de Z, de valeur absolue n, l'entier naturel 2n (resp. 2n - 1) si z positif ou nul (resp. négatif) :
z → 2n - 1, ... , -3 → 5 , -2 → 3 , -1 → 1 , 0 → 0 , 2 → 4, ... , z → 2n, ...
Voici un résultat bien évident utile dans la pratique :
Proposition 1 :
Tout ensemble équipotent à un ensemble dénombrable est dénombrable
Proposition 2 :
S'il existe une injection ou une surjection f de E vers N, alors l'ensemble E est dénombrable
Preuve : si f est injective non surjective, on restreint l'ensemble d'arrivée à P = f(E)⊂N. L'application g de E vers P est une bijection : l'ensemble E est dénombrable.
Injection, surjection, bijection : »
Si f est surjective non injective, et eu égard à la remarque précédente, recherchons une bijection P→ E avec P⊂N. Pour tout n de N, f -1(n), image réciproque de n par f est une partie de N. En cette qualité, f -1(n) admet un plus petit élément μ(n). Posons P = {μ(n), n∈N}⊂N. Par construction, la restriction g de f à P est une bijection de P sur E : l'ensemble E est donc dénombrable.
Corollaires :
1/ Toute partie d'un ensemble dénombrable est dénombrable.
2/ Toute intersection d'ensembles dénombrables est dénombrable.
Proposition 3 - 1 :
Pour n∈N, appelons suite d'ensembles une suite (En) d'ensembles finie ou non. Leur réunion sera dite dénombrable eu égard au fait que l'ensemble des valeurs prises par l'indice n est dénombrable. On peut alors énoncer :
Toute réunion dénombrable d'ensembles dénombrables est dénombrable
Preuve : une preuve rigoureuse de ce résultat demande quelques lemmes préalables. On pourra la trouver en réf.3
(Bourbaki) ou, de façon plus abordable, en réf.9 (J.-E. Rombaldi, univ. J. Fourier). En voici une preuve graphique élémentaire : on peut écrire la liste de tous les éléments de la réunion des Ei sous la forme d'un tableau ( aij) :
En posant E1 = { a11, a12, a13, ..., a1j, ...}, E2 = { a21, a22, a23, ..., a2j, ...} et d'une façon générale Ei = { ai1, ai2, ai3, ..., aij, ...} :en suivant le chemin orangé, on passe en revue (ou plutôt on dénombre...) tous les éléments de la réunion en prenant soin de ne pas tenir compte d'un élément déjà rencontré car il se peut que les Ei aient des éléments en commun.
L'ensemble Q des nombres rationnels est dénombrable : »
Proposition 3 - 2 :
Toute produit cartésien dénombrable d'ensembles dénombrables est dénombrable
Preuve : prouvons ce résultat dans le cas fondamental d'un produit E × F d'ensembles dénombrables. F étant dénombrable, on peut considérer ses éléments comme les termes d'une suite : F = {u1, u2, u3, ..., }. Considérons l'ensemble E ×{u1} et f la bijection entre E et P ⊂N. L'application g : E ×{u1}→ f(x) est une bijection. Donc E ×{u1} est dénombrable. Or E ×F est la réunion dénombrable des E ×{ui} : E ×F est dénombrable.
Dénombrabilité des nombres algébriques et des nombres constructibles : |
Cantor prouva également que l'ensemble des
nombres
algébriques (nombres qui sont solutions d'un
polynôme à coefficients rationnels) est
dénombrable :
En conséquence, on a ce résultat remarquable, non évident a priori :
L'ensemble des nombres constructibles (manifestement infini) est dénombrable.
Il est facile (et intéressant) de vérifier géométriquement que l'ensemble des nombres constructibles, est un sous-corps de R (corps des nombres réels) contenant le corps Q des rationnels.
Par contre, le complémentaire, dans R, de l'ensemble des nombres algébriques étant l'ensemble des nombres transcendants, ce dernier n'est pas dénombrable sinon R le serait comme réunion de deux ensembles dénombrables), ce qui n'est pas le cas : il est équipotent à R et a donc la puissance du continu, objet du paragraphe suivant.
➔ Ainsi, contrairement à l'intuition immédiate, les nombres transcendants sont "très" nombreux Outre les célèbres e et π, l'ensemble des nombres transcendants contient en particulier les logarithmes pour tout rationnel x distinct de 1, les exponentielles de la forme ax lorsque a et x sont des nombre réels non rationnels, les fonctions trigonométriques, la fonction Γ d'Euler, et bien d'autres encore...
∗∗∗
Montrer que l'ensemble des points M(x,y,z) de l'espace à
coordonnées x, y et z rationnelles est dénombrable.
Non dénombrabilité de R : |
Considérons la courbe ci-dessous représentative de la fonction f, continue et strictement croissante sur R avec f(R) = ]0,1[ établissant ainsi une bijection entre R = ]0,1[ : il y a autant de points dans l'intervalle ]0,1[ que dans R tout entier ! On peut aussi penser à la fonction Atan. Ces résultats montrent une nouvelle fois que les ensembles infinis doivent être manipulés avec prudence, l'intuition étant ici trompeuse.
Autres exemples d'équipotence entre R et ses intervalles : »
L'usage des tableaux rencontrés ci-dessus pour étudier la dénombrabilité de certains ensembles pourrait sembler illusoire pour le cas des nombres réels. Pourtant, en 1873, afin de prouver que l'ensemble l'ensemble R des nombres réels est non dénombrable, Cantor fit appel à un procédé, appelé aujourd'hui diagonale de Cantor, sorte de crible, montrant par épuisement des nombres entiers, l'impossibilité d'établir une bijection entre N et R Il publiera son résultat en 1874. Depuis ce résultat fondamental, un ensemble équipotent à R, est dit avoir la puissance du continu :
Diagonale de Cantor et non dénombrabilité de R : » Hypothèse du continu : »
Théorème de Cantor (1891) et cardinaux transfinis ℵ (aleph) : |
Si
P(E)
désigne l'ensemble des parties d'un ensemble E, alors
il
n'existe aucune surjection de E sur
P(E)
Remarques :
Dans le cas fini, cela signifie que Card E < Card P(E); on le sait : si Card E = n, alors Card P(E) = 2n.
Dans le cas infini, cela signifie que l'infinitude de P(E) est d'une autre nature (plus "importante") que celle de E.
S'il existe une surjection d'un ensemble E sur un ensemble F, alors Card E ≥ Card F.
S'il existe une injection de E vers F, alors Card E ≤ Card F
S'il existe une bijection de E sur F, alors Card E = Card F.
Preuve du théorème : s'il existe une surjection s de E sur P(E), pour tout x de E, s(x) est une partie de E. Soit P la partie de E ainsi définie : P = {x, x∉s(x)}. Notre fonction s étant surjective il existe au moins un y de E tel que s(y) = P, donc s(y) = {x, x∉s(x)} et y ne peut donc être dans s(y). Mais si y n'est pas dans s(y), il devrait, par définition de P, y appartenir !
En conséquence de ce théorème, revenons à l'anomalie remarquée par Cantor 8 ans plus tard (1899) :
L'ensemble de tous les ensembles ne peut être un ensemble !
En effet, si un tel ensemble X existe,
P(X)
est un élément de X et par suite Card P(X)
< Card X.
Or on vient de montrer que :
Card P(X) > Card X (théorème de Cantor)
Contradiction ! Si, comme le fit Russell, on ne considère que les ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes, on arrive encore à une contradiction : voir les paradoxes de Boll/Reinhart et de Russel/Burali-Forti sur la page consacrée à ce célèbre philosophe et logicien.
Proposition 5 :
Concernant le lien entre le cardinal d'un ensemble et celui de ses parties, on a cet intéressant résultat :
L'ensemble Pf (E) des parties finies d'un ensemble infini E est équipotent à E.
Preuve : N. Bourbaki, Théorie des ensembles, réf.5.
La naissance d'ℵo et d'ℵ1 :
Dans le cas de l'ensemble N des entiers naturels, ensemble infini dénombrable, P(N) est manifestement infini (il contient N) et selon le théorème précédent, P(N) ne peut être mis en bijection avec N : il serait donc non dénombrable. En 1883, Cantor décide d'utiliser dans ses Grundlagen, et au grand dam de son ancien professeur Leopold Kronecker, constructiviste virulent qui n'admettait pas l'existence de nombres que l'on ne peut exhiber, un nouveau symbole qui deviendra célèbre : ℵ
o (aleph 0), première lettre de l'alphabet hébreu, sera le cardinal de N en se posant la question de savoir quel est le cardinal de P(N).Cantor prolonge ainsi le concept de cardinal aux ensembles infinis et parle de nombre transfini (au-delà du fini). Card(N) = ℵ
o est le "plus petit" des transfinis. L'ensemble R des nombres réels est dit avoir la puissance du continu (allusion au fait qu'il ne possède pas de "trou" entre ses éléments par opposition à N et Q. On note ℵ1 (aleph 1) son cardinal transfini. Ainsi débute la saga de l'hypothèse du continu.Complément sur les nombres cardinaux transfinis : »
Hypothèse du continu : |
Cantor démontra (1877), après trois années de recherche, et à sa grande stupéfaction, puisqu'il pensait pouvoir prouver le contraire, qu'un ensemble de points du plan comme [0,1] × [0,1] est équipotent à l'intervalle [0,1]. C'est dire qu'il y a "autant" de points dans un segment de longueur L que dans un carré de côté L. Dubitatif, il écrivait à son ami Dedekind : Je le vois mais je ne le crois pas...
Cantor démontra ensuite que R est équipotent à Rn. Peano et Hilbert apportèrent une preuve concrète de ces résultats en décrivant un algorithme de construction d'une courbe
étonnante : on entre alors dans le monde étrange des objets fractals de Mandelbrot, Peano, Hilbert, Koch, Julia, Sierpinski, ... La conjecture de Cantor, également dite hypothèse du continu, fut d'affirmer :Tout ensemble non dénombrable contient une partie équipotente à R
Ce qui revient à dire :
Il n'existe pas d'ensemble dont le cardinal soit compris entre Card N et Card R
Cantor montra l'équipotence de R et de P(N), autrement dit :
l'ensemble des parties de N n'est pas dénombrable
et justifia ainsi qu'il était licite d'écrire Card R = ℵ1, second transfini après Card N = ℵo.
?
On peut se poser la question de savoir s'il
existe des ensembles
de cardinal supérieur à celui des nombres réels, plus continus que le continu en
quelque sorte... La réponse est oui. Par exemple, l'ensemble des fonctions
numériques f : [0,1]
→
R :
Cardinal de l'ensemble des fonctions numériques f : [0,1] → R : »
Une autre conjecture de Cantor (1883) porte sur l'existence d'un bon ordre sur tout ensemble : Zermelo prouva (1904) l'équivalence de cette conjecture en utilisant l'axiome du choix.
L'hypothèse du continu fut un des grands problèmes des mathématiques (le premier des 22 problèmes de Hilbert énoncés en 1901). Les travaux de Gödel puis de Cohen démontrèrent relativement récemment (1963) l'indécidabilité de cette conjecture de Cantor et mirent également fin aux "disputes" à propos de l'axiome du choix, sans pour autant départager les divers partisans des trois « écoles » qui s'affirmèrent à cette époque difficile pour les mathématiques : logicisme, constructivisme (intuitionnisme), formalisme.
Compléments : ℵo , ℵ1 , hypothèse du continu : » Notion de nombre ordinal : »
Ensemble triadique de Cantor (poussière de Cantor) : |
Il s'agit d'un ensemble d'aspect fractal que Cantor exhiba (1883) montrant qu'un ensemble ne contenant aucun intervalle et ayant l'apparence d'un ensemble infini dénombrable peut cependant avoir la puissance du continu :
Les grands courants de la pensée mathématique au début du 20è siècle : |
le
logicisme
(Dedekind,
Cantor,
Peano,
Frege
et, principalement, Russell)
dont le discours (au sens discursif) se réfère
à la logique propositionnelle du tiers exclu, dont
Boole
fut le précurseur, et à la théorie
"naïve" des ensembles. Les logicistes se satisfont d'une
définition cohérente d'un objet mathématique
ou d'une démonstration prouvant son existence. Exhiber
l'objet n'est pas l'objet de leurs discours... Russell
et Whitehead
(Principia Mathematica, 1910-1927) tentèrent
d'améliorer ce système de pensée par une
tentative d'axiomatisation de la logique afin d'accéder
à ce qui fut le voeu de Leibniz
: la construction d'un langage universel.
le constructivisme
(dit aussi
intuitionnisme)
à l'instar de Kronecker,
Poincaré,
Borel,
mais surtout Brouwer
et, plus récemment, Robinson
et Apery
avec l'analyse non
standard, est soucieux de
définir ou de démontrer, tout en
énonçant un algorithme permettant d'exhiber l'objet
mathématique étudié. Sa preuve abstraite
d'existence ne suffit pas. Le célèbre
axiome du
choix est ici refusé et le
principe du tiers exclu est remis en cause (principalement
dans les domaines relevant de l'existence d'un
élément dans des ensembles infinis non
dénombrables).
le formalisme qui tendait à construire un fondement axiomatique abstrait de toute « la mathématique » fut prôné par Hilbert dès 1899 dans ses Grundenlagen, puis par Bernays (en collaboration avec Hilbert) et les Bourbakistes (1938). Une rigoureuse axiomatique était censé lever les ambiguïtés et les contradictions engendrées par la théorie "naïve" des ensembles. Gödel et Russell ont définitivement ruiné cette espérance.
Le prix Georg Cantor :
A l'occasion du centenaire de sa création (1990), la Société des mathématiciens allemands mit en place un prix, la médaille Georg Cantor, récompensant tous les deux ans (au plus) un mathématicien allemand, ou tout au moins germanophone selon la DMV, pour ses avancées mathématiques jugées exceptionnelles par ladite Société.
➔ Pour en savoir plus :