ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

DIRICHLET (LEJEUNE-) Peter Gustav, allemand, 1805-1859

Après des études secondaires au collège des jésuites de Bonn puis de Cologne, où il reçut, en physique, l'enseignement de Georg Ohm, Dirichlet préféra poursuivre (1822) ses études supérieures à Paris où, pour y subvenir, il fut commensal (serviteur) et précepteur dans la famille du général Foy.

Il revint en Allemagne en 1826 et sera l'élève de Gauss à Göttingen. Recommandé par Fourier, dont il avait fait la connaissance à Paris, il obtiendra, avec l'appui de von Humboldt un premier poste à Breslau (1827).

Après avoir enseigné à l'École militaire de Berlin, il sera nommé à l'université de cette ville (1839), où il se lia d'amitié avec Jacobi, puis à Göttingen où il succéda à Gauss (1855). On lui doit d'importants résultats sur la théorie des groupes infinis, les séries de Fourier,  les fonctions harmoniques (équations aux dérivées partielles), la théorie des nombres.

Ce grand mathématicien s'intéressera ainsi à la physique mathématique (théorie du potentiel) et énoncera un principe fondamental qui porte son nom :

L'énergie potentielle d'un système en équilibre est minimale.

Poisson et la notion de potentiel : »
 

Problème de Dirichlet (1837) :

Dirichlet étudia les fonctions harmoniques, c'est à dire des fonctions deux fois continûment dérivables et satisfaisant à l'équation de Laplace (que l'on peut généraliser à n variables), ce qui le mena, en théorie du potentiel, au problème suivant, baptisé problème de Dirichlet par Riemann qui en donna 20 ans plus tard une solution (imprécise...) :

Étant donné une fonction complexe continue sur le cercle unité, f est-elle prolongeable en une fonction continue et harmonique (dont le laplacien  est nul) sur le disque unité ?

Plus généralement, et en dimension 3 :

Étant donné un ouvert borné O de bord Σ, existe-t-il  une fonction U continue sur O Σ, harmonique sur O
et dont la restriction à son bord soit une fonction continue donnée ?

Dirichlet émet la conjecture selon laquelle la fonction U doit minimiser l'intégrale :

    Dirichlet était persuadé de la solution positive de son problème. Raison pour laquelle on parle parfois de principe de Dirichlet plutôt que de problème. Toutefois, une assertion de Dirichlet, bien évidente, souvent rencontrée dans la littérature mathématique comme principe de Dirichlet, est étudiée au paragraphe suivant.

Green, Riemann, Schwarz et Hilbert (entre autres) s'attaqueront à ce difficile problème dont Schwarz apporta finalement une solution positive et rigoureuse en 1870.

Hilbert généralisa le problème à la recherche d'une fonction harmonique dans une aire donnée prenant des valeurs données sur son contour et proposa de l'étendre à des domaines encore plus généraux (20ème problème énoncé au congrès de 1900).  » Réf. 1 & 2

Principe des tiroirs ou principe du pigeonnier, souvent dit principe de Dirichlet (1834) :

Dans le cas de deux ensembles finis E et F, il est clair que si Card E (nombre d'éléments de E) surpasse Card F, il ne peut exister une injection f de E vers F : deux éléments au moins de E auront la même image. Si E est infini et F fini, la conclusion est inchangée.

Soit E et F deux ensembles de cardinaux finis respectifs n et p, p fini, et f une application de E vers F.
Si n > p, alors il existe y dans B ayant au moins deux antécédents.

Mais si E et F sont tous deux infinis, une difficulté apparaît relativement à la nature des cardinaux transfinis de ces ensembles. Si E = N (ensemble des entiers naturels) et F = R (ensemble des nombres réels), pas de souci majeur, R n'étant pas dénombrable. Mais le cas général est plus subtil et peut nécessiter l'axiome du choix.

Quoi qu'il en soit, le principe des tiroirs énonce, naïvement parlant, que :

Si on a plus d'objets que de tiroirs, en cherchant à placer tous les objets dans les tiroirs, au moins un tiroir contiendra au moins deux objets.

Idem, si, dans un pigeonnier, il y a plus de pigeons que de niches... Ce résultat, bien évident dans le cas fini, permet cependant de résoudre des problèmes plus subtils... :

 Application du principe des tiroirs (concours Putnam 2004) : »

 i  à l'instar des Olympiades internationales de mathématiques, le concours Putman, plus précisément The William Lowell Putman  mathematical competition, est une compétition mathématique organisée en Amérique du nord (États-Unis & Canada) à l'intention des étudiants des première et seconde années universitaires non encore diplômés.      »  Réf.3

Un important théorème de Dirichlet sur la convergence des séries de Fourier :

Dans un mémoire de 1829, (Sur la convergence des séries trigonométriques qui servent à représenter une fonction arbitraire entre des limites données, 1829), Dirichlet démontra des conditions suffisantes de convergence pour les séries de Fourier :

En désignant par f(x+0) et f(x-0) les limites respectives à droite et à gauche de f au point x, si f est T-périodique et de classe C1 par morceaux, alors la série de Fourier de f converge vers [f(x + 0) + f(x - 0)]/2 pour tout x.     

     De plus, si f est continue au point x, alors f(x + 0) = f(x - 0) = f(x). Cette notation f(x ± 0) pour désigner les limites à droite et à gauche de f sont dues à Dirichlet.

 
Série de Fourier et continuité (niveau BTS indus.)

Calcul de ζ(2) : »          Théorème de Du Bois-Reymond : »
 

Espaces de Dirichlet :

Ces espaces fonctionnels interviennent en théorie du potentiel et dans l'étude des séries de Fourier. Utilisés par Jacques Deny dans les années 1950 en théorie du potentiel, on en trouvera la définition (reproduite ci-dessous) et l'usage en réf. 9.


 
Sommation d'une série et ordre des termes :

Concernant les séries, dont la somme dépend généralement de l'ordre de sommation, Dirichlet prouve (1837) que l'ordre ou l'arrangement des termes n'intervient pas si la série Σun est absolument convergente, c'est à dire si Σ|un| est convergente (valeur absolue dans le cas réel, module dans le plan complexe).

Séries absolument convergentes, séries normalement convergentes : »

Certaines séries sont effectivement problématiques. Celle de terme général un = (-1)n qu'étudia le mathématicien italien Grandi est problématique. Sa somme semble être 0, 1 ou 1/2 suivant la façon d'arranger les termes...

Depuis la mise en place rigoureuse des suites et séries par Cauchy, on peut affirmer que la série en question ne peut converger puisque son terme général ne tend pas vers 0. Moins triviale est la série harmonique alternée convergente mais non absolument convergente et qui, par regroupement (illicite) des termes converge vers ln2 ou bien ln√2 !

Suites, suites de fonctions, convergence : »               Séries, séries de fonctions, convergence : »

Critère de Dirichlet :

La série Σanbn où an et bn sont réels sera convergente si les sommes partielles de la série Σan sont bornées et si (bn) est une suite monotone convergeant vers 0, alors la série Σanbn est convergente.

 !   Il ne s'agit pas ici de la série, dite série-produit, des séries Σan et Σbn , à savoir la série de terme général Σukvn-k    (0 ≤ k ≤ n)

Notions sur les séries : »           Critère d'Abel : »            Critère de Dedekind : »

Intégrales de Dirichlet :

Outre l'intégrale triple, rencontrée dans le problème de Dirichlet et relative à la distribution de masses à potentiel donné :

ce vocable assez ambigu désigne :

où la fonction :

dite noyau de Dirichlet, dont le prolongement continu à R tout entier x → permet d'établir le théorème ci-dessus.

          Calcul : »

Définition formelle et caractéristique d'un ensemble infini :

Selon Dirichlet un ensemble E est infini s'il existe une application biunivoque (bijection) de E sur une de ses parties propres. C'est une très belle, car très simple définition. Ainsi, dans le paradoxe de Galilée, on peut affirmer qu'il y a "autant" de points dans un segment que sur sa "moitié"...

Fonction de Dirichlet, fonction caractéristique (ou indicatrice) d'un ensemble :

Dite, de nos jours, fonction caractéristique (ou indicatrice) de Q dans R. Souvent notée 1Q, cette fonction vaut 1 sur Q et 0 sur R\Q (R privé de Q). C'est le premier exemple de fonction discontinue en chacun de ses points. R est ici l’ensemble des nombres "réels" au sens de Cauchy : non imaginaires, c’est à dire la réunion de l’ensemble des entiers, des rationnels (fractions) et des nombres irrationnels. Les nombres transcendants sont à l’état embryonnaire (ils seront mis en évidence par Liouville) ainsi que la construction analytique des nombres réels.

La fonction de Dirichlet est intégrable au sens de Lebesgue et son intégrale est nulle; elle n'est pas intégrable au sens de Riemann. C'est en outre une fonction transcendante.

Non intégrabilité de la fonction de Dirichlet au sens de Riemann : »

 D'une façon générale, la fonction caractéristique 1A (également appelée fonction indicatrice) d'une partie A d'un ensemble E, notée également χA (khi A), est définie par :

    On trouvera sur cette page un usage intéressant de la partie entière permettant de définir la fonction caractéristique d'un sous-intervalle de [0,2π].

ries de Dirichlet, Séries et fonctions L, Caractères de Dirichlet (1837/1839) :

On appelle série de Dirichlet une série du type :

où z et les an sont complexes et (λn) une suite croissante non bornée de réels.       

Notons à ce propos que le développement en série de z → 1/ζ(z) s'écrit au moyen de la fonction µ de Möbius :

Caractères de Dirichlet :    

Considérons le groupe multiplicatif (Z/pZ)* des unités de l'anneau Z/pZ, p premier (groupe des éléments inversibles). Ce groupe est cyclique et admet (au moins) un élément générateur g. Modulo p, tout entier n non multiple de p est de la forme gαn, 1 ≤ αn ≤ p - 1. Les caractères χk de Dirichlet sont alors définis par :


Vérifier qu'il s'agit bien d'un homomorphisme de (Z/pZ)* vers U :  χ(n × m) = χ(n) × χ(m)

Séries et fonctions L :    

Si an sont les caractères χ(n) associés du groupe multiplicatif de Z/pZ, lorsque p est premier et λn = ln n, le terme général de la série devient χ(n)/n-z et lorsqu'elle converge, la somme est une fonction de z et on écrit :

Dirichlet utilisa ces séries en théorie analytique des nombres, dites séries L, ou fonctions L lorsqu'elles convergent, afin de prouver le théorème de la progression arithmétique selon lequel si a et b sont premiers entre eux, il existe une infinité d'entiers n tels que  p = a + nb soit premier.

Les séries L convergent absolument pour tout z de partie réelle > 1 et on a l'identité suivante à rapprocher de l'identité d'Euler pour la fonction ζ de Riemann, P désignant l'ensemble des nombres premiers :

          

 Dual d'un groupe topologique : »               Hypothèse de Riemann généralisée : »

Dans le cas général, l'étude de la convergence de ces séries n'est pas un mince problème. Il est clair cependant que :

Si la série converge pour un zo, elle converge pour tout z tel que Re(z) > Re(zo)

Prouver l'assertion ci-dessus !

Dans le cas convergent, si on note f(z) la somme, le problème fut de calculer les an en fonction de f(z) à la manière d'une série de Fourier. Le problème fut partiellement résolu par Hadamard, puis (en particulier) par Landau, Ostrowski, Polya et Mandelbrot.

Contribution en théorie algébrique et analytique des nombres :

La contribution de Dirichlet en théorie algébrique des nombres fut importante et fructueuse avec le concept d'entier algébrique.

Entiers algébriques de Q(√k), cas particulier de k = 1 modulo 4 : »

Soit θ est un entier algébrique de degré n dont le polynôme (minimal) admet r racines réelles. Le nombre de ses racines complexes est pair (car elles sont conjuguées). Soit 2s = n - r leur nombre.

Le groupe multiplicatif des unités de l'anneau Z(θ) d'entiers algébriques d'un corps de nombres est le groupe produit U × G où G est isomorphe à Zr+s-1 où U désigne le groupe multiplicatif des racines de l'unité.

» Pisot   

Dans l'étude des nombres premiers et de leur distribution, Dirichlet prouve en 1837 (b premier) et 1839 (a et b premiers entre eux) une conjecture de Legendre selon laquelle :

Si a et b sont premiers entre eux, la suite arithmétique de 1er terme a de raison b
contient une infinité de nombres premiers.

En d'autres termes :

On pourra consulter la preuve de ce théorème par Jean-Pierre Serre dans son cours d'arithmétique (» réf. 6, voir aussi 4a-4b).

Suites arithmétiques : »              Congruences arithmétiques : »

Dans sa démonstration Dirichlet met en œuvre l'analyse complexe, les séries de Fourier et les outils innovants de caractère d'un groupe (conduisant au dual d'un groupe topologique commutatif) et de séries L. Dès lors, l'analyse harmonique devient l'outil essentiel de ce qu'on va désormais appeler la théorie analytique des nombres.

Le théorème de Dirichlet énonce l'existence de séquences infinies d'entiers premiers p = a + nb sans en donner d'exemples : ce n'est pas un résultat constructif et  leur recherche n'est pas un mince problème.

        •  Dans le cas n = 2 des nombres premiers jumeaux, on rencontre les suites finies : 3-5-7, 11-13, 17-19 ,
           29-31, ..., 617-619, ..., 1997-1999, ...
        •  Dans ses 250 problèmes de théorie élémentaire des nombres, W. Sierpinski cite la séquence 199, 409,
            619, 829, 1039, 1249, 1459, 1669, 1879, 2089 de raison 210.

 !  Dans les exemples ci-dessus, on ne voit que des séquences courtes de longueur 2, 3 ou 10.  Il n'est en effet pas pas dit que n parcourt N tout entier : il peut exister des séquences consécutives infinies mais cela n'est pas encore assuré.

L'existence de progressions a, a + b, a + 2b, a + 3b, ..., a + nb avec n arbitrairement grand (a et b premiers entre eux) sera prouvée par Ben Green et Terence Tao en 2004.

»  La Vallée-Poussin

 i  Ben Green (1977-), mathématicien anglais spécialiste en théorie additive des nombres et en sa problématique inverse (combinatoire additive), professeur à Oxford, ami de Terence Tao, il fut un des étudiants de Timothy Gowers qui dirigea sa thèse (Topic in arithmetic combinatorics, Cambridge, 2003). Il est lauréat du prix Salem 2005.

Nombres premiers jumeaux (b = 2) : »                Nombres premiers sexy (b = 6) : »

»  Bombieri , Tao , Brun , Tchebychev


Prouver qu'il existe un unique triplet de nombres premiers en progression arithmétique de raison 10. 


    Pour en savoir plus  :

  1. Problème de Dirichlet, un article d'Hadamard sur le site Numdam :
    http://archive.numdam.org/article/BSMF_1906__34__135_1.pdf
  2. Problème de Dirichlet, un article de Brelot sur le site Numdam :
    http://archive.numdam.org/article/AIF_1954__5__371_0.pdf
  3. Concours Putman : http://www.dmi.usherb.ca/~charette/putnam/intro.pdf
  4. a) Les nombres premiers, Que sais-je n°571 (nouvelle édition 1997), par G. Tenenbaum & M. Mendès France.
    Un chapitre est consacré aux nombres premiers en progression arithmétique, aux séries L et à la démarche de Dirichlet.
    b) Le théorème de la progression arithmétique sur CultureMath, un article de Camille Lanuel (univ Paris-sud), 02/2018 :
    http://culturemath.ens.fr/content/le-théorème-de-la-progression-arithmétique
  5. Introduction to number theory, par Martin Klazar : http://kam.mff.cuni.cz/~klazar/ln_utc.pdf
  6. Théorie analytique des nombres, par Michel Waldschmidt (univ. Paris VI), 2008 :
    http://www.math.jussieu.fr/~miw/articles/pdf/TdN2008fasc8.pdf
  7. Preuve du théorème de Fermat (n = 5), un article de Robert Ferreol :
    http://mapage.noos.fr/r.ferreol/atelecharger/textes/fermat/fermat.pdf
  8. ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS, tome1, théorie des nombres, Éd. Albin Michel, Paris :
    Dictionnaire des mathématiques : algèbre, analyse, géométrie
  9. Espaces de Dirichlet, par Jacques Deny & Arne Beurling (mathématicien suédois, professeur à l'IAS, 1937-1954) :
    http://projecteuclid.org/download/pdf_1/euclid.acta/1485892264

Jacobi  Hamilton
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