ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
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DIOPHANTE d'Alexandrie, grec, vers 325-409         » Alexandrie

La vie de ce grand arithméticien de l'Antiquité est mal connue. Il aurait écrit treize livres d'un traité intitulé Les Arithmétiques. On n'en connaissait que six jusqu'en 1972, retrouvés au 15è siècle en Italie par Regiomantanus, lorsque quatre autres, traduits en arabe, furent retrouvés à Mechhed (Mashhad) au nord-est de l'Iran et ont sans doute influencé les travaux des algébristes arabes et persans dès le 9ème siècle, en particulier Al-Khawarizmi, Abu l'Wafa, Al-Biruni, Al-Karaji, As-Samaw'al.

L'œuvre de Diophante est constituée principalement de problèmes des premier et second degré (189 problèmes, résolus pour la plupart) conduisant à des équations dont les solutions sont entières ou fractionnaires. Traduite à Bagdad au début du 10è siècle, Elle ne le fut que tardivement en Europe, au 16è siècle à Heidelberg, par le célèbre linguiste et philosophe allemand Wilhelm Holtzmann, dit Xylander (1532-1596), qui traduisit également les six premiers livres des Éléments d'Euclide, puis complétée et commentée en France, en latin, par Bachet de Méziriac (1621). C'est ainsi que Fermat en prendra connaissance.

Équation diophantienne, ensemble diophantien, équation en nombres entiers :

On qualifie aujourd'hui de diophantienne (les anglo-saxons disent diophantine) une équation de la forme P(x,y,z,...) = 0 où P est un polynôme à coefficients entiers (ou rationnels) dont on cherche les zéros dans N (entiers naturels), Z (entiers relatifs) ou Q (nombres rationnels : fractions).

Un ensemble de p-uplets (a1,a2,...ap)∈Np est dit diophantien si l'équation diophantienne P(x,y,z,...) = 0 de coefficients (a1,a2,...ap) possède au moins une solution dans N, Z ou Q.

D'une façon générale, lorsqu'on recherche des solutions d'une équation à une ou plusieurs inconnues  dans N ou Z, on parle d'équation en nombres entiers. Exemples :


Montrer que l'équation x/y + y/z + z/x = 1, x, y, z non nuls, pgcd(x,y) = pgcd(y,z) = pgcd(z,x) = 1
ne possède aucune solution (x,y,z) en nombres entiers.

    Diophante utilisait le système de numération décimal additionnel de la Grèce antique :

et, déjà, comme nous l'apprend Luis Radford (» réf.2), une forme de symbolisme remarquable comme ΔY pour signifier, "carré", KY pour le cube, ΔYΔY pour le bicarré (puissance 4).

Des exemples classiques d'équations diophantiennes :

Programme de résolution de l'équation ax + by = c : »

Ensemble diophantien et ensemble récursivement énumérable : »          »  Matiyasevich | réf.4


Une belle identité remarquable de Diophante : (a2 + b2)(c2 + d2) = (ad + bc)2 + (ac - bd)2

Les nombres congruents :

Diophante semble être le premier à s'être intéressé à une catégorie de nombres entiers, qualifiés de congruents : on nomme ainsi un entier naturel A sans facteur carré tel qu'il existe un rectangle à côtés rationnels d'aire A.

» sans facteur carré signifie que la décomposition de A en facteurs premiers ne contient aucun produit p2, avec p premier. Par côtés rationnels, on entend que les c^tés du rectangle sont mesurés par des nombres fractionnaires a/b, a et b entiers.

De cette définition, on déduit immédiatement :

A est congruent  ⇔   ∃ (x,y,z) ∈ Q3 : x2 + y2 = z2, A = xy/2

Le sujet semble simple mais il est en fait fort complexe! Étudié par Fibonacci, Fermat, la recherche des nombres congruents rejoint, comme le grand théorème de  Fermat, résolu en 1995 par Andrew Wiles, le très difficile problème des formes modulaires et de l'arithmétique sur les courbes elliptiques. C'est encore aujourd'hui un sujet de recherches.

Le mathématicien américain Don Bernhard Zagier a prouvé le résultat suivant (» réf. 10) :

Théorème :     (» réf.10)

A est congruent ⇔ L'équation Ay2 = x2 - x, y non nul, possède une solution rationnelle

Approximation diophantienne :

Selon Diophante, un nombre peut être entier ou fractionnaire (du type a/b, a et b entiers). Les équations (de degré 2, voire 3) ou systèmes mis en jeu peuvent avoir plus d'une solution. On doit en trouver une et tout artifice est permis.

On entend par cette locution un algorithme consistant à approcher, à toute précision donnée, un nombre irrationnel, comme π ou √2, par un nombre rationnel. Le problème est bien fondé puisque tout nombre réel est limite d'une suite de nombres rationnels. Le développement en fraction continue qu'étudieront Aryabhata, Chuquet, Wallis, Huygens (pour la construction d'horloges astronomiques) fut (et est encore) un puissant outil d'approximation des irrationnels.

Le sujet est fondamental. On peut dire que la quasi totalité des mathématiciens à travers le monde et les siècles se sont penchés et se penchent encore sur ce problème comme le montre le tout récent théorème exposé ci-dessous. Citons en particulier Euler, Lagrange, Gauss, Lambert, Legendre, Dirichlet et Liouville avec, pour ce dernier, la découverte des nombres transcendants (1844), Kronecker puis, au 20è siècle, Thue, Hardy et Roth avec l'étude des corps de nombres algébriques.

Meray et la construction des nombres réels au moyen des suites de Cauchy : »

Conjecture de Duffin-Schaeffer (1941) / Théorème de Koukoulopoulos-Maynard (2019) :    

Cette conjecture est une généralisation de celle de Legendre, prouvée par Dirichlet en 1842, selon laquelle :

Pour tout x irrationnel, il existe une infinité de rationnels a/b tels que |x - a/b | ≤ 1/b2

Soit f une fonction positive de N dans R+, φ la fonction indicatrice d'Euler : φ(n) = Card {k, k∈N, 1 ≤ k ≤ n - 1, pgcd(k,n) = 1} et A l'ensemble des nombres réels α de [0,1] admettant une infinité de réduites a/q approchant α et vérifiant |α - a/q| ≤ f(q)/q.
Alors si Σ φ(q)f(q)/q = +∞
(la série diverge vers l'infini), alors l'approximation s'applique pour presque tous les α de [0,1].

Pour en savoir plus, on se reportera à la page consacrée à James Maynard, mathématicien britannique (1987-), médaillé Fields 2022.

  Trois problèmes de Diophante

  1. Rechercher deux nombres dont la différence des cubes égale leur différence       » étude du problème
  2. Décomposer un carré en somme de deux carrés (problème n°8 du livre II).
    » Cela revient à chercher x, y tel que pour z donné on ait x2 + y2 = z2 : (x, y, z) est un triplet pythagoricien.
  3. L'aire d'un triangle rectangle dont les côtés sont mesurés par des entiers peut-elle être un carré (parfait) ?
    » Ce problème (n° 20) fut résolu négativement par Fermat au moyen de la méthode de descente infinie et conduit à l'impossibilité d'une solution de l'équation x4 + y4 = z4. » résolution du problème.

Citons ici deux beaux théorèmes d'arithmétique :

On voit implicitement là le concept de congruence modulo 4 : p ≡ 4 [1].

De tels de problèmes de décomposition additive d'un nombre selon certains critères, relève de la théorie additive des nombres et intéressera de nombreux mathématiciens à travers les siècles, le sujet étant loin d'être épuisé :

»  Goldbach , Waring , Lagrange , Gauss , Hardy et Littlewood , Ramanujan, Tao ...

Un petit problème d'arithmétique fractionnaire :   

Selon Bachet de Méziriac, dans ses Problèmes plaisants et délectables qui se font par les nombres publiés en 1613, l'épitaphe de Diophante d'Alexandrie propose cette énigme à la sagacité du visiteur. On retrouve le problème dans le Dictionnaire encyclopédique des amusements des sciences et physiques de Jacques Lacombe (1792, » réf.9 ci-après) :

à quel âge mourut ce grand savant ? 


   Pour en savoir plus :

  1. a) Diophante et Fermat, un article d'Isabelle Bachmakova (Revue d'histoire des sciences), Moscou - 1966 :
    https://www.persee.fr/docAsPDF/rhs_0048-7996_1966_num_19_4_2507.pdf
    b) Diophante et l'algèbre, par Nicolas Farès (Société libanaise d'histoire des sciences arabes) :
    https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01741649/document
    c) Diophante et l'algèbre présymbolique, par Luis Radford (École des sciences de l'Éducation, Ontario, Canada) - 1991
  2. L'algèbre d'Al-Khwarizmi et les méthodes indienne et grecque (dont Diophante), Léon Rodet, 1878 :
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k995262
  3. Approximation diophantienne par Maurice Mignotte, Univ. Paris-Sud, Orsay, 1975 :
    http://portail.mathdoc.fr/PMO/PDF/M_MIGNOTTE-91.pdf
  4. Le dixième problème de Hilbert, par Youri Matiyasevich sur le Kangourou des mathématiques :
    http://www.mathkang.org/cite/confC01.html
  5. Introduction to number theory, approximations diophantiennes par Martin Klazar : http://kam.mff.cuni.cz/~klazar/ln_utc.pdf
  6. Recherches sur l'analyse indéterminée et l'arithmétique de Diophante, par Edouard Lucas (1873), sur Google Livres :
    https://books.google.fr/books?id=sFYkOOUbNIQC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&...
  7. a) Les travaux perdus de Diophante (I), par Roshdi Rashed sur Persée.fr (revue d'histoire des sciences, 1974) :
    https://www.persee.fr/docAsPDF/rhs_0151-4105_1974_num_27_2_1061.pdf

    b) Les travaux perdus de Diophante (II), par Roshdi Rashed sur Persée.fr (revue d'histoire des sciences, 1975) :
    https://www.persee.fr/docAsPDF/rhs_0151-4105_1975_num_28_1_1114.pdf
  8. Approximations diophantiennes, équations diophantiennes : Dictionnaire des mathématiques :algèbre, analyse, géométrie
    ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS, tome1, Éd. Albin Michel (p. 251-275).
  9. Dictionnaire encyclopédique des amusements des sciences mathématiques et physiques, par Jacques Lacombe (1792) :
    https://books.google.fr/books?id=_AVdAAAAcAAJ
  10. Le problème des nombres congruents, formes modulaires, par Pierre Colmez (École polytechnique) :
    https://webusers.imj-prg.fr/~pierre.colmez/congruents.pdf
  11. De la conjecture de Duffin–Schaeffer au théorème de Koukoulopoulos-Maynard, par Frédéric Jaëck (univ. Aix-Marseille/cnrs) :
    https://culturemath.ens.fr/thematiques/graphes/de-la-conjecture-de-duffin-schaeffer-au-theoreme-de-koukoulopoulos-maynard

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