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Issu d'une famille de six enfants atteints par la méningite,
maladie extrêmement contagieuse, Ferdinand sera le seul des enfants à survivre mais sa
santé restera fragile. Élève brillant, il se passionne pour les mathématiques et
s'inscrit à l'université de Berlin (1843), sa ville natale où il fut l'ami de
Kronecker.
Eisenstein se fit rapidement connaître par une publication dans le Journal de Crelle relative à l'emploi des substitutions linéaires (x = aX + bY, y = cX + dY) dans l'étude des formes quadratiques, sur lesquelles Gauss travaillait dans le prolongement des recherches entreprises par Lagrange sur le sujet, et qui conduiront Hamilton et Sylvester au calcul matriciel.
Le célèbre et influent naturaliste et explorateur Alexander von Humboldt
(1789-1859)
le prendra sous sa protection : il
étudiera auprès de Gauss à Göttingen et de
Hamilton en Irlande et obtiendra,
parrainé par Jacobi, une chaire à
l'université de Berlin (1847) où il sera nommé académicien peu avant sa mort, à
29 ans, atteint de tuberculose.
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Ce triste destin rappelle celui du célèbre mathématicien norvégien Niels Henrick Abel |
Ses travaux les plus significatifs portèrent sur les formes quadratiques (théorie des invariants), la théorie analytique des nombres et les fonctions elliptiques dont la théorie, développée au moyen des fonctions méromorphes, plus audacieuse que celle de Jacobi, fit l'admiration de Riemann et fait encore aujourd'hui autorité.
Anneau Z(j) des nombres (ou entiers) d'Eisenstein : |
A l'instar de Gauss qui avait défini ses entiers complexes, Eisenstein étudie les nombres complexes de la forme a + bj où j désigne la racine cubique primitive complexe de l'unité d'ordonnée positive :
a et b désignant des entiers relatifs.
On sait que 1 + j + j2 = 0, (» Gauss), ce qui permet de constater que muni de l'addition et de la multiplication usuelle de C, ces nombres constituent un anneau commutatif unitaire, noté Z(j), inclus dans l'extension de corps Q(i√3). Leur norme est N(a + bj) = (a + bj)(a + bj) = a2 - ab + b2. Les unités de cet anneau (éléments inversibles) se limitent à 1, j, j2 = j et leurs opposés.
Un nombre d'Eisenstein est premier si ses diviseurs se limitent à lui-même et aux unités de l'anneau.
∗∗∗
Montrer, comme affirmé ci-dessus, que les unités de
Z(j) se limitent à 1, j, j2 =
j et leurs opposés en recherchant les entiers tels que
a2 - ab + b2
= 1. On cherchera à résoudre cette équation d'inconnue a en fonction de b et on
constatera que y = 0 ou ±1.
Nombres algébriques, entiers algébriques : »
L'étude de la divisibilité dans cet anneau permit à Eisenstein d'énoncer des conditions de primarité (en franglais : primalité) dans l'arithmétique usuelle de N. En particulier :
Tout nombre premier dans N de la forme 3n + 1 est décomposable additivement sous la forme a2 + 3b2 (a et b entiers)
Ce sont des nombres non premiers dans Z(j), de la forme (a + bj)(a + bj) = N(a + bj) norme, au sens des entiers algébriques de u + vj (car j2 = j).
Des entiers premiers comme 7, 13, 19, ... , 409 = 3
x 42 + 192 en sont des exemples et on remarque que
7 = (3 + j)(3 + j),
13 = (4 + 3j)(4 + 3j),
...
Polynôme irréductible, polynôme primitif, théorème ou critère d'Eisenstein : |
Un polynôme p de degré n sur un anneau commutatif K (polynôme à coefficients dans K) est dit réductible sur K s'il existe un polynôme q1 de K[X] de degré m non nul, m < n, qui divise p : il existe alors q2 de K[X] tel que p = q1q2. Dans le cas contraire, on dit que p est irréductible sur K.
Si p, de degré au moins égal à 2, est irréductible sur K, alors l'équation p(x) = 0 n'a pas de solution α dans K.
p(α) = 0, α ∈ K si et seulement si p est divisible par x - α et il existe alors q dans K[X] tel que p = (x - α) × q.
Division par x - α : » Étude théorique de la divisibilité dans un anneau : »
Polynôme primitif p* d'un polynôme p de Q[X] :
Considérons le cas d'un polynôme p de Q[X]. Ses coefficients sont rationnels, éventuellement entiers (Z⊂Q). Soit µ le PPMC des dénominateurs de ses coefficients. p peut s'écrire q/µ avec q∈Z[X]. Soit maintenant δ le polynôme le PGCD des coefficients de q. Le polynôme p* = q/δ est à coefficients entiers premiers entre eux. On l'appelle polynôme primitif de p. On remarquera que les équations p(x) = 0 et p*(x) = 0 sont équivalentes.
On a ce résultat bien évident :
Les assertions p est irréductible sue Q et p* est irréductible sur Z sont équivalentes.
Divisibilité dans un anneau : » » polynôme scindé
x2 + 1 est l'exemple type de polynôme irréductible sur R mais non pas sur le corps C des nombres complexes puisqu'il s'écrit (x + i)(x - i) avec i2 = -1.
Considérons le polynôme x5 + x + 1. Si j désigne la racine cubique complexe de l'unité : j = (-1 + i√3)/2 , on a j3 = 1 et 1 + j + j2 = 0, par suite j et son conjugué sont des racines de l'équation x5 + x + 1 = 0 et x5 + x + 1 est factorisable par x2 + x + 1. On obtient alors par division : x5 + x + 1 = (x2 + x + 1)(x3 - x2 + 1), ce qui montre que x5 + x + 1 est réductible dans Z[X].
! Un polynôme de K[X] peut être factorisable sans pour autant avec des zéros dans K : considérer K = R et p(x) = (x2 + 1)(x2 + 3) ou encore K = Q et p(x) = x4 + x2 - 6 = (x2 - 2)(x2 + 3). On notera cependant que :
∗∗∗
Un polynôme P de K[X], de degré 2
ou 3 ne possédant pas de
zéros dans K est irréductible sur K.
(raisonner en supposant P réductible)
Critère d'Eisenstein :
Soit P = ao + a1X
+ a2X2 + ... +
anXn un polynôme de Z[X];
s'il existe un entier naturel p premier divisant tous les ai sauf an , p2 ne divisant pas ao ,
alors P est irréductible sur Z[X] et, par là, sur Q[X].
Ce résultat se généralise à un anneau commutatif A[X]. Hilbert donnera (1892) une extension de ce critère pour des polynômes à plusieurs variables.
! L'appellation critère, traditionnellement rencontrée pour ce résultat, n'est pas vraiment appropriée : un critère est plutôt une règle permettant de distinguer le vrai du faux par épuisement de tous les cas possibles; il s'agit ici d'une propriété suffisante, non nécessaire :
Le polynôme p(x) = x4 + x + 1 a pour polynôme dérivé
p'(x) = 4x3 + 1 possédant un unique zéro pour lequel p(x) > 0.
x4 + x + 1 est donc strictement positif pour tout réel x : p est
irréductible sur Q[x]. Cependant, les ai étant ici égaux à 1,
il n'existe pas d'entier premier p vérifiant le "critère".
∗∗∗
Soit P un polynôme de Z[X], de degré 2
ou 3, de terme constant ao dont aucun diviseur n'annule P.
Montrer que P est irréductible sur Z
(on
pourra supposer P factorisable et remarquer qu'il admet un facteur du 1er degré)
∗∗∗
Montrer que si p est premier, le
polynôme 1 + X + X2 + .... + Xp-1 est irréductible sur
Q[X].
» Indications :
(X + 1)p - 1 est divisible par X. Montrer que
le quotient vérifie le
critère d'Eisenstein en remarquant
qu'il s'écrit comme la
somme de k = 1 à p des Cpk
Xk-1