ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges
 

L'arithmétique de Gauss      » Congruences | Théorème chinois | Nombres premiers et fonction logarithme intégral li(x)
     
» Calcul approché de π(n) par li(n) | Résidu quadratiqueLoi de réciprocité quadratique | Anneau Z/nZ 

  Tout au long de cette page, voir aussi exos LYC, SUP

Une des contributions majeures de Gauss en mathématiques sera dans ses Recherches arithmétiques (Disquisitiones arithmeticae, 1801, disponibles en français sur Gallica (traduction de A.-C.-M. Poullet-Delisle,1807) où il crée une théorie arithmétique nouvelle avec le concept de congruence en énonçant des résultats et théorèmes fondamentaux.

Il faut cependant noter que le concept implicite de congruence apparaît déjà en Grèce avec Diophante d'Alexandrie et en Inde avec Brahamagupta. On le retrouvera aussi dans la mathématique chinoise du 13è siècle avec Qin Jiushao (1202-1261) qui écrivit un Traité de Mathématiques en Neuf Chapitres, à l'instar de celui du même nom au 1er siècle après J.-C.

   L'intervention des structures algébriques, avec l'anneau Z/nZ des entiers modulo, l'étude des corps de nombres algébriques, les groupes de Galois, ... permettent de parler de théorie algébrique des nombres.

L'introduction de l'analyse en théorie des nombres, principalement dans l'étude de la distribution des nombres premiers, sera encore le fait de Gauss mais aussi de Euler qui, avant lui, "découvrit" les célèbres fonctions zêta (lettre grecque ζ) : on parle là de théorie analytique des nombres. Une théorie qui nous entraîne au cœur des mathématiques les plus difficiles avec l'hypothèse de Riemann, loin de l'arithmétique classique des entiers naturels de Pythagore, Euclide ou Nicomaque.

Une autre branche de l'arithmétique est la théorie additive des nombres, étudiant la décomposition d'un entier en somme d'entiers pairs, impairs, premiers ou de puissances de tels nombres. Elle naît avec Pythagore et son célèbre théorème; on la rencontre au cours des siècles avec Diophante, Goldbach, Waring et Lagrange par exemple, et jusqu'à nos jours où elle se mêle à la théorie analytique comme le montre la preuve du grand théorème de Fermat, l'étude des nombres premiers jumeaux et plus généralement des nombres premiers en progression arithmétique ou encore, plus récemment, la conjecture ABC.

En fait de nos jours, on constate que les trois types évoqués ci-dessus s'enchevêtrent inéluctablement avec, en particulier, l'entrée en scène de la géométrie algébrique, des formes modulaires et de la cohomologie.

La théorie des congruences :

Si a, b et p désignent des entiers relatifs on écrit a ≡ b  [p] pour signifier que a - b est un multiple de p.

On dit que a est congru à b modulo p. L'entier p est le module de la congruence. On doit à Gauss, dans cet ouvrage, ce signe des congruences arithmétiques.

Les écritures  a ≡ b  (p) ou a ≡ b  (mod. p) se rencontrent également. On vérifiera facilement cette première proposition :

a ≡ b  [p] si et seulement si a et b ont même reste dans la division euclidienne par p.

La relation ≡ est une relation d'équivalence. L'ensemble des classes d'équivalence constitue l'anneau des classes résiduelles modulo p.

 Un résultat trivial mais fondamental :     

Dans le cas où a et b sont éléments de N, b étant non nul, soit r le reste de la division euclidienne de l'entier a par l'entier b : on a l'égalité a = bq + r où q est le quotient et r le reste de la division avec 0 ≤ r < b. Dans ces conditions : a ≡ r  [b]. La réciproque de ce résultat est valide à condition de bien imposer la condition 0 ≤ r < b. On dira que r est le résidu de a modulo b.

On montrera sans difficulté (sinon cliquez sur l'ampoule... ) que :

  1. si a b [p] , alors pour tout n : a × n b × n  [p]  
     !   réciproque est fausse : par exemple, 4 × 5 ≡ 4 × 8  [6] mais non pas 5 ≡ 8  [6].

  2. si a b [p] et c d [p], alors : i/ a + c b + d [p]   ii/ a - c b - d [p]   iii/ a x c b × d [p]

  3. si a b [p] et si a, b et p sont divisibles par d, alors : a / d b / d  [p / d]

  4. si a b [p] et si a et b sont divisibles par d et pgcd(d,p) = 1 , alors : a / d b / d  [p]       (» lemme de Gauss)

  5. si a b [p] , alors an b[p]    
     !   réciproque fausse : 26 ≡ 56  [7] mais on n'a pas 2 ≡ 5  [7] ou encore : 93 ≡ 43  [7] mais non pas 9 ≡ 4  [7].

PGCD et PPMC de deux entiers naturels : »

L'arithmétique des congruences, on parle depuis peu d'arithmétique modulaire est un outil puissant dans la résolution des équations en nombres entiers et, plus généralement, en théorie des nombres, comme par exemple, dans l'étude de la distribution des nombres premiers et les progressions arithmétiques de tels nombres.

Calculs de congruences (JavaScript) : »          Calcul d'une clé INSEE (NIS) : »         Calcul d'une clé RIB : »


Petits exos avec indications ou solution :

  1. Montrer que le carré de tout entier naturel non multiple de 5 est congru à  ± 1 modulo 5. Rép : très simple...

  2. La preuve par 9 des écoliers :  » Adam Riese

  3. Déterminer les entiers x tels que x2 + x + 4 soient divisibles par 3 et par 5.
    Rép :
    cela revient à résoudre le système x2 + x + 1 ≡ 0 [3] ,  x2 + x - 1 ≡ 0 [5]; on cherche d'abord les x vérifiant la 1ère condition : x = 3k + 1; on cherche ensuite les valeurs possibles de k : k = 5u + 2; d'où x = 3(5u + 2) + 1 = 15u + 7, u entier quelconque. On peut aussi faire usage du théorème chinois ci-après si l'on «s'aperçoit» que 7 est solution et que le système équivaut à  x2 + x + 4 ≡ 0 [3]  ,  x2 + x + 4 ≡ 0 [5].

  4. Bac C &974 : Déterminer les entiers naturels n tels que 52n + 5n soit divisible par 13. Rép : clic...

  5. Bac 2006, Ter SpéMath : déterminer les solutions du système n∈Z, n ≡ 13 [19] , n ≡ 6 [12]. Rép : clic...

  6. Étudier des variantes de l'exercice 5 comme : a) n∈Z, n ≡ 5 [9] , n ≡ 6 [12]      b) n∈Z, n ≡ 5 [9] , n ≡ 8 [12]. Rép : a) impossible.   b) n = 36k - 4

  7. Critère de Lucas-Lehmer et devoir niveau licence.

  8. a) Quels sont les entiers relatifs qui, divisés par 5 et par 3 donnent respectivement les restes 1 et 2 ? Rép : clic...
    b) Quels sont les entiers n tels que 4n2 + 1 soit multiple de 5 ?
    Rép : clic...

Critères de divisibilité : »          Classes résiduelles modulo n : »         » Bézout


1. Polynômes P fournissant des images P(x) qui sont des nombres premiers pour des valeurs consécutives de x : »
2. Des exercices niveau Sup : » réf.8, univ. Rennes/Paris 7

    Rappelons ici que parler de nombres a et b premiers entre eux signifient que leur seul diviseur commun est 1, autrement dit leur plus grand diviseur commun est réduit à 1 :  pgcd(a,b) = 1.

 Un théorème fondamental dit théorème (ou lemme) de Gauss :    

Si l'entier d divise un produit ab d'entiers et si a et d sont premiers entre eux, alors d divise b

Avec la notation a | b pour signifier « a divise b » :

Si d | ab  et pgcd(a,d) = 1, alors d | b

Preuve : si a et d sont premiers entre eux, il existe des entiers u et v tels que au + dv = 1 (théorème de Bézout). Multiplions par b les deux membres de l'égalité : aub + dvb = b. Puisque d divise le produit aub (puisqu'il divise ab) et d divise évidemment dvb, alors d divise b.

 Corollaire 1 (lemme d'Euclide) :    

Si p est premier et divise le produit ab, alors d divise a ou d divise b 
     
(le ou n'étant pas exclusif)

Preuve : si p ne divise pas a, p étant premier, a et p sont premiers entre eux. Et on applique le théorème de Gauss.

Remarque :   

On vient d'utiliser un résultat très utile dans la pratique :

Si p est premier, alors pour tout n de N,  pgcd(n,p) = 1  ssi  p ne divise pas n

Corollaire 2 :   

Si pgcd(d1,d2) = 1, alors si d1 et d2 divisent n, leur produit d1d2 divise n
Si un entier n est divisible par d1 et d premiers entre eux, alors n est divisible par leur produit.

Preuve : d1 divise n, donc n = kd1. Mais d2 divise également n, donc divise le produit kd1; d2 étant premier avec d1, selon le théorème de Gauss, il divise k, d'où n = (k'd1)d2 = k'(d1d2) : d1d2 divise n.

Et le lecteur prouvera encore facilement en conséquence du théorème de Gauss :

Corollaire 3 :   

Si pgcd(d1,d2) = d, alors si d1 et d2 divisent n, leur ppmc(d1,d2), à savoir d1d2/d, divise n
Lorsque d1 et d2
ne sont pas premiers entre eux, de pgcd d, n est divisible par leur PPMC (qui n'est autre que d1d2 /d)

 PPMC et PGCD : »


a) Etablir (ou admettre car c'est très évident...) que si p et q sont premiers entre eux, il en est de même de p et q3
b) Prouver que si a/b, non entier et irréductible, est solution de l'équation (e) :  3x3 - 2x2 + 6x - 4 = 0 alors a divise 4 et b divise3.
En déduire que la seule solution rationnelle de (e) est 2/3.

 Application à la recherche d'un zéro rationnel d'un polynôme à coefficients entiers :   

Considérons le polynôme :

P(x) = anxn + an-1xn-1 + an-2xn-2 + ... + a2x2 + a1x + ao

dont les coefficients sont tous entiers. Si x = p/q est un zéro rationnel non entier sous sa forme irréductible, en remplaçant dans P(x), on se ramène à :

p(anpn-1 + an-1pn-2q + an-2pn-3q2 + ... + a2pqn-2 + a1qn-1) = - aoqn

p divise donc aoqn. En application du théorème de Gauss, p étant premier avec q, p divise ao. De la même façon, q divise an. Si ao et an sont relativement petits dans Z, on pourra déterminer une solution rationnelle éventuelle par épuisement des cas. 

  Le théorème chinois (ou des restes chinois) :         » Chine | réf.5

a) Soit n1 et n2 deux entiers naturels et x un entier relatif vérifiant le double système de congruences x ≡ r1  [n1] et x ≡ r2  [n2].
Alors :

  1. si n1 et n2 sont premiers entre eux, le système est résoluble et la solution générale est tout x ≡ xo [n1n2] où xo est une solution particulière obtenue au moyen de l'identité de Bézout : n1u + n2v = 1 et xo = n1r2u + n2r1v.

  2. si pgcd (n1 , n2) = d > 1, le système est résoluble sous la condition r1 ≡ r2  [d] (c'est à dire r1 - r2 divisible par d) ; la solution générale est x ≡ xo [ppmc(n1,n2)] où xo = n1u +  r1 = r2 - n2v est une solution particulière obtenue au moyen de l'identité de Bézout : n1u + n2v = r2 - r1.

Preuve :   

1. Lorsque n1 et n2 sont premiers entre eux, selon l'identité de Bézout, il existe un couple (u,v) d'entiers relatifs tels que n1u + n2v = 1. On vérifie facilement que xo = n1u × r2 + n2v × r1 est une solution particulière. Soit alors x une autre solution : on a x - xo 0 [n1] donc n1 divise x - xo, et il en est de même pour n2. Or n1 et n2 sont premiers entre eux, donc selon la remarque 2 ci-dessus, n1n2 divise x - xo. Ainsi x xo  [n1n2]. Inversement si n1n2 divise x - xo, alors ce dernier l'est par  n1 et par n2 selon la même remarque 2.
2. Lorsque pgcd(n1 , n2) = d > 1, en écrivant x = n1q1 + r1 et x = n2q2 + r2, le système conduit à l'équation en nombres entiers n1q1 - n2q2 = r2 - r1. L'entier d doit donc diviser r2 - r1, soit r1 ≡ r2  [d]. On procède alors comme dans le cas 1 en recherchant cette fois u et v tels que n1u + n2v = r2 - r1. Ceci étant fait, on voit que n1u +  r1 = r2 - n2v : le premier membre vérifie x ≡ r1  [n1] et le second x ≡ r2  [n2]. Nous avons donc une solution particulière. Comme précédemment, si x est une autre solution n1 et n2 doivent diviser x - xo. Or n1 et n2 ne sont pas premiers entre eux, donc  n1 et n2 sont divisibles par n1n2 /d, c'est à dire par leur pgcd. Ainsi x
xo  [ppmc(n1,n2)]. Inversement tout entier de cette forme est manifestement solution.

Par exemple :   

Résidu quadratique :

On dit que r est un résidu quadratique modulo n lorsqu'il est congru à un carré modulo n. autrement dit :

Il existe un entier x tel que x2 ≡ r [n] : r est un carré dans Z/nZ

Groupe Z/nZ des classes résiduelle modulo n : »

Cette congruence est dite du second degré. Legendre et Gauss furent les premiers à étudier ce type de congruence dont la forme générale est de deux types : ax2 + bx + c ≡ 0 [n] (trinôme du second degré en x) et ax2 + bxy + cy2 ≡ 0 [n] (forme homogène du second degré, appelée forme quadratique que l'on retrouve en algèbre bilinéaire et en calcul matriciel. Dans le premier cas, a est non nul dans  Z/nZ (non divisible par n), sinon la congruence est du 1er degré. Dans le second cas, a et c ne sont pas tous deux nuls.

Résoudre une congruence du second degré est simple tant que le module n est "petit". Il suffit d'écrire le tableau des carrés des résidus possibles modulo n. Mais cela procède du tâtonnement. Les mathématiciens se devaient établir des méthodes plus rationnelles.

Étude de la congruence ax2 + bx + c ≡ 0 [n], pour n premier , n ≥ 3    

Le cas n = 2 ne soulève aucune difficulté : a, b et c étant donnés, il s'agit de connaître les valeurs paires du trinôme ax2 + bx + c. Dans Z/2Z qui est un anneau intègre, même un corps, réduit à 2 éléments : 0, classes des nombres pairs et 1 classes des impairs, on résoudra aisément la congruence :

En supposant désormais n ≥ 3, donc n impair, on peut multiplier la congruence par 4a, nombre pair, sans changer le nombre de solutions car n est alors premier avec 4a (» théorème de Gauss). En développant, on peut écrire la congruence sous la forme :

(2ax + b)2 = b2 - 4ac

Posons Δ = b2 - 4ac. On est ramené à étudier Δ en tant que résidu quadratique modulo n. Et on peut limiter les valeurs des résidus r entre 0 et n - 1 en recherchant parmi ces valeurs lesquelles sont des carrés.

i/ Le cas Δ = 0 est trivial car n étant premier, l'équation X2 = 0 [n] équivaut à X = 0 [n]. Dans le cas présent, cela nous ramène à une congruence élémentaire du 1er degré.

ii/ Supposons Δ ≠ 0 : (n - r)2 = n2 - 2nr + r2 = r2 [n] : c'est dire que les résidus de rang r et n - r ont même carré. Ce qui limite les résidus quadratiques non nuls à (n - 1)/2. Les autres résidus ne sont pas des résidus quadratiques et, dans ce contexte, sont qualifiés de non-résidus (quadratiques).

Résidu 1 2 ... r ... (n-1)/2 ...   n - r ...   n - 1
Carré 1     r2         r2     1
cas n=13 1 4 9 3 12 10 10 12 3 9 4 1


Montrer que le produit de deux résidus (quadratiques) ainsi que celui de deux non-résidus est un résidu
et que le produit d'un résidu par un non résidu est un non résidu.

   Ce petit exercice rappelle la règle des signes. Raison pour laquelle Legendre a utilisé une notation pratique dans ses calculs :

Notation de Legendre pour les résidus quadratiques :    

Remarque :   

On sait que si a ≡ b [n] et  c ≡ d [n], alors  ac ≡ bd [n], donc si x2 ≡ r [n] et  x'2 ≡ r' [n] alors (xx')2 ≡ rr' [n].

Autrement dit :

Loi de réciprocité quadratique de Gauss-Legendre :

Afin de déterminer si un nombre premier est résidu quadratique ou non, Legendre énonça un très beau résultat (1830) mais en donna une preuve erronée. Démontrée élégamment par Gauss, elle est d'une grande importance en théorie additive des nombres. Avec la notation de Legendre, elle peut ainsi s'énoncer :

p et q désignant des entiers impairs premiers, dont l'un (au moins) est de la forme 4n + 1, on a (p/q) = (q/p).
Si p et q sont de la forme
4n + 3, alors (p/q) = -(q/p).

Cas particuliers :   

Les cas d'un résidu quadratique égal à -1 et ± 2 sont particuliers :

 L'entier -1 est résidu quadratique modulo p premier lorsque p est de la forme 4k + 1

L'entier 2 est résidu quadratique modulo p premier lorsque p est de la forme 8k ± 1
(résultat connu depuis Fermat, » Borel, réf.6a, p. 73)

L'entier -2 est résidu quadratique modulo p premier lorsque p est de la forme 8k + 1 ou 8k + 3

Décomposition d'un entier en somme de 2, 3 ou 4 carrés :    

Grâce à sa théorie des congruences et aux propriétés des résidus quadratiques, Gauss obtient en particulier ces trois jolis résultats :

1 - Tout nombre premier de la forme 4n + 1 se décompose de façon unique en somme de deux carrés
(résultat connu depuis Euler, 1754, » Borel, réf.6a)

     Entiers de Gauss : »           » Goldbach , Lagrange

2 - Tout nombre premier de la forme 4n + 3 peut se décomposer en somme de quatre carrés pouvant se réduire à trois,
cette décomposition n'étant pas toujours unique
(» Borel, réf.6a)

Par exemple (Borel, réf.6a) : 31 = 4 × 7 + 3 = 52 + 22 + 12 + 12 = 32 + 32 + 32 + 22 , 43 = 4 × 10 + 3 = 52 + 32 + 32 = 42 + 32 + 32 + 32

Programmation du théorème des 3 carrés : »           » Waring , Lagrange

4 - Tout nombre parfait pair se termine par 6 ou 8.

Plus difficile est le résultat suivant, conjecturé par Legendre prouvé par Gauss :

5 - Tout nombre entier qui n'est pas de la forme 4n(8m + 7) est somme de trois carrés.

Pour en savoir plus sur ce sujet d'arithmétique modulaire, on consultera en particulier les réf.4-6-7, in fine.

La distribution des nombres premiers, raréfaction, densité, théorème des nombres premiers, logarithme intégral :

On sait depuis Euclide que l'ensemble des nombres premiers est infini et les mathématiciens se demandaient depuis quelle était leur répartition dans l'ensemble des entiers naturels pour n "grand", n∈N : il s'agit là de l'important sujet de la distribution asymptotique des nombres premiers.

à la manière de Legendre, notons π(n) désigne le nombre de nombres premiers inférieurs à l'entier naturel n. On a, par exemple :

π(2) = 1, π(13) = 6, π(17) = π(18) = 7, ... , π(1000) = 168, ... , π(10 000) = 1229, ...  (» tableau & réf.13).

     (f ~ g signifiant équivalent au sens lim n→∞ f/g = 1)

Cette conjecture, adoptée par Legendre, basée sur des tables de nombres premiers qu'il compléta tout au long de sa vie (» réf.12), ne sera avérée qu'un siècle plus tard (1896) par Hadamard et de La Vallée-Poussin au moyen de l'analyse complexe, introduite par Riemann dans ce domaine arithmétique où on ne l'attendait pas ! (» historique).

L'étude de la fonction f : x → x/ln(x), x > 8, de dérivée première x → (ln(x) - 1)/ln2(x) > 0 confirme un π(n) allant croissant, mais le signe de la dérivée seconde x→ (- ln(x) + 2 )/(xln3(x)) < 0 dès x > e2,  indique un ralentissement de cette croissance. En d'autres termes, quoique le nombres d'entiers premiers augmente, plus n augmente, moins on en trouve... : on parle de raréfaction des nombres premiers.

 i  Une fonction f croissante (f ' > 0) dont la dérivée décroît (f ''< 0) croît "de moins en moins vite" (le coefficient directeur des tangentes diminue tout en restant positif) : fonction croissante concave. C'est le cas pour le logarithme népérien illustré ci-dessous :

En introduisant la fonction logarithme intégral notée li, introduite en analyse par Euler en 1768:

       » Johann von Soldner

Gauss conjecture une nouvelle formulation en affirmant π(x) = li(x); on a alors : 

Preuve : si π(x) = li(x), intégrons par parties (udv = uv -vdu) en posant u = 1/lnt et dv = dt; on obtient : v = t et du = -1/t × 1/(lnt)2 et

li(x) = x/lnx -  2/ln2 + [2,x]dt/(lnt)2

Notons J cette dernière intégrale. Nous nous intéressons là aux grandes valeurs de x, donc à un comportement asymptotique de J. On utilise alors ce théorème d'analyse selon lequel (» Jean Dieudonné, III-Développements asymptotiques,§10, réf.7) :

Soit f de classe C1, strictement positive et telle que f '/f = o(1/x) au voisinage de +∞, alors :
 
[a,∞] f(t)dt diverge et [a,x] f(t)dt ~ xf(x) au voisinage de +∞

On a ici f(x) = 1/(lnx)2, f '(x) = -2/x × 1/(lnx)3, f '(x)/f(x) = -2/x × 1/lnx = o(1/x). Par suite [2,x]dt/(lnt)2 ~ xf(x) = x/(lnx)2, d'où le résultat.

En conséquence :   

   Par intégrations par parties successives, et en appliquant le théorème rappelé ci-dessus, on obtiendra le développement asymptotique (c'est à dire valable pour x "grand") de la fonction li :

 

La formule fournit 9588 pour n = 100 000, proche de la réalité π(n) = 9592, alors que n/ln(n) = 8686 en est assez éloignée. La constante 1,08366 sera contestée par Tchebychev en 1848 (» réf.14).

   (» réf.14)

où ρ = β + γi, avec γ > 0, décrit tous les zéros complexes de ζ par ordonnées croissantes. Ce qui le conduit à :

π(x) ~ ln(n)/n ~ li(x) + O(x × lnx)     » notation de Landau

Et, si sa non moins célèbre hypothèse relative aux zéros complexes de ζ sur la droite d'abscisse 1/2 s'avère vérifiée, l'équivalence avec li(x) sera beaucoup plus fine :

π(x) = li(x) + O(√x × lnx)

La conjecture de Gauss résistera près de 100 ans : grâce au génie de Riemann, elle fut finalement prouvée en 1896 par Hadamard et de La Vallée-Poussin (indépendamment) 30 après sa mort. Elle constitue ce que l'on appelle aujourd'hui le théorème des nombres premiers. Nombreux sont les mathématiciens, comme ceux désignés ci-dessous, qui apportèrent leur contribution à une nouvelle preuve où à un affinement de ce théorème : Selberg et Erdös, tout particulièrement en 1948 et 1949 respectivement par des méthodes moins analytiques (tout au moins sans l'outil de l'analyse complexe, (» réf.14, ch.4), ainsi que Donald J. Newman en 1980 et Hédi Daboussi (1984).

» Dirichlet , Mertens , Landau , Hardy , Littlewood , Ramanujan , Mendes-France , Don Zagier ,Tao

Deux belles formules exprimant le lien entre π(x) et ζ(x) :

(» réf.16b, page 65)

Hypothèse de Riemann et distribution des nombres premiers : »

  i   Nota

Suivant les auteurs, le logarithme intégral, évoqué ci-dessus, est noté li ou Li. Cette dernière notation correspond généralement à la prolongation de la fonction li à R+ :

Li(0) = 0

L'une et l'autre ne sont pas exprimables au moyen de fonctions algébriques ou transcendantes usuelles, on ne peut les évaluer que par développement en série. On peut écrire li(x) = Li(x) - Li(2) mais cette identité doit être manipulé avec prudence car la fonction li est définie [2,+∞[ pour x ≥ 2 alors que Li l'est sur [0,+∞[ privé de 1.

 !  Euler semble être le premier à l'avoir étudiée dans ses Institutiones calculi integralis de 1768. Laplace en fait usage dans sa Mécanique céleste. On pourra consulter sur Google Livres (» réf.11a) une étude approfondie de Johannes von Soldner, astronome et mathématicien allemand (1776-1833), relative à cette fonction et à qui l'on doit l'appellation et la notation : Théorie et tables d'une nouvelle fonction transcendante publiée en 1809 à Munich.

En savoir plus sur Li(x) et l'exponentielle intégrale Ei(x) = Li(ex) : »

 
 

<SCRIPT LANGUAGE=JavaScript>
var n,p,fac
function pi_de_n()
{
n=100000;
with (Math)
{
n=eval(prompt("Entrez n :",n));if (n==null) {return};
p=round(log(n)/log(10))-1;if(p<2){p=2}
p=eval(prompt("Entrez l'ordre :",p));if (p==null) {return};
s=li(n);
fac=fac*p; rn=n*fac/pow(log(n),p+1)
alert("pi("+n+") = "+round(s)+"\n"+"ordre = "+p+"\n"+"Dernier terme négligé = "+rn)
}
}
function li(x)
{with(Math)
{
s=x/log(x);
if(p>1)
{
fac=1
for(i=1;i<=p-1;i++){fac=fac*i;s=s+fac*x/pow(log(x),i+1)}
}
return s
}
}
</SCRIPT>

Quelques valeurs exactes de π(n)     (source réf.13) :

20

50

80

100

150

200

250

300

350

400

450

500

523

541

600

650

700

750

800

850

900

950

999

8

15

22

25

35

46

53

62

70

78

87

95

99

100

109

118

125

132

139

146

154

161

168

1000

1250

1500

1750

2000

2250

2500

2750

3000

3250

3500

3750

4000

4250

4500

4750

5000

5250

5500

5750

6000

6500

7000

168

200

239

272

304

334

367

401

430

457

489

522

550

582

610

639

669

697

725

757

783

842

900

7500

8000

8500

9000

10000

20000

30000

40000

50000

60000

70000

80000

90000

10^5

10^6 10^7 10^8 10^9 10^10

950

1007

1059

1117

1229

2262

3245

4203

5133

6057

6935

7837

8713

9592

78498 664579 5761455 50847534 455052511

Densité d'un ensemble de nombres entiers, densité asymptotique : 

Lorsque P est un ensemble de nombres entiers, notons c le cardinal de l'ensemble des éléments x de P, a ≤ x ≤ b, a et b entiers. La densité de P sur l'intervalle [a,b] de N est le rapport d = c/(b - a). Généralement, on s'intéresse aux densités sur [a,b] = [1,n], n entier, la densité est alors c/n.

Lorsque [a,b] = [1,n], cn désignant le cardinal de l'ensemble des éléments de P inférieurs à n, la densité asymptotique de P est la limite du rapport cn/n lorsque n tend vers l'infini.

En guise de conclusion de cette page

Les méthodes d'investigation purement arithmétiques (science du nombre, du grec arithmos = nombre) en théorie des nombres ne suffisent plus aujourd'hui au regard de la complexité des sujets étudiés. On l'a vu en particulier avec la preuve par Wiles, en 1995, du fameux théorème de Fermat. Comme on le voit ci-dessus, l'entrée de l'analyse, tant réelle que complexe, dans l'arithmétique est particulièrement spectaculaire. On la retrouve également dans les méthodes d'approximation diophantienne pour la résolution d'équations en nombres entiers. On considère que Dirichlet, qui succéda à Gauss à Göttingen, est le fondateur de cette branche moderne et féconde de la théorie des nombres.

Pour les mathématiciens grecs, l'arithmétique fut l'étude des entiers et des rationnels (fractions) en rapport avec la géométrie (voyez, par exemple, Nicomaque). Depuis plus de 400 ans, les nombres premiers sont des stars incontestés et on est loin d'avoir percé tous les secrets de leur beauté.

Outre l'aspect purement mathématique, avec la volonté de résoudre des problèmes anciens non résolus de la théorie additive des nombre (comme Goldbach, par exemple),  les mathématiciens ont trouvé un nouveau champ d'application dans la cryptographie, on parle même aujourd'hui de cryptologie. Autrefois utilisée par les seuls militaires ou gouvernements, cette "science" nouvelle voit son application dans les problèmes de confidentialité; liés aux télécommunications et à l'Internet en particulier.

Cryptographie et cryptogramme : »

Aujourd'hui, avec l'aide du calcul différentiel et intégral, des séries, des fonctions analytiques (développables en série), de l'analyse complexe et harmonique, on parle de théorie analytique des nombres. Le lecteur pourra comparer les différentes éditions du Que sais-je n°571, Les nombres premiers, rédigés par Émile Borel en 1953, Jean Itard en 1969 et Gérald Tenenbaum & Michel Mendes-France en 1997 où l'immixtion de l'analyse réelle et complexe est respectivement quasiment nulle, peu présente, omniprésente...


Vidéo YouTube : Les nombres premiers (chaîne Le Monde est-il mathématique ?)


  Pour en savoir plus :

  1. Distribution des nombres premiers et fonction ζ(s) par Hubert Delange (séminaire Delange-Pisot-Poitou) :
    http://archive.numdam.org/item/SDPP_1959-1960__1__A1_0

  2. Répartition des nombres premiers par J.-L. Nicolas, Séminaire Delange-Pisot-Poitou :
    http://archive.numdam.org/item/SDPP_1967-1968__9_2_A12_0

  3. Les Nombres premiers, par Gérald Tenenbaum, Michel Mendès-France, Que Sais-je n°571, Ed. PUF.  
    Cette édition 1997, de niveau universitaire, étudie la distribution des nombres premiers au moyen de l'analyse réelle et complexe.

  4. Introductory Number Theory, par Michael Stoll (univ. Bayreuth), congruences, nombres premiers, cryptologie ... :
    http://www.mathe2.uni-bayreuth.de/stoll/lecture-notes/IntroductoryNumberTheory.pdf

  5. Théorème des restes chinois, une page très intéressante et bien documentée sur wikipedia :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Théorème_des_restes_chinois#Dans_les_anneaux_Z/nZ

  6. Résidus quadratiques et réciprocité quadratique :
    a) Les nombres premiers, par Émile borel, Que-sais-je? n°571 - Paris, 1953.
    b) Arithmétique et théorie des nombres, par Jean Itard, Que-sais-je? n°1093 - Paris, 1963.

  7. a) Lois de réciprocité par Cyril Banderier, univ. Paris 13, 1996-97 : https://lipn.univ-paris13.fr/~banderier/Recipro/index.html
    b) Cours d'Emmanuel Fricain (univ. Lille1) : http://math.univ-lille1.fr/~fricain/M1-ARITHMETIQUE/chap3.pdf
    c) Theory of Numbers de R. Carmichael : https://archive.org/stream/cu31924063439008#page/n61/mode/2up/search/quadratic
    d) Loi de réciprocité biquadratique, par Romain Bénabé, Institut Joseph Fourier, Grenoble (2021) :
     
    https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~m1maths/fichiers/TER21Menabe_Garrotta_Biquadratique.pdf

  8. Théorie analytique des nombres, par Michel Waldschmidt (univ. Paris VI), 2008.
    http://www.math.jussieu.fr/~miw/articles/pdf/TdN2008fasc8.pdf

  9. Exercices & problèmes, congruences, permutations (niveau licence) avec corrections (pour certains), par A. Chambert-Loir (univ. Paris 7) :
    http://webusers.imj-prg.fr/~antoine.chambert-loir/enseignement/2005-06/a2/index.xhtml
    http://webusers.imj-prg.fr/~antoine.chambert-loir/enseignement/2005-06/a2/td5.pdf

  10. Conjecture de Legendre : http://www.mathpages.com/home/kmath032.htm

  11. a) Fonction logarithme intégral : Théorie et tables d'une nouvelle fonction transcendante, par Johann von Soldner (1809), en français :
    Théorie : https://books.google.fr/books?id=g4Q_AAAAcAAJ&pg=PA1#v=onepage&q&f=false
    Tables : https://books.google.fr/books?id=g4Q_AAAAcAAJ&pg=PA41#v=onepage&q&f=false
    b) Tables de valeurs de la fonction logarithme intégral sur le site MyMathsTables :
    https://www.mymathtables.com/numbers/integrals/logarithmic-integral-li(x)-table.html
    c) Adnotationes as calculum integralem Euleri (≃ Remarques concernant le calcul intégral de Euler), par L. Mascheroni :
    https://books.google.fr/books?id=XkgDAAAAQAAJ&pg=RA1-PA17&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false

  12. a) Des nombres premiers à la conjecture de Riemann, par Jean Mahwin (univ. cath. de Louvain) :
    https://www.persee.fr/doc/barb_0001-4141_2006_num_17_1_28520
    b) ABRÉGÉ D'HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES (1700-1900), Nombres premiers, ch. VI, par W. J. & F. Ellison
    Ouvrage collectif sous la direction de Jean Dieudonné, Éd. Hermann-1992.

  13. a) Liste des π(n) , 1 ≤ n ≤ 100 000 : https://oeis.org/A000720/b000720.txt
    b) Valeurs des π(k) pour k puissance de 10 de 1 à 22 : https://oeis.org/A006880/list

  14. Sur la fonction qui détermine la totalité de nombres premiers inférieurs à une limite donnée, par M. P. Tchebychev (1848) :
    a) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k163969/f349.item
    b) ou bien https://books.google.fr/books?id=l1CgHdbAABYC&pg=PA141#v=onepage&q&f=false.

  15. Sur les nombres premiers inférieurs à une grandeur donnée, par Bernhard Riemann (1859), sur WikiSource : https://de.wikisource.org/wiki/Über_die_Anzahl_der_Primzahlen_unter_einer_gegebenen_Größe

  16. a) La fonction ζ de Riemann, par Javier Fresàn : http://jfresan.files.wordpress.com/2011/04/lecture-de-riemann.pdf
    b) La fonction zêta de Riemann, par Arnaud Dhallewyn (univ. Lille, 2013) : https://vixra.org/pdf/1406.0088v1.pdf

  17. Revue La Recherche, spécial Nombres, n°278, juillet/Août 1995 - Article de Henri Cohen, page 760-765.

  18. Les Cahiers de Science & Vie, juin 2000 - Dossier : l'origine des nombres.

  19. La distribution des nombres premiers, un article de Michel Mendes-France (Cahiers de Sciences & Vie, juin 2000) :
    https://www.association-assq.qc.ca/wordpress/wp-content/uploads/2014/10/La-distribution-des-nombres-premiers1.pdf

  20. Le livre des nombres, par J. H. Conway et R. K. Guy, Éd. Eyrolles - 1998.
    Traduit de l'édition originale The Book of Numbers (Éd. Springer-Verlag, New York - 1996).

  21. A history of the prime number theorem par L. J. Goldstein (univ. Maryland) :
    https://www.jstor.org/stable/2319162?read-now=1&seq=1#page_scan_tab_contents

  22. L'Univers mathématique par Philip J. Davis & Reuben Hersh, Éd. Gauthier-Villars - 1990

  23. Concours commun Mines-Ponts (épreuve d'informatique 2019) "Autour des nombres premiers", étude de la fonction li :
    https://www.faidherbe.org/~informatique/pdf/ic2/ds2_mp.pdf


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