ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

RUSSELL Bertrand Arthur, anglais, 1872-1970

Comte de Kingston, troisième du nom, philosophe, sociologue et logicien, prix Nobel de littérature 1950, Bertrand Russel, orphelin dès l'âge de 4 ans, fut éduqué par ses grands-parents et des enseignants privés avant d'intégrer (1890) le Trinity College de Cambridge où il fit de brillantes études supérieures. Il fut en particulier l'élève de Whitehead qui dirigea sa thèse, une première version de ce qui sera son An essay on the foundations of geometry (1895/1897, » réf.1).

Dès lors membre (fellow) du Trinity College, Russel voyage en Europe et aux États-Unis. En France, il rencontre Peano au second Congrès International des Mathématiciens qui se tenait à Paris en 1900. Sa voie entre logique mathématique et métaphysique est désormais tracée. Il publie cette année là A critical exposition of the philosophy of Leibniz puis The Principles of Mathematics (1903).

Suite aux travaux de Frege et de Peano concernant la logique mathématique et aux contradictions inhérentes à la théorie des ensembles de Cantor, Russel publie ses Principia mathematica (1910) en collaboration avec Whitehead où il tente de définir un système logique cohérent et universel et de résoudre les problèmes liés à la distinction entre classe d'objets (due à Zermelo) et ensemble (dû à Cantor). Mais c'est en en utilisant le système de Russel que Gödel prouve (1931) son célèbre théorème d'incomplétude...

En cette année 1910, Russel est nommé professeur de philosophie et de logique au Trinity College. Il avait été élu à la Royal Society deux ans auparavant. La suite de sa longue carrière fut un  peu compliquée par son engagement politique actif et sa vie conjugale (non moins active : quatre mariages...). Quoi qu'il en fut, Bertrand Russel reste un des plus grands logiciens du 20è siècle. En 1932, il fut récipiendaire de la médaille De Morgan de la London Mathematical society.

Les premiers paradoxes de la théorie des ensembles :

Dans la théorie élémentaire (dite parfois "naïve") des ensembles, écrire x∈x n'a pas de "sens" car un ensemble doit être distingué des éléments qui le constituent.

Ainsi, on apprenait aux élèves, dans les années 1970, qu'il fallait écrire x∈{x}. Cette dernière écriture désignant le singleton x : ensemble réduit à un seul élément. Considérons l'ensemble qui serait constitué de tous les ensembles imaginables. Posons-nous la question :

l'ensemble de tous les ensembles est-il un ensemble ?

Si X désigne un tel ensemble, on devrait avoir X∈X . Ce qui est assez gênant : Cantor s'en aperçut en 1899. Soit alors W défini comme étant :

l'ensemble de tous les ensembles qui n'appartiennent pas à eux-mêmes

Si W∈W, alors W appartient à lui-même : pas possible. Si W∉W, il n'est pas dans l'ensemble des ensembles qui n'appartiennent pas à eux-mêmes, donc il devrait appartenir à W... Dur !!!

Paradoxe de Boll/Reinhart (source 2), un problème d'appartenance, semblable à ci-dessus, mais plus concret : Si dans un village, un barbier déclare raser la barbe de tous ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes (et seulement ceux-là). Le barbier se rase-t-il lui même ?

   

Paradoxe de Russel/Burali-Forti (source 2), toujours dans le même esprit : un bibliothécaire qui classait des annuaires s'aperçut que certains se mentionnaient eux-mêmes et d'autres pas. Il se mit en tête de créer deux nouveaux annuaires : Ann1 → qui se mentionnent eux-mêmes, Ann2 → qui ne se mentionnent pas eux-mêmes. En feuilletant Ann2, il se demanda où cet annuaire devait se mentionner ?...    Rép. : cliquez-moi

En  logique, comme en théorie des ensembles ou des probabilités, on doit travailler dans un système de référence (univers des possibles). Un cas simple illustrant cette nécessité est la négation (partie complémentaire au sens des ensembles). Dans ces paradoxes, ce n'est pas la logique qui est en cause mais le problème qui est mal posé contenant à sa source des incohérences eu égard à un concept d'ensemble trop vaste et malmené !

Le barbier, en sa qualité de barbier, ne doit pas faire partie du référentiel permettant de discriminer ceux qui se rasent et ceux qui ne se rasent pas car il fait partie des deux catégories. Quant au bibliothécaire, c'est le même type de confusion, il crée deux annuaires étrangers à la bibliothèque, ces annuaires ne font pas partie du référentiel où s'expriment les lois logiques qui les gèrent. C'est justement Russel qui disait « les mathématiques sont la seule science où  l'on ne sait jamais de quoi on parle »...

Nombres cardinaux de Cantor : »

Axiomes de la logique selon Russel et Whitehead :

Pour Russel et Whitehead, la solution à ces phénomènes contradictoires est l'axiomatisation des mathématiques : on met tout à plat et on repart à zéro... La logique est reconstruite sur des postulats (axiomes) et doit pouvoir permettre la reconstruction de toutes les mathématiques : c'est ce que l'on appela le logicisme.

Cette logique est basée sur 4 tautologies posées comme postulats et sur le seul emploi du ou (disjonction) et de la négation notée ici non. P, Q et R désignant des propositions :

  1. non(P ou P) ou P

  2. nonP ou (P ou Q)

  3. non(P ou Q) ou (Q ou P)

  4. non(nonP ou Q) ou (non(R ou P) ou (R ou Q))

» Dans les Principia, Russel et Whitehead utilisent ~P pour désigner la négation de P, PQ pour exprimer le 'ou' logique et P ≡ Q pour exprimer l'équivalence logique. Bizarrement, ils n'utilisèrent alors pas le ∧ pour le 'et' logique (conjonction).

Russell développe la théorie des types permettant d'instaurer une hiérarchie dans le langage ensembliste et de définir le concept de classe afin d'éliminer les paradoxes de la théorie des ensembles.

Ces premiers travaux d'axiomatisation, confortant le formalisme hilbertien, seront complétés par ceux de Zermelo, Fraenkel, Bernays.

L'axiomatique de la théorie des ensembles selon Zermelo-Fraenkel :  »

Un point final, calmant enfin les esprits, sera placé par Gödel et Cohen avec la "découverte" des propositions indécidables, après 64 ans d'incertitude sur le devenir des mathématiques : 1899-1963.

La logique selon Frege :  »          selon Hilbert & Ackermann :  »          selon Peirce & Sheffer : »


   Pour en savoir plus :

  1. An essay on the foundations of geometry, Bertrand Russel (Cambridge, 1897) sur archive.org : 
    https://archive.org/stream/117723764#page/n9/mode/2up
  2. Théorie des ensembles, E. Kamke, Dunod - Paris, 1964.
  3. Histoire d'algorithmes : Du caillou à la puce, par une équipe d'enseignants (IREM, IUFM, CNRS).
    Éd. Belin - Collection Regards sur la science - 1993
  4. LES ÉTAPES DE LA LOGIQUE, Marcel Boll et Jacques Reinhart, Presses Universitaires de France, Que sais-je? n°225 - 1954.
  5. Logique mathématique (tome 1 : théorèmes de complétude, tome 2 :  théorème de Gödel)
    par René Cori et Daniel Lascar. Éd. Dunod, Paris, 2003.
  6. Les fondements des mathématiques, Dr F. Gonseth, De la géométrie d'Euclide à la relativité générale et à l'intuitionnisme.
    Libraire scientifique et technique Ed. A. Blanchard, Paris - 1926/1974.
  7. ABRÉGÉ D'HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES, 1700-1900, Jean Dieudonné et une équipe de mathématiciens, Éd. Hermann - 1978,1992.

Zermelo  Caratheodory
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