![]() |
Né
à Cambridge où il obtient son doctorat en 1976, Wiles étudia
préalablement à Oxford dont il fut diplômé en 1974 et soutint sa thèse de
doctorat portant sur les courbes elliptiques (Reciprocity laws and conjecture
of Birch-Swinnerton-Dyer, 1979,
»
réf.1) à Cambridge. Après des séjours
d'enseignant chercher à Harvard (USA) et en France (IHES),
Wiles obtient un poste d'assistant en la célèbre université de Princeton aux
États-Unis (1982) et obtiendra une chaire en 1994.
i Birch Bryan John (1931-), mathématicien anglais, professeur honoraire à l'université d'Oxford; ses travaux portèrent sur les courbes elliptiques et la K-théorie. Peter Swinnerton-Dyer (1927-2018), mathématicien anglais spécialiste en théorie algébrique des nombres; il fut professeur à l'université de Cambridge. Concernant les biographies de ces deux mathématiciens, on pourra consulter la page consacrée à Landon Th. Clay et ses 7 problèmes du 21è siècle.
En 1986, Wiles cherchait à prouver la conjecture de Taniyama-Shimura-Weil, relative au lien très étroit, que l'on croyait jusqu'alors inexistant, entre fonctions elliptiques et formes modulaires (» réf.6) via les fonctions L de Hasse-Weil. En résumant à l'extrême :
Toute fonction elliptique à coefficients rationnels peut être identifiée à une forme modulaire
Ce sujet très ardu de géométrie algébrique est lié à la recherche de l'existence de points à coordonnées entières sur une courbe elliptique. Historiquement, la recherche de points à coordonnées rationnelles sur une courbe ou une surface fut à la base du développement de la géométrie algébrique initiée par Chasles et développée à la fin du 19è par l'École italienne avec Véronèse et Castelnuovo.
» Max Noether , Mordell , Zariski , Samuel , Scholze
La preuve du célébrissime "grand" théorème de Fermat : |
C'est ainsi que Wiles s'attaque au fameux grand théorème de Fermat que ce dernier disait avoir démontré, sans avoir laissé trace de sa démonstration. Par exemple, si l'équation de Fermat an + bn = cn possède une solution non triviale pour n >2, alors la cubique d'équation y2 = x(x - an)(x - bn) ne vérifie pas la conjecture évoquée ci-dessus.
Taniyama émit sa conjecture en 1955. Elle fut complétée et étudiée par son ami Shimura. Le mathématicien André Weil l'étudia et l'adopta en 1966 tout en la complétant également, ce qui la fit connaître en Europe.
Andrew Wiles lors de son exposé
sur le théorème de Fermat (1993),
Photo Pr Peter Goddard/Science Photo Library, Science & Vie n° 911,
août 1993.
➔ C'est le 23 juin 1993, au cours d'un congrès dans sa ville natale, à l'Institut Newton, que Wiles, faisant usage de la théorie des groupes de Galois, la démontra partiellement. Cette preuve incomplète permettait cependant de conclure quant à la conjecture de Fermat. Wiles inscrivit alors au tableau, en corollaire, le théorème de Fermat que l'on peut nommer désormais théorème de Fermat-Wiles.
La conjecture de Taniyama-Shimura-Weil fut entièrement démontrée en 1999 avec l'aide de Richard Taylor (1962-, ancien étudiant de Wiles, professeur à l'université de Harvard), le français Christophe Breuil (1969-, IHES) et les américains Brian Conrad (1970-, université de Stanford) et Fred Diamond (1964-, ancien étudiant de Wiles, King's College).
i Une décennie plus tôt, en 1988, un mathématicien japonais, Y. Miyaoka, avait apporté une "preuve" faisant également appel à la géométrie algébrique mais qui s'avéra fausse après quelques mois de vérification.
i Richard Lawrence Taylor (1962-) : mathématicien américain d'origine anglaise qui étudia à l'université de Cambridge (Angleterre), sa ville natale, puis à l'université de Princeton où il rencontre Andrew Wiles qui sera son directeur de thèse intitulée congruences between modular form (1988, » réf.10). Principalement professeur à Cambridge (1989-95) et à Harvard (2002-2012), récipiendaire de prix prestigieux (prix Whitehead 1990, prix Fermat 2001, prix Cole 2002, prix Shaw 2007 avec Robert Langlands, Clay Research Award 2007), Richard Taylor poursuit sa brillante carrière en théorie algébrique des nombres à l'Institute for Advanced Study de Princeton. Il est membre de la Royal Society depuis 1995 et de l'AMS depuis 201 (source : autobiographie sur le site du prix Shaw, 2007, homepage : http://www.math.ias.edu/~rtaylor/).
On savait à la même époque, grâce aux travaux de Jean-Pierre Serre et du mathématicien américain Kenneth Ribet, que la preuve de la conjecture de Taniyama entraînerait celle de Fermat : en partant d'une solution supposée xn + yn = zn en nombres entiers ou rationnels, avec n premier, on construit une courbe elliptique non modulaire tombant donc une contradiction avec la conjecture de Taniyama selon laquelle toute courbe elliptique sur Q est modulaire.
Afin de s'assurer de la justesse du raisonnement,
il fallut relire attentivement environ 200 belles pages
d'exposé. Certaines rumeurs, dès décembre 1993, laissèrent planer un doute
jusqu'en 1996 sur un point de la démonstration, mais il apparaît
aujourd'hui que la conjecture de Fermat, souvent appelé (sans
preuve...) dernier théorème de Fermat,
aujourd'hui
théorème de
Fermat-Wiles ait fini de résister
après plus de 350 ans de recherche.
De plus, les moyens et résultats intermédiaires mis en œuvre pour la démonstration permettent d'envisager la solution de nombreux problèmes mathématiques ouverts jusqu'alors.
Wiles reçut, en récompense de ce brillant résultat, le prix Fermat (bien sûr!) de l'université Paul Sabatier de Toulouse (20 000 euros), le prix Ostrowski (1995), le prix Wolf (1996) de 100 000 dollars, le prix du Clay Mathematics Institute (1999), année où il apportait la preuve complète de la conjecture de Taniyama, le prix Shaw en 2005 et...
Le prix Abel 2016, un peu tard à mon
sens (20 ans après...) car les motivations officielles invoquées sont :
"pour sa preuve éblouissante du dernier théorème de Fermat au moyen de la conjecture de modularité des courbes elliptiques semi-stables ouvrant une nouvelle ère en théorie des nombres".
Mais, bon, environ 730 000 euros (6 000 000 de couronnes norvégiennes), même un peu tard, c'est bien... L'année suivante, il recevait la médaille Copley de la Royal Society en principe réservée aux physiciens et biologistes. Et, plus tard encore, en 2019, la médaille De Morgan de la London Mathematical Society.
Avant sa fulgurante notoriété, il avait reçu le prix Whitehead 1988 de la Société Mathématique de Londres pour ses résultats innovants dans le domaine des courbes elliptiques. Il fut anobli par la reine Elisabeth II en l'an 2000, plus prompte donc (16 ans plus tôt) à reconnaître les siens...
7 problèmes à 1 million de dollars et Clay Mathematics Institute : » » Langlands
➔ Pour en savoir plus :
a/ Science &
Vie, août 1993 :
Théorème de Fermat, le Graal des maths, par Renaud de la Taille.
b1/ Pour la Science, janvier 1996 : De Diophante à Fermat
par Christian Houzel.
b2 Fermat enfin démontré par Yves Hellegouarch.
c/ Revue Quadrature : n°22, été 95 :
Grand
théorème de Fermat.
Algèbre des fonction elliptiques, Géométrie des ovales cartésiennes, par Évelyne Barbin & René Guitard, univ. Paris7), 2001 : http://archive.numdam.org/article/RHM_2001__7_2_161_0.pdf
Représentations galoisiennes et théorème de Fermat,
article de Bas Edixhoven (2012) sur le site Images des mathématiques
:
https://images.math.cnrs.fr/Representations-galoisiennes-et.html
i
Bas
Edixhoven (1962-2022) est un mathématicien
hollandais spécialiste en géométrie algébrique et théorie des nombres (»
in memoriam)