![]() » la notion de sous-groupe distingué , extension galoisienne d'un corps |
Né à Bourg la Reine (au
sud de Paris, fils d'un notable
(*)
de la ville. Evariste fit des études secondaires à Paris au lycée
Louis-le-Grand (dit Collège à l'époque) relativement brillantes mais en "dents
de scie" de par son caractère tempétueux et
indiscipliné...
(*) Nicolas Gabriel Galois, qui fut maire de Bourg la Reine de 1815 à 1829, meurt tragiquement cette année là : il se suicida suite à des calomnies répandues par le curé de la ville.
Son intérêt et son génie pour les mathématiques n'apparaît qu'à 15 ans. à 16 ans, son caractère rebelle lui vaut un premier échec à l'entrée de l'École Polytechnique. Second échec l'année suivante. La passion de Galois pour les problèmes algébriques s'exprime déjà en 1829 (il a 18 ans) : il publie dans le journal de Gergonne un joli théorème relatif aux solutions développables en fraction continue périodique d'une équation algébrique, c'est à dire du type polynomial p(x) = 0 (» réf.2). Il se présente alors à l'École normale (1829). Admis, il en est exclu deux ans plus tard (1831) à la suite d'un différend avec le directeur, qu'il juge réactionnaire, auquel il opposait ses idées républicaines (la France venait de sortir de la révolution de juillet 1830 qui chassa Charles X mais conforta la royauté avec l'avènement de Louis-Philippe, duc d'Orléans).
Au-delà du 4ème degré, la résolution générale des équations algébriques reste un problème ouvert. Abel avait montré que pour le degré 5, la résolution par radicaux, comme dans le cas du second degré, du troisième avec la formule de Cardan-Tartaglia, et du 4ème, à la manière de Ferrari qui se ramène au degré 3). En cette année 1929, qui aurait pu être féconde pour le jeune Évariste, trois mémoires sur le sujet, basé sur le nouveau concept de groupe, sont présentés à l'Académie des sciences. Cauchy les transmet à Fourier qui les ignore. Ce dernier meurt en 1830, Cauchy quitte Paris pour Turin en incitant Galois à rédiger ses travaux avec plus de soin en vue du Grand prix des mathématiques de l'Académie.
Les travaux novateurs de Galois furent perdus. à sa sortie de l'École normale (1831), Galois présente un nouveau mémoire intitulé Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux. Trop novateur sans doute, et peut-être un peu brouillon, il est incompris par Poisson : le mémoire est refusé par l'Académie des sciences de Paris.
Républicain engagé et bouillonnant s'opposant farouchement à la monarchie de juillet, Galois multipliait des séjours en prison (en la tristement célèbre Sainte-Pélagie) dont un avec le jeune poète Gérard de Nerval. Il en sortit malade quelques mois avant sa mort. Épris d'une "infâme coquette", selon ses termes, il dut accepter une provocation en duel où il trouva la mort. La nuit précédent le duel, il écrit son testament mathématique qu'il confia, avec divers autres manuscrits, à son ami Auguste Chevalier (» réf.2) le priant de le transmettre à Jacobi ou Gauss.
Ce n'est qu'en 1843, grace aux efforts de son ami et de son frère Alfred que les travaux de Galois sont reconnus, transmis et complétés par Liouville (1846) à l'Académie des Sciences, mais c'est Jordan, en 1870, qui les fera vraiment connaître à travers son traité d'algèbre.
Théorème de Galois : |
La théorie de Galois est basée sur
l'étude des groupes
de substitutions (plutôt
appelées aujourd'hui
permutations,
le terme
substitution
persiste pour les ensembles finis) entamée par
Cauchy.
Son but était d'apporter une réponse définitive
au problème de la résolution des équations
algébriques par radicaux sur lequel les plus grands
mathématiciens se heurtaient jusqu'alors malgré
l'avancée spectaculaire d'Abel
sur le sujet.
Une équation
algébrique dont le degré est premier est
résoluble par radicaux si et seulement si
chacune de
ses racines peut s'écrire comme fonction rationnelle de
deux autres.
Sous-groupe distingué (également dit sous-groupe normal) :
Galois introduisit la notion de sous-groupe distingué : un sous-groupe H d'un groupe (G,*) est ainsi dénommé si pour tout x de G et pour tout h de H, le produit x*h*x-1 est élément de H.
On note souvent H
G pour signifier que
H est distingué dans G (notation
= Δ renversé à gauche).
Le centre d'un groupe G est un sous-groupe distingué de G; c'est le cas des homothéties vectorielles du groupe linéaire GL(E).
∗∗∗
Soit (G,*) un groupe d'élément neutre e, prouver que l'image par un
homomorphisme h d'un sous-groupe
distingué de G est un sous-groupe distingué
de h(G).
☼
➔ Conséquence
: G1 et G2 sont deux groupes et h un
homomorphisme surjectif de G1 dans G2, alors l'image
d'un sous-groupe distingué de G1 est un sous-groupe distingué de G2. (»
transfert de structure)
Pour tout x de G, si on note :
xH l'ensemble (classe à gauche) des éléments de G de la forme x*h avec h élément de H;
Hx l'ensemble (classe à droite) des éléments de G de la forme h*x avec h élément de H;
xHx-1 l'ensemble des éléments de G de la forme x*h*x-1 avec h élément de H.
Par définition, H
G
⇔ x
H
x-1
⊂ H
pour tout x de G. Or, H
⊂ x
H
x-1.
En effet, si h∈H, on
aura :
h∈xH
x-1
⇔
∃ h'∈H
/ h = x*h'*x-1
⇔
∃ h'∈H
/ h' = x-1*h*x
Vu que H
G, h' = x-1*h*x
est effectivement élément de H. Ainsi, on peut également dire :
H
G si et seulement si
pour tout x de G : xHx-1
= H ou encore, xH = Hx
C'est dire que les classes à gauches sont aussi les classes à droite. On pourra enfin exprimer que H est invariant par tout automorphisme de G de la forme Ig : x → g*x*g-1, g ∈G. On parle d'automorphisme intérieur.
Homomorphismes de structures algébriques : »
L'image homomorphe h(G) d'un groupe G est un groupe. Comme pour les applications linéaires, on appelle noyau de l'homomorphisme h l'image réciproque h-1(n) de l'élément neutre n de h(G). On vérifiera sans peine que c'est un sous-groupe de G
Théorème :
Les sous-groupes distingués d'un groupe G sont les noyaux des homomorphisme de G
Preuve : La preuve de cet important résultat demande des développements préalables (groupes quotients en particulier). On pourra consulter les réf.5 précisées in fine.
∗∗∗
a) Vérifier que Ig défini ci-dessus est effectivement un
automorphisme :
bijection de G telle que Ig (x*y) = Ig
(x)*Ig (y).
b)
Vérifier que si h est un sous-groupe de G, Ig(H) = H
⇔ H distingué
dans G.
Que peut-on dire de Ig*g' ?
c) Prouver que l'ensemble A des
automorphismes intérieurs d'un groupe G est un groupe isomorphe au groupe
quotient G/C où C désigne le
centre de G.
Rép. : ici
➔ Noter que si G est commutatif (groupe abélien), alors tout sous-groupe de G est distingué dans G.
Exemples fondamentaux :
En géométrie :
- Les
déplacements du plan, constitués des translations et des rotations, est un
groupe (non commutatif) pour la loi de composition des applications. Les
translations en constituent un sous-groupe distingué
(voyez cet exercice).
- Le groupe HT(ε)
des homothéties-translations est un sous-groupe distingué
du groupe affine GA(ε).
En algèbre : An (groupe alterné) est un sous groupe distingué de Sn, groupe des permutations (de n éléments), également appelé groupe symétrique (Galois parlait de substitutions).
Groupes de permutations, groupe alterné : » Groupe quotient d'un groupe par un sous-groupe distingué : »
Un groupe peut ne posséder aucun sous-groupe distingué autre que lui-même (et le sous-groupe trivial réduit à l'élément neutre) :
Galois prouve alors élégamment l'impossibilité de résoudre par radicaux les équations de degré supérieur ou égal à 5 (hormis bien évidemment les cas triviaux), complétant ainsi les travaux d'Abel.
Les permutations d'un ensemble de cardinal fini n sont les bijections de cet ensemble dans lui-même. Elles sont au nombre de n! (factorielle n) et constituent un groupe pour la loi de composition des applications, dit groupe symétrique, généralement noté Sn.
Groupe de Galois : » groupe de Galois d'une extension de corps |
Selon le théorème fondamental de l'algèbre (souvent appelé théorème de d'Alembert) une équation algébrique E de degré n admet n racines réelles ou complexes, distinctes ou non. Vandermonde, Lagrange et Cauchy avaient déjà perçu le rôle des relations symétriques des racines d'une équation algébrique dans la recherche d'un algorithme de résolution par radicaux : on note que ces relations, considérées comme des fonctions des racines x1, x2, ..., xn , sont des fonctions polynomiales rationnelles de la forme P(x1, x2, ..., xn) = 0, quelles que soient les racines de E (rationnelles ou non, complexes ou non) et que toute permutation des racines laisse invariantes ces relations.
Mais il existe, entre les racines, d'autres fonctions rationnelles (non nécessairement symétriques) du type P(x1, x2, ..., xn) = 0. Galois établit que :
L'ensemble des permutations laissant invariantes toutes les fonctions polynomiales rationnelles des racines d'une équation algébrique E de degré n, est un sous-groupe de Sn, appelé groupe de l'équation, dénomination due à Galois. On parle aujourd'hui du groupe de Galois de E. à distinguer du groupe de Galois d'une extension défini ci-après.
Si l'équation générale de degré n est résoluble par radicaux, alors le groupe de l'équation admet une chaîne particulière de sous-groupes distingués de G : on parle depuis Artin de groupe résoluble.
L'impossibilité de résoudre par radicaux (dans le cas général) les équations de degré supérieur ou égal à 5, repose sur le fait que Sn n'est pas résoluble pour n > 4. On pourra lire avec profit les pages très pédagogiques de A. Dahan-Dlmedico et J. Peiffer dans leur Histoire des mathématiques routes et dédales (» réf.2) et celles d'Alain Connes dans Évariste Galois et la théorie de l'ambiguïté (» réf.9).
Artin et le groupe résoluble S3 : »
Extensions galoisiennes, une
conférence de Jean-Pierre Serre (vidéo IHP sur
YouTube)
Corps de décomposition d'une équation algébrique, polynôme séparable : |
Historiquement, le corps de décomposition (ou de dislocation ou de rupture, ou encore, improprement, corps des racines) d'une équation algébrique E, est le plus petit corps (au sens de l'inclusion) contenant le corps Q des rationnels et toutes les solutions de E.
Plus généralement, si P est un élément de l'anneau K[x] des polynômes à coefficients dans un corps commutatif K, on appelle corps de décomposition de P le plus petit surcorps L de K contenant l'ensemble des racines x1, x2, ..., xn de P permettant sa factorisation en facteurs linéaires (binômes du premier degré). C'est une extension algébrique finie de K, souvent notée K(x1, x2, ..., xn).
Tout élément P de Q[x], polynôme à coefficients rationnels dont le degré au moins égal à 2 se décompose en produit de facteurs irréductibles n'admettant dans C que des racines simples (aucune racine double ou multiple). P est dit séparable.
Plus généralement, soit P est un élément de l'anneau K[x] de degré > 1 et L son corps de décomposition. P est dit séparable si ses facteurs irréductibles dans K n'admettent que des racines simples dans L et s'il en est de même de tout polynôme de K[x], le corps K est dit parfait.
Q, R et C sont parfaits ainsi que tout corps de caractéristique nulle.
➔ Si le polynôme P admet au moins une racine multiple α d'ordre k, il s'écrit sous la forme P(x) = (x - α)kQ(x). Le polynôme dérivé est alors P'(x) = k(x - α)k-1Q(x) + (x - α)kQ'(x) et α est une racine de P' d'ordre k-1. On a alors ce résultat pratique :
α est racine simple de P si et seulement si α n'annule pas son polynôme dérivé P'.
On peut alors énoncer :
Un polynôme irréductible sur K
admettant L comme corps de décomposition et dont le polynôme dérivé
n'admet aucune racine dans L est séparable.
Ces extensions particulières de corps sont dits corps de nombres algébriques voire, simplement, corps de nombres. Leur étude et les généralisations afférentes (polynômes sur un corps K abstrait de caractéristique nulle ou non) constituent aujourd'hui la théorie de Galois (» réf. 4 à 8).
Anneaux, corps, surcorps, extension : » Corps de nombres algébriques : »
Pour l'équation x2 + 1 = 0 dans R, le corps de décomposition est le corps C(√-1) des nombres complexes, plus rigoureusement C(i), dont le principal intérêt est d'être algébriquement clos : tout polynôme de degré n s'y décompose en facteurs linéaires. En particulier x2 + 1 = (x - i)(x + i).
Pour l'équation x2 + 1 = 0 dans Q, corps des nombres rationnels, le corps de décomposition est Q(i) = {a + bi, a et b éléments de Q}, parfois appelé corps des nombres gaussiens (du nom de Gauss).
Anneaux, corps, surcorps : » » Kummer
Extension galoisienne, groupe de Galois d'une extension :
Soit L une extension algébrique du corps K. On dit que L est une extension galoisienne de K pour exprimer que le groupe des automorphismes de L laisse tout élément de K invariant (on parle de K-automorphisme). Ce groupe est appelé groupe de Galois de L.
Si ce groupe est commutatif, on dit que L est une extension galoisienne abélienne de K. On montre qu'une extension L de K est galoisienne si et seulement si elle est normale et séparable. Ces dernières propriétés nécessitent un long développement. Le lecteur intéressé par ce sujet pourra consulter en particulier les références données in fine.
La classification des extensions galoisiennes fait l'objet d'une théorie dite des corps de classes qui se développa dans la première moitié du 20è siècle après les premiers travaux de Hilbert et Kummer (» réf.9a,b,c). La théorie s'applique également au corps des nombres p-adiques, extension du corps Q des rationnels, mis en place par le mathématicien allemand Kurt Hensel en 1897 (» réf.9b).
» Emil Artin , Tate , Serre
Champ de Galois : |
En l'honneur de Galois qui les étudia implicitement, cette appellation est synonyme de corps fini. Rappelons ici que tout corps fini est commutatif (sa seconde loi est commutative) :
➔ Pour en savoir plus :