ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Fonction logarithme intégral       Fonction exponentielle intégrale
      
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Fonctions définies par une intégrale : #1 , #2

Rappel du contexte :    

Dans l'étude de la densité des nombres premiers n = 2, 3, 5, 7, 11..., et de leur raréfaction pour n grandissant, un grand nombre de mathématiciens, et non des moindres, comme Gauss, Tchebychev, Riemann et bien d'autres par la suite, ont montré ou validé que le nombre π(n) de nombres premiers inférieurs à n est asymptotiquement (c'est à dire pour n "grand") de l'ordre de n/ln(n), ln désignant le logarithme népérien de n. Plus rigoureusement :

La fonction x → li(x), introduite par Gauss dans cette étude, définie par :

 

appelée fonction logarithme intégral, depuis Johann von Soldner qui en fit une étude précise en 1809, est une très bonne approximation de π(n) pour n "suffisamment" grand. Prolongée à R+, elle est généralement notée Li :

Le logarithme intégral est ainsi la primitive nulle en 0 de sa fonction dérivée φ : x → 1/ln(x), laquelle est prolongée continument par 0 en x = 0, de par la limite infinie de ln(x) en 0. Et on peut écrire simplement :

Euler semble être le premier à l'avoir étudiée dans ses Institutiones calculi integralis de 1768. Laplace en fait usage dans sa Mécanique céleste.

 !  Lorsque x > 1, ce prolongement pose problème car l'intervalle d'intégration contient alors x = 1 qui est un point d'indéfinition (intégrale généralisée). On a alors recours à un artifice appelé valeur principale de Cauchy, étudié ci-dessous dans le cas de la fonction Li. De plus, il n'est pas possible d'exprimer Li(x) au moyen d'une combinaison finie des fonctions usuelles de l'analyse mais on peut contourner ces problèmes par un développement en série.

I - Étude x → 1/ln(x)

Le taux d'accroissement de φ en x = 0 est :

Lorsque x tend vers 0, le produit xln(x) tend également vers 0 par valeurs négatives (limite de référence). Le taux d'accroissement de φ tend donc vers -∞, ce qui indique pour la courbe représentative de φ une demi-tangente de pente infinie, donc parallèle à (Oy).

φ'(x) = (-1/x) × 1/ln2(x) < 0 pour tout x de ]0,1[ ∪ ]1, +∞[. Par conséquent, φ décroit sur chacun des deux intervalles de son ensemble de définition.


x → φ(x) = 1/ln(x), x ≥ 0

II - Étude de la valeur principale de Cauchy de la fonction Li lorsque x > 1 et expression sur [0,1[

Lorsque la variable t parcourt l'intervalle [0,x] contenant 1, elle rencontre cette valeur 1 par valeurs inférieures puis supérieures, raison pour laquelle on devrait écrire, avec h > 0, k > 0 et "petits" devant 1 :

Li(x) = limh→0 [o,1-h] dt/ln(t) + limk→0 [1+k,x] dt/ln(t)

mais le calcul montre, on le comprendra ci-après, que ces intégrales divergent. Raison pour laquelle on choisit h = k en espérant obtenir une fonction limite Li(x) bien définie sur [0,x] - {1} en misant sur l'élimination de la singularité due à une possible symétrie de part et d'autre de 1 : ci-dessous, la somme des aires algébriques coloriées en jaune de la courbe représentative de φ est susceptible de s'annuler à la limite. On écrit donc :

          » valeur principale de Cauchy

 Sur l'intervalle ]1,2] : eu égard à l'additivité de l'intégrale, on se limite au voisinage de 1 en supposant 1 < x ≤ 2. Pour tout x > 2, on pourra alors utiliser :

Li(x) = [o,2] dt/ln(t) +[2,x] dt/ln(t)

La seconde intégrale pourra être évaluée par un développement en série (» partie IV).

Revenons à la valeur principale de Cauchy :

t est élément de [0,2]; posons t = 1 + u; u = t - 1 est élément de [-1,1]. On a alors avec 0 < h << 1 :

Pour tout u de ]-1,1], on est en droit d'écrire (» développements limités) :

ln(1 + u) = u - u2/2 + u3/3 - u4/4 + u5/5 + o(u6)      » notation o de Landau

Par division polynomiale suivant les puissances croissantes, on peut obtenir le développement de 1/ln(1 + u) à l'ordre 3 : le développement ci-dessus ne possédant pas de terme constant, on le divise par u, on procède alors à la division de 1 par  1 - u/2 + u2/3 - u3/4  + u4/5 jusqu'à l'ordre 4 et on divise le résultat par u. Le calcul conduit à :

1/ln(1 + u) = 1/u + 1/2 - u/12 + u2/24 - 19u3/720 + o(u3)

D'où :

Et finalement, pour 1 < x ≤ 2, on voit là que les ln |h| s'éliminent, ce qui permet de donner un sens à Li(x), et on obtient pour h tendant vers 0 et en négligeant les o(u4) pour tout u de [0,1] :

 i  Pour info : 1/ln(1 + u) = 1/u + 1/2 - u/12 + u2/24 - 19u3/720 + 3u4/160 - 863u5/60480 + 275u6/24192 - 33953u7/3628800 + o(u7). Le développement ci-dessus à l'ordre 3 est superflu; le calcul montre que l'on peut se limiter à  ln(1 + u) = u - u2/2 + o(u2) en obtenant ln(|x - 1) + x/2, ce qui suffit pour donner un sens à la fonction Li par la VPC :

 Sur l'intervalle [0,1[ :

Sur cet intervalle t → 1/lnt est continue. Un calcul conduirait au même résultat avec les mêmes développements limités se résumant à une intégrale unique de 1/ln(1 + u) sur l'intervalle [-1,x - 1] dont les valeurs aux bornes sont déjà calculées (on "élimine" les valeurs aux bornes -h et h qui n'ont pas lieu d'être dans ce cas).

On pourrait faire plus rigoureux (et plus compliqué) en posant u = 1 - t en développant ln(1 - u), puis 1/ln(1 - u) en changeant u en -u et intégrer ensuite de 1 - x à 1.


Li(x) ≃ ln(|x - 1) + x/2 sur l'intervalle [0,2]

III - Sens de variation et calcul approché du zéro de Li :   

 On se convaincra facilement du tableau de variation de la fonction Li :

 Selon le théorème des accroissements finis, on peut écrire au voisinage de 0 :

Lorsque x tend vers 0 (par valeurs positives), ln(cx) tend vers -∞. Par suite Li(x)/x tend vers 0 : à l'origine des coordonnées, la courbe représentative de Li admet une (demi) tangente horizontale.

 Selon la VPC étudie en partie II, la limite en x = 1 est celle de ln(|x - 1|) : limx→1 Li(x) = -∞.

 Sur l'intervalle ]1,+∞[, Li croît strictement et continument de -∞ à +∞, elle admet donc un unique zéro α > 1. Appelons (C) sa courbe représentative dans un repère orthogonal. (C) est concave sur ]1,+∞[ car la dérivée seconde de Li est φ'(x) strictement négative.

Les tables de Soldner indiquent Li(1,4) ≃ - 0,144991 et Li(1,5) ≃ 0,125065 définissant deux points M et M' de la courbe (C).

  • On utilise l'équation de la tangente passant par un point M(xo,yo) : y = yo + (x - xo)y'o avec y' = 1/ln(xo), ce qui fournit y = - 0,144991 + (x - 1,4)/ln(1,4), puis x = 1,448785 en annulant y. En 1,4 l'ordonnée de M est négative; (C) étant concave, la tangente en M coupe l'axe des abscisses en x < α :  on trouve ainsi une approximation par défaut.

  • En 1,5 l'ordonnée de M' est positive; α est donc compris entre 1,4 et 1,5. (C) étant concave, Le segment [MM'] coupe  l'axe des abscisses en x > α correspondant donc à une approximation par excès. Avec les données de l'énoncé, L'équation y = ax + b de (MM') vérifie a = (- 0,144991 - 0,125065)/(-0,1) = 2,70056 et b = 0,125065 -1,5a = - 3,925775, fournissant y = 0 en x = -b/a = 1,453689.

  • En choisissant comme approximation de α la moyenne arithmétique de ces approximations, on obtient :  α ≃ 1,451 à 0,001 près. Ce zéro de la fonction Li est appelé constante de Soldner ou de Ramanujan-Soldner.


Approche de Li(x) par VPC (ordre 4 en x-1). On notera la bonne concordance avec la représentation obtenue
par le développement en série issu de celui de ex/x étudié dans la partie IV. Li(2) ≃ 1,045


Zoom au voisinage du zéro (constante de Soldner-Ramanujan) : 1,4513692346

IV - Calcul de Li(x) par développement en série :   

La fonction exponentielle usuelle x → ex admet un développement en série entière uniformément convergente :

x ∈ R, ex = 1 + x/1! + x2/2! + x3/3! + x4/4! + ... + xn/n! + ...    (» voir cette page)

D'où à une constante additive près :

      (1)

Posons u = lnx, x > 0, x ≠ 1; on a alors du = dx/x et :

Ce qui permet d'écrire :

C est une constante à déterminer.

   On peut vérifier que la série de terme général vn = (lnx)n/(n × n!) converge pour tout x non nul car le rapport vn+1/vn = lnx × n/(n + 1)2 tend vers 0 pour n infini (» règle de d'Alembert).

Par un calcul subtil, le mathématicien allemand Johann Soldner établit en 1809 que C n'est autre que γ, la constante d'Euler, soit à 10-16 près : γ = 0,5772156649015328.

Finalement :

      (2)


Li(x) : courbe obtenue avec Graphmatica en poussant le développement à l'ordre 7


La fonction zoom permet là encore d'évaluer le zéro de la fonction α ≈ 1,451
(constante de Soldner-Ramanujan)

  i  Nota

La primitive x → ex/x apparaît en sciences physiques, mécanique quantique en particulier. Elle est qualifiée de fonction exponentielle intégrale, notée Ei, et définie sur R - {0} par :

Là encore, si x > 0, on doit considérer Ei(x) en tant que valeur principale de Cauchy.

  • Le changement de x en - x conduit à :

  • On montrera facilement que Ei(x) = Li(ex) et Li(x) = Ei(lnx). Par suite :

 

  • Ei(x) = 0 ⇔ Li(ex) = 0 ⇔ ex = α, zéro de Li ⇔ x = ln(α) ≈ 0,372.

 


 
    
 

<SCRIPT LANGUAGE=JavaScript>

function Li_serie()
{
cte=0.5772156649;
with (Math)
{
x=2;n=10
x=eval(prompt("Entrez x :",x));if (x==null) {return};
n=prompt("Quel ordre n= ",n)
if (n==null) {return} else {n=eval(n)};
co_x=x;
lx=log(x);s=cte+log(lx);fac=1;
for(i=1;i<=n;i++)
{
fac=fac*i;u=pow(lx,i)/(fac*i);s=s+u
}
alert("Li("+co_x+") = "+s)
}
}
</SCRIPT>

V - Justification élémentaire de la limite de Li en x = 1 et remarque pour x infini :   

 Limite en x = 1

On décompose 1/ln(x) sous la forme :

Une primitive de x → 1/(x - 1) est x → ln|x - 1|, donc  [o,x] 1/(t - 1)dt = ln|x - 1| tend vers -∞ lorsque x tend vers 1 (par valeurs inférieures ou supérieures).

On s'intéresse désormais à la limite en x = 1 de :

En posant X = x - 1, on constate que la limite en x = 1 de f(x) est la limite en X = 0 de :

On sait qu'au voisinage de 0, ln(X+1) = X - X2/2 + o(X3); en remplaçant dans l'expression de g(X), on obtient :

f est ainsi une fonction continue bornée sur [0,1[, il en est donc de même de l'intégrale [o,x] f(t)dt lorsque tend vers 1. On a donc finalement : limx→1 Li(x) = limx→1[o,x] f(t)dt + limx→1[o,x] 1/(t - 1)dt = -∞.

 Limite en + :

On sait ou on vérifiera aisément que pour tout x > 0 on  x > lnx. En particulier si x > 1, on aura alors lnx > 0 et par suite 1/x < 1/lnx.

limx→+ Li(x) = limx→+ [0,x] dt/ln(t) = limx→+ [∫[0,2] dt/ln(t) + [2,x] dt/ln(t)]
                      = Li(2) +
limx→+ [2,x] dt/ln(t) > Li(2) + limx→+ [2,x] dt/t

Or limx→+[2,x] dt/t = limx→+(lnx - ln2) = +∞. C'est dire que limx→+ Li(x) = +∞.


Mais ce calcul n'a de sens que si on a montré ou admis l'existence de Li(x) pour tout x > 1...
Et pour cela, il faut passer par le calcul de la valeur principale de Cauchy étudiée en partie II.


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