ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
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FORTET Robert, français, 1912-1998

Photo : Laboratoire de Probabilités et Modèles Aléatoires de Paris-Jussieu.

Après des études secondaires au Prytanée militaire de la flèche (Orne), Fortet entre à l'ENS. Agrégé de mathématiques (1934), il soutiendra, sous la direction de Maurice Fréchet et Georges Valiron, une thèse (1939) sur les processus markoviens dans le cas de chaînes dénombrables (à nombre infini d'états) définies dans des espaces de Banach plus précisément intitulée Sur l'itération des substitutions algébriques linéaires à une infinité de variables et ses applications à la théorie des probabilités en chaîne (» réf.2a).

Les travaux de Fortet porteront alors sur la théorie des processus aléatoires et la théorie ergodique dans le cadre de la théorie de la mesure et de l'intégrale de Lebesgue, fondements mathématiques de la théorie moderne des probabilités, axiomatisée en 1933 par le russe Andreï Kolmogorov.

Fortet fut professeur à la faculté des sciences de Caen et de Paris ainsi qu'à l'ESPCI (École supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris), créée en 1882.

En 1960, succédant à Darmois à la Sorbonne (chaire de calcul des probabilité et physique mathématique), il mit en place et dirigea le laboratoire de probabilités de Paris-Jussieu (plus précisément, Laboratoire de Probabilités et Modèles Aléatoires, LPMA). Il fut également directeur de recherches au CNRS et élu membre correspondant de l'Académie des sciences en 1973.

Notion d'ergodicité, théorie ergodique, mécanique statistique et mouvement brownien :

Naïvement, l'ergodicité peut s'énoncer comme la propriété, pour un système mécanique donné, de converger en probabilité vers un état final indépendant de son état initial. En 1868, le physicien autrichien Ludwig Boltzmann (1844-1906) étudie et décrit le mouvement global des molécules dans les milieux gazeux (théorie cinétique des gaz) et crée quelques années plus tard (1877) la mécanique statistique, dont Maxwell, par une approche distincte, est également à la base. Aux États-Unis, ce point de vue sera développé par Gibbs. Par statistique, on veut signifier une étude rendant compte du comportement d'un grand nombre d'atomes ou molécules de même nature.

 i  Ludwig Boltzmann sur WikipédiA           »  Pauli

A l'origine de cette mécanique est la découverte (1827) du mouvement brownien (appellation est due à Paul Lévy) par le botaniste écossais Robert Brown (1773-1858) décrivant des trajectoires apparemment désordonnées des particules de pollen dans l'eau et s'interprétant aujourd'hui comme un processus markovien (sans mémoire). Il fut étudié par Norbert Wiener qui le modélisa au moyen de fonctions continues dérivables en aucun point et, plus récemment, par J.-P. Kahane (réf. 6 & 7) :

La théorie atomiste viendra à s'imposer et impliquer l'impossibilité de décrire un système physique à l'échelle microscopique par un système lagrangien d'équations différentielles en fonction du temps car il y aurait autant d'équations que de particules ! Le physicien est amené à considérer des moyennes d'observations s'interprétant comme des espérances mathématiques au sens mathématique du calcul des probabilités.

L'équation de Boltzmann, décrivant l'évolution d'un gaz raréfié, très complexe car elle contient tout à la fois des éléments d'intégration et de dérivation (équation aux dérivées partielles), est un objet d'études mathématique actuel comme le montrent les deux médaillés Fields Pierre-Louis Lions (1994) et Cédric Villani (2010).

Les médaillés Fields depuis 1936 : »           » Fields

L'hypothèse ergodique (du grec ergon = énergie, qui a aussi fourni erg) pour un système isolé (conservant son énergie), énoncée par Boltzmann en 1871 dans le cadre de sa théorie cinétique des gaz, consiste à exprimer que ces moyennes devraient converger avec le temps vers les mêmes limites que celles obtenues si on avait pu calculer les moyennes de chaque particule du système.

La notion d'entropie : »

En mathématiques, la théorie ergodique, à laquelle s'attela Poincaré dans les années 1890, étudie le comportement limite des systèmes dynamiques en recherchant des propriétés invariantes. Ses outils sont aujourd'hui la théorie de la mesure (mesure de Lebesgue, qui manqua à Poincaré dans ses premières recherches), le calcul des probabilités, les processus stochastiques, la géométrie différentielle.

On retrouve le principe ergodique en théorie des graphes (matrices de transition) et en calcul des probabilités lorsqu'on énonce par exemple la loi forte des grands nombres.

Théorème ergodique de Birkhoff : »

»  Kolmogorov , Markov , Bachelier | Yoccoz , Hairer , Werner & J.F. Le Gall , Duminil-Copin


    Pour en savoir plus :

  1. Article nécrologique à la mémoire de Robert fortet sur le site de la SMF, par Jacques Neveu et Bernard Bru (àct. 1998) :
    http://smf4.emath.fr/en/Publications/Gazette/1998/78/smf_gazette_78_84-87.pdf

  2. a) La thèse de robert Fortet sur Numdam : http://www.numdam.org/item/THESE_1939__221__1_0.pdf
    b) Autres publications de R. Fortet numérisées sur le site Numdam : http://www.numdam.org/search/Fortet-a

  3. Écrits sur les processus aléatoires (plusieurs contributions en hommage à R. Fortet) Éd. Hermès Science, Paris - 2005

  4. Processus stationnaires et de Markov, entropie, publication de R. Fortet in La cybernétique, théorie du signal et de l'information par une équipe de physiciens et mathématiciens, sous la direction de Louis de Broglie
    Éd. de la Revue d'Optique théorique et instrumentale, Paris - 1951

  5. Physique statistique, cours, exercices et problèmes corrigés, par Hung T. Diep, Coll. Ellipses, Paris - 2006

  6. Théorie des fonctions aléatoires, par A. Blanc-Lapierre et R. Fortet. Éd. Masson, Paris - 1953

André Blanc-Lapierre (1915-2001), physicien et mathématicien français qui contribua à l'introduction en physique d'un usage rigoureux des probabilités et des fonctions aléatoires. Normalien, thèse de doctorat dirigée par Robert Fortet (1945), Sur certaines fonctions aléatoires stationnaires et applications à l'étude des fluctuations dues à la structure électronique de l'électricité. Spécialiste en mécanique statistique, traitement du signal. Professeur à Alger (1950-1961). Dès 1962, la direction du laboratoire du tout nouvel accélérateur de particules d'Orsay lui fut confiée. Directeur de l'École Supérieure de l'électricité (SupElec), il lu à l'Académie des sciences en 1970. » source biographique et travaux sur le site de SupElec (aujourd'hui disparus, erreur 404...) : http://www.supelec.fr/actu/Blanc-Lapierre.PDF

  1. Le mouvement brownien et son histoire par J.-P. Kahane : http://images.math.cnrs.fr/Le-mouvement-brownien-et-son-histoire.html

  2. Simulation du mouvement brownien (animation), univ. du Mans :
    http://ressources.univ-lemans.fr/AccesLibre/UM/Pedago/physique/02/thermo/brown.html

  3. Paul Langevin, le mouvement brownien et l'apparition du bruit blanc, vidéo-conférence de J.-P. Kahane (source BnF/SMF) :
    http://smf.emath.fr/content/kahane-j-p-paul-langevin-le-mouvement-brownien-et-lapparition-du-bruit-blanc-2014

  4. Notion de théorie ergodique : http://www.univ-rouen.fr/LMRS/Vulgarisation/TE/img0.html

  5. Bases mathématiques du calcul des probabilités (dont théorie ergodique), par Jacques Neveu
    » livre éblouissant par sa rigueur, sa clarté, sa pédagogie. Préface de R. Fortet qui fut son directeur de thèse, Éd. Masson & cie - Paris, 1964.

  6. Laboratoire de probabilités et modèles aléatoires fête ses 50 ans :
    https://www.sciencesmaths-paris.fr/fr/le-lpma-fete-ses-50-ans-199.htm


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