ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Jean le Rond d'ALEMBERT, français, 1717-1783
   
   » Théorème de d'Alembert | Règle de d'Alembert | Cordes vibrantes | Encyclopédie de Diderot & d'Alembert

Enfant naturel d'un commissaire d'artillerie, abandonné sur les marches de la chapelle parisienne de Saint-Jean-Le-Rond, le futur grand philosophe, mathématicien et physicien est recueilli par un vitrier qui recevra secrètement une pension pour subvenir à l'éducation du jeune garçon qui étudiera brillamment le droit, la médecine et les mathématiques, notamment au collège Mazarin.

» Ce collège fut édifié par Colbert selon la volonté testamentaire du cardinal Mazarin, premier ministre de Louis XIII, avec la fortune léguée par ce dernier. La construction dura 25 ans et abrita sa bibliothèque qu'il avait également léguée (bibliothèque mazarine). L'établissement fut également appelé collège des Quatre-Nations car il devait, sur la volonté de Mazarin, assurer l'éducation de jeunes gens peu fortunés issus des conquêtes royales que furent le Roussillon, la Savoie italienne, la Flandre et l'Alsace. Sous la révolution, le collège devient l'Institut de France.

Suite à la publication de divers mémoires (sur le calcul intégral, sur la réfraction des corps solides), d'Alembert entre à l'Académie des sciences (1741) : il n'a que 24 ans ! Membre de l'Académie française (1754), il en sera le secrétaire perpétuel en 1772.

D'Alembert fut un savant universel : dynamique, mécanique des fluides, mécanique céleste, cordes vibrantes, théorie des vents et marées. Pour décrire ces problèmes de mécanique, devançant les Bernoulli et Euler, il introduit, dans les années 1740, les premières équations aux dérivées partielles du second ordre, en particulier celle, première du genre en 1743, régissant les oscillations d'une chaine pesante au voisinage de son point d'équilibre.

En astronomie, d'Alembert est l'auteur (1749) d'un traité sur la précession des équinoxes  (» Hipparque, At-Tusi) et l'oscillation de l'axe de rotation de la Terre, nutation, découverte par l'astronome anglais James Bradley (1693-1762). Il explique ces phénomènes par l'influence gravitationnelle de la Lune et du Soleil au moyen de la théorie de la gravitation universelle de Newton s'impliquant ainsi dans les premières études du problème des trois corps auquel il apporte une solution partielle approchée.

»  Hipparque, At-Tusi

On lui doit le célèbre principe de la quantité de mouvement, dit principe de d'Alembert dans son Traité de dynamique (1743, » réf.3), pouvant s'exprimer ainsi : La quantité de mouvement d'un corps ou d'un système de points matériels isolé est constante.
 
» La quantité de mouvement d'un point matériel de masse m, de vitesse v est  p = mv. Par isolé, on entend dont la résultante des forces extérieures agissant sur le corps (ou le système de points) est nulle.

En savoir plus sur ce sujet (université libre de Bruxelles) : »

L'Encyclopédie, Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers :

En 1751, Diderot, célèbre écrivain et philosophe français (1713-1784) fait appel à d'Alembert pour la mise en œuvre d'une encyclopédie qui sera une synthèse des connaissances philosophiques, littéraires et scientifiques de l'époque.

En savoir un peu plus, lire des extraits (sur ChronoMath) : »

Théorème fondamental de l'algèbre :

Dans l'Encyclopédie, d'Alembert écrit :

Dans une équation quelconque (à coefficients réels), les racines imaginaires, s'il y en a, sont toujours en nombre pair. Cette proposition assez mal démontrée dans les livres d'Algèbre, l'est beaucoup plus exactement dans une dissertation que j'ai imprimée au tome II. des Mém. français de l'académie de Berlin. De là il s'ensuit que dans toute équation d'un degré impair, il y a au moins une racine réelle.

Également appelé théorème de d'Alembert-Gauss, ou simplement théorème de d'Alembert, d'Alembert est le premier à avoir énoncé sous une forme complète (1746) et démontré de façon relativement convaincante ce résultat fondamental. Gauss en donnera une preuve plus rigoureuse élargie au champ complexe dans sa thèse de doctorat en 1799. Le théorème fut auparavant avancé par Viète et Girard mais sans preuve précise

Rappelons qu'on appelle zéro ou racine d'un polynôme P, un nombre a tel que P(a) = 0; c'est une solution de l'équation P(x) = 0. Au lycée, on utilise le résultat fondamental : si un polynôme P, de degré n, admet un zéro a, alors P(x) peut s'écrire P(x = (x - a) × Q(x) où Q est un polynôme de degré n - 1.

D'Alembert généralise son résultat à une équation polynomiale à coefficients réels, ce qui revient à énoncer :

Tout polynôme de degré n à coefficients réels peut s'écrire comme produit de facteurs du 1er ou du second degré

On peut aussi écrire plus joliment... :

Une équation du second degré à coefficients réels admet deux racines complexes conjuguées. Par suite :

Tout polynôme de degré n à coefficients réels admet n racines réelles ou imaginaires (éventuellement égales)

Ce théorème, qualifié de fondamental, peut s'énoncer de nos jours par cette simple assertion :

Tout polynôme de C[x] admet au moins un zéro dans C

Une preuve relativement simple du théorème de d'Alembert : »            » Rouché , Liouville

Lorsque les coefficients d'un polynôme P sont réels, les racines imaginaires des facteurs quadratiques sont conjuguées. Par exemple, le polynôme défini par P(x) = x4 - 1 peut s'écrire :

Division par x - a selon Horner : »            Division par x - a selon d'Alembert : »

Corps algébriquement clos :    

Pour exprimer que dans le corps C des nombres complexes l'équation P(x) = 0 a toutes ses racines dans C, on dit de nos jours que ce corps est algébriquement clos :

Tout polynôme de C[x], de degré au moins égal à 1, peut s'écrire sous forme d'un produit de facteurs linéaires.

La première démonstration rigoureuse de ce théorème fut établie par Gauss en 1799. Il en existe aujourd'hui de nombreuses. Aucune n'est en fait purement algébrique du fait que la construction des nombres réels est une construction analytique.

» Steinitz           Extension de corps : »            Corps de nombres algébriques : »

    On parle aussi de polynôme scindé sur un corps K pour exprimer qu'il peut s'écrire comme produit de polynômes du 1er degré (binômes du type ax + b : facteur linéaire). Avec cette définition, le théorème de d'Alembert s'exprime par :

Tout polynôme de C[x], de degré au moins égal à 1, est scindé          » polynôme irréductible    

Galois et les équations algébriques : »

________   ________

1.   En remarquant que x = ±1 est solution x4 + 2x3 - 16x2 -2x + 15 = 0, résoudre cette équation.
Rép. : quatre solutions réelles :  x =1, x = -1, x = 3, x = -5
2.   Montrer que si u est solution de 6x4 - 35x3 + 62x2 - 35x + 6 = 0, alors il en est de même de 1/u.
Résoudre alors l'équation en vérifiant que 2 en est une solution.

Rép. : quatre solutions réelles : x = 2, x = 1/2, x = 3, x = 1/3.
3.   quel est le polynôme P du 3ème degré qui s'annule en 0, -√2 et +√2 et prend la valeur 8 en x = 2.
Rép. : P(x) = 2x(x2 - 2)

Résolution de l'équation du 3ème degré : »         du 4ème degré : »

Taux d'accroissement et dérivée d'une fonction :

Non satisfait des travaux de
Newton et de Leibniz sur la notion d'infiniment petit, il définira une première notion de limite. Toutefois, R n'est pas encore construit : il faudra attendre Weierstrass pour une définition rigoureuse.

On doit ainsi à d'Alembert la définition d'un nombre dérivé au moyen de la notion naissante de limite d'une fonction en un point :

Soit  J un intervalle ouvert inclus dans l'ensemble de définition d'une fonction f de la variable x et h un nombre réel quelconque tel que [x, x + h] ⊂J. Posons Δx = (x + h) - x = h. En notations actuelles, le nombre dérivé de f au point x est la limite lorsqu'elle existe, du taux d'accroissement de la fonction f sur l'intervalle [x, x + h] lorsque h tend vers 0 :

En termes géométriques et au vu du graphique ci-dessus, le nombre dérivé de f en un point x apparaît comme la limite des coefficients directeurs des sécantes (s) = (MMh) à la courbe (C) lorsque Mh tend vers M sur (C) : les sécantes (s) tendent donc vers une droite coupant la courbe (C) en deux points confondus : il s'agit de la tangente à (C) au point M.

Nombre dérivé & tangente à une courbe en un point : »

C'est à Lagrange que l'on doit la notation f '(x) pour désigner cette limite, définissant ainsi une fonction dite fonction dérivée de f (ou simplement dérivée de f ) et à Lhuillier l'abréviation lim allégeant la rédaction des calculs d'analyse.

Une écriture équivalente du nombre dérivé en un point a d'une fonction f est :

          (fp)

   Lorsque f est dérivable en xo, la limite du rapport Δy/Δx quand Δx tend vers 0 est noté dy/dx et comme y = f(x), on écrit aussi df/dx. Ainsi f '(x) = df/dx : on parle de notation différentielle, initiée par Leibniz.

    Différentielle d'une fonction, notation différentielle df/dx : »         Calcul différentiel selon d'Alembert :»

Dérivée à gauche et à droite en un point :    

Le taux d'accroissement de f au point x = a peut ne pas avoir de limite lorsque x tend vers a mais posséder cependant une limite à gauche (resp. à droite) de a, c'est à dire lorsque x tend vers a par valeurs inférieures à a (resp. supérieures). On parle alors de nombre dérivé à gauche (resp. à droite) au point a et on peut noter :

Fonction dérivée sur un intervalle :    

Une fonction numérique f définie sur un intervalle ouvert I = ]a,b[ est dite dérivable sur I de fonction dérivée f, définie par (fp) ci-dessus, si elle est dérivable en tout point de I.

Dans le cas d'un intervalle fermé J = [a,b], la fonction f sera dite dérivable sur J si elle est dérivable sur ]a,b[, dérivable à droite en x = a et à gauche en x = b.

Toute fonction dérivable en un point est continue en ce point

Dérivée seconde, dérivée n-ème, fonction de classe Cn :    

Lorsque f admet une fonction dérivée f' sur un intervalle, cette dernière peut être elle-même dérivable (cela ne peut se produire que si la fonction dérivée est continue). La fonction dérivée de cette dérivée est appelée dérivée seconde de f. On note f" cette dérivée seconde et, en notation différentielle, d2f/dx2. On peut aussi parler de fonction dérivée 3-ème (f''') et ainsi de suite. On parle de dérivée d'ordre n pour désigner la dérivée de la dérivée (n-1)-ème de f et on la note f (n) :

Par convention : f(o) = f, f (1) = f', puis f (n) = [f (n-1)]', n ≥ 1

Lorsque f admet une dérivée première continue sur un intervalle I, on dit qu'elle est continûment dérivable sur I, ce qu'on résume en disant qu'elle est de classe C1. Une fonction de classe Cn est alors une fonction n fois dérivable dont la dérivée n-ème est continue. On peut également parler de fonction indéfiniment dérivable (comme la fonction sinus, la fonction exponentielle x → ex). Une telle fonction est dite de classe C.


Fonctions de classe C1, exercices corrigés, sur le site des éditions Ellipses

Dérivation des fonctions composées :    

On suppose g dérivable en xo et f dérivable en g(xo), alors f o g est dérivable en xo et (f o g)'(xo) = g'(xo) × f '(g(xo))
» loi de composition, notation f o g

Preuve : on peut écrire :

La dérivabilité de de g en xo assure sa continuité en ce point, donc Δg = g(xo + h) - g(xo) tend vers 0. Par suite le 1er rapport tend vers le nombre dérivé de f au point g(xo), à savoir f '(g(xo)) et le second rapport tend vers g'(xo).

 
Étude de fonctions  |
 Cas d'une fonction dérivée non continue :  étude de la fonction f : x → x2cos(1/x)

 
Cordes vibrantes, analyse harmonique, dalembertien :

Parallèlement aux travaux de Euler et de Daniel Bernoulli, d'Alembert s'attaqua au difficile problème des cordes vibrantes : étude des vibrations transversales d'une corde homogène (de violon ou de piano par exemple), en étudiant la nature composite du son (harmoniques). La nature vibratoire du son fut étudiée auparavant par Mersenne et Huygens et principalement par le physicien français Joseph Sauveur, 1653-1716) à qui l'on doit le vocabulaire et la théorie des phénomènes stationnaires (nœuds, ventres, battements).

L'étude du phénomène conduit à une équation du second ordre aux dérivées partielles, que d'Alembert établira en 1746 :

 

L'équation peut aussi s'écrire :

Elle formule la distance s(x,t) dont s'éloigne, en fonction du temps et par rapport au repos, un point de la corde à la position x. D'Alembert en donnera une solution particulière sous certaines conditions initiales. On trouvera in fine un lien vers la résolution ce cette équation.


Résolution de l'équation des cordes vibrantes, page de Claude Saint-Blanquet, univ. Nantes (sous forme de problème avec solution) :
http://www.sciences.univ-nantes.fr/sites/claude_saintblanquet/synophys/322corde/322corde.htm

Dans le cas général, les équations aux dérivées partielles sont d'une très grande complexité. Il faudra attendre Fourier pour une méthode de résolution consistant à rechercher l'inconnue fonctionnelle sous forme de série convergente.

L'équation se généralise à des phénomènes électromagnétiques (propagation des champs électriques et magnétiques). Dans l'espace, elle s'écrit au moyen du laplacien et conduit au dalembertien, opérateur du second ordre noté au moyen d'un carré et défini par :

 

où c désigne la vitesse de la lumière, ∇ le laplacien et t le temps.

L'analyse harmonique :      

L'étude des phénomènes vibratoires sera facilitée par l'usage des séries de Fourier. C'est ainsi que naîtra l'analyse harmonique avec, comme sujet initial, le problème de la représentation d'une fonction périodique par une série trigonométrique. Plus tard, la théorie des distributions de Laurent Schwartz sera un nouvel outil performant dans la résolution des équations aux dérivées partielles. Les difficultés rencontrées dans la convergence de ces séries ont conduit à la mise en place d'outils et de structures perfectionnées comme la transformation de Fourier, les espace de Hilbert, la théorie du potentiel, les fonctions harmoniques, les groupes topologiques ...

Séries de Fourier et analyse harmonique : »

Règle ou critère de d'Alembert pour les séries numériques :

Soit Σun une série à termes strictement positifs pour laquelle le rapport un+1 / un à une limite L. Dans ces conditions :

Exemple : soit la série de terme général n2/2n. On a ici un+1 / un = ½ × (1 + 1/n)2 → ½ < 1. La série converge donc.


Exemple d'application

Dans le cas d'une suite non positive (resp. ou à termes complexes), on étudie le rapport en valeur absolue (resp. en module) et dans le cas L < 1, on parlera de série absolument convergente, (on parle de convergence absolue) ce qui peut être fort utile dans le cas des séries entières où un est de la forme anxn  car on montre grâce au critère de Cauchy que :

Dans un espace vectoriel normé complet (en particulier R et C), toute suite absolument
convergente est convergente.

En exercice, voici un cas fondamental :

 

Montrer que l'on définit ainsi une fonction numérique pour tout x réel et que ce résultat se prolonge à C.
Il s'agit de la fonction exponentielle
réelle ou complexe. Étudier sa dérivation en justifiant la dérivation terme à terme.

Euler et la fonction exponentielle : »         Critères de Cauchy : »


   Pour en savoir plus :

  1. Méthodes mathématiques pour les sciences physiques, par Laurent Schwartz. Éd. Hermann,1965.
    (cordes vibrantes, membranes vibrantes, équation de la chaleur dans le cadre de la théorie des distributions).
  2. Étude du traité de dynamique de d'Alembert, dont le célèbre principe sur CultureMath :
    http://culturemath.ens.fr/histoire des maths/htm/dalembert/articles/article2/traite-dynamique.html#principe
  3. L'encyclopédie de Diderot et d'Alembert sur Gallica : http://www.e-rara.ch/gep_r/doi/10.3931/e-rara-16690

Clairaut  Stewart 
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