ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
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Racine d'une équation selon l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

    Texte original. Seuls sont modifiés la mise en page, quelques tournures et aspects orthographiques ou grammaticaux Les mots ou les commentaires en vert sont ajoutés pour une meilleure compréhension. Quelques bizarreries de l'éditeur de l'époque sont corrigées en rouge...

RACINE D'UNE EQUATION, en Algèbre, signifie la valeur de la quantité inconnue de l'équation. Voy. EQUATION.
Ainsi si l'équation est a2 + b2 = x2, la racine de l'équation est la racine quarrée de a2 + b2, ainsi √(a2 + b2).

Texte original B.N.F.

C'est une vérité reçue en Algèbre, qu'une équation a toujours autant de racines qu'il y a d'unités dans la plus haute dimension de l'inconnue ; par exemple, une équation du deuxième degré a deux racines, une du troisième en a trois : ainsi l'équation x2 = a2 + b2, que nous venons de donner, a deux racines ou deux valeurs de x, à savoir :

Cette propriété générale des équations peut se démontrer de la manière suivante :

soit xn + axn-1 + bxn-2 +.... p = 1 (?! ce doit être ... p = 0), une équation d'un degré quelconque et soit c une valeur de l'inconnue x, telle que substituant c au lieu de x dans l'équation, tous les termes se détruisent par des signes contraires (en d'autres termes c est une racine de l'équation), je dis que xn + a xn - 1 + b xn - 2.... + p, se divisera exactement par x = c (?! ce doit être ... x - c). Car soit Q le quotient de cette division, le reste r, s'il y en a un, ne contiendra point de x, puisque x ne passe (dépasse) pas le premier degré dans le diviseur, et on aura (x - c) x Q + r égal et identique à xn + a xn-1 + b xn-2 +... + p. Donc substituant c pour x dans (x - c) x Q + r, tous les termes doivent se détruire, et le résultat c = 0 (?! ce doit être égal à 0). Donc cette substitution donnera (c - c) x Q + r = 0 et r = 0. Donc la division se fait sans reste.

On aura donc un quotient xn - 1 + Axn-2 + Bxn-3 +.... + P. Et s'il y a une petite quantité C qui étant substituée par x dans ce quotient, fasse évanouir tous les termes, on prouvera de même que ce quotient peut se diviser exactement par x - C. En continuant ainsi, on trouvera que la quantité xn + axn-1 + bxn-2, etc. peut être regardée comme le produit d'un nombre n d'équations simples x - c, x - C, x - D, x - E, etc. Donc puisque xn + axn-1 + bxn-2.... etc. = 0, on aura :

 x - c × x - C × x - D × x - E, etc.

d'Alembert utilise le surlignage pour exprimer le produit de facteurs (x - c)(x - C)(x - D)(x - E)

Or ce produit sera = 0 (égal à 0) dans tous les cas suivants : 1°. x = c ; 2°. x = C ; 3°. x = D ; 4°. x = E, etc. Donc x a autant de valeurs qu'il y a de facteurs linéaires x - c, x - C, etc. c'est-à-dire autant qu'il y a d'unités dans n.

Au reste, il ne faut pas croire que toutes ces valeurs soient ni toujours réelles, ni toujours positives. On les distingue en vraies, fausses, et imaginaires.

Racine vraie : Si la valeur de x est positive, c'est-à-dire si x est égale à une quantité positive ; par exemple, si x = r, la racine est appelée racine vraie ou positive.

Racine fausse : Si la valeur de x est négative, par exemple si x = - 5, on dit que la racine est fausse ou négative. Par exemple, l'équation xx + 3x - 10 = 0, a deux racines, l'une vraie, l'autre fausse, savoir x = 2 et x = - 5. voyez NEGATIF.

d'Alembert écrit ici xx pour x2 comme il aime encore le faire "à l'ancienne".

Racine imaginaire : Si la valeur de x est la racine quarrée d'une quantité négative, par exemple, si x = -5, on dit alors que la racine est imaginaire.

C'est ce qui arrive dans l'équation xx + 5 = 0, qui a deux racines imaginaires x = + √-5 et x = - √-5. Si on multipliait l'équation xx + 5 = 0 par l'équation xx + 3x - 10 = 0, on formerait une équation du quatrième degré, qui aurait deux racines imaginaires + √-5 et - √-5, et deux racines réelles, l'une vraie + 2, l'autre fausse -5.

Dans une équation quelconque (à coefficients réels), les racines imaginaires, s'il y en a, sont toujours en nombre pair. Cette proposition assez mal démontrée dans les livres d'Algèbre, l'est beaucoup plus exactement dans une dissertation que j'ai imprimée au tome II. des Mém. français de l'académie de Berlin. De là il s'ensuit que dans toute équation d'un degré impair, il y a au moins une racine réelle.

L'Algèbre est principalement d'usage pour mettre les problèmes en équations, et ensuite pour réduire ces équations, ou les présenter dans la forme la plus simple qu'elles puissent avoir. Quand l'équation est réduite à la forme la plus simple, il ne reste plus, pour achever la solution du problème, que de chercher par les nombres ou par une construction géométrique, les racines de l'équation.

M. l'abbé de Gua, dans les mémoires de l'académie royale des sciences de Paris, année 1741, nous a donné deux excellentes dissertations sur les racines des équations. Le premier de ces mémoires a pour titre : Démonstration de la règle de Descartes pour connoître le nombre des racines positives et négatives dans les équations qui n'ont point de racines imaginaires ; nous allons rapporter en entier l'espèce de préface que M. l'abbé de Gua a mise à la tête de cet ouvrage : elle contient une discussion historique très intéressante.

Descartes, dit M. l'abbé de Gua, a donné sans démonstration, à la page 108 de sa géométrie, édit. de Paris, année 1705, la fameuse règle que j'entreprends de démontrer. On connaît de ceci, dit cet auteur, combien il peut y avoir de racines vraies et combien de fausses en chaque équation ; à savoir, s'il y en peut avoir autant de vraies que les signes + et - s'y trouvent de fois être changés, et autant de fausses qu'il s'y trouve de fois deux signes +, ou deux signes - qui s'ensuivent, etc.

→ On fait allusion ici au concept de variation d'un polynôme.

Ces mots "il peut y avoir", que Descartes répète deux fois dans cette proposition, évitant au contraire constamment l'expression "il y a", marquent assez qu'il n'a pas regardé la règle qu'il avait découverte, comme absolument générale, et qu'il a vu au contraire qu'elle devrait seulement avoir lieu, lorsque les racines que les équations peuvent avoir seraient toutes réelles ". M. l'abbé de Gua prouve cette vérité par d'autres endroits du même ouvrage, et il ajoute : "cet auteur s'est expliqué lui-même dans la suite de ce point, d'une manière précise. Il trouve cette explication dans la LXIIl lettre du troisième tome.

Sa seconde objection, dit Descartes dans cette lettre, en parlant de Fermat, est une fausseté manifeste ; car je n'ai pas dit dans l'article 8 du troisième livre ce qu'il veut que j'ai dit, à savoir qu'il y a autant de vraies racines que les signes + et - se trouvent de fois changés, ni n'ai eu aucune intention de le dire : j'ai dit seulement qu'il y en peut autant avoir, et j'ai montré expressément, art. 17. du III. liv. quand c'est qu'il n'y en a pas tant, à savoir, quand quelques-unes de ces vraies racines sont imaginaires."

Quelque nombre de disciples et de commentateurs qu'ait eu ce grand géomètre dans l'espace de près d'un siècle, il paraît néanmoins que personne, avant M. l'abbé de Gua, n'était encore parvenu à démontrer la règle dont nous parlons.

C'est sans doute le xlj. chapitre du traité d'Algèbre de Wallis, qui a été l'occasion de l'erreur de M. Wolf et de M. Saunderson, qui attribuent l'un et l'autre l'invention de cette règle à Harriot, algébriste anglais. On n'ignore pas que Wallis n'a rien oublié dans cet ouvrage pour arracher en quelque façon à Viete et à Descartes leurs découvertes algébriques, dont il se plait au contraire à revêtir Harriot son compatriote.

→ Nicolas Saunderson, savant et mathématicien anglais (1682-1739). Bien qu'aveugle, il professa à l'université de Cambridge. Il publia plusieurs traités d'algèbre et d'analyse ainsi que des commentaires sir les Principia de Newton. Pour pallier à son handicap, il inventa et fabriqua, une tablette à calculer.

"Pour réfuter Wallis, sur l'article dont il est principalement question, nous ne nous servirons, continue M. l'abbé de Gua, que du témoignage de Wallis lui-même, et de Wallis parlant dans le même ouvrage. Il conteste, dans l'endroit que nous venons de citer, que la règle pour le discernement des racines, appartient à Descartes ; plus bas, au chap. LXII page 215, il continue à la vérité de proscrire cette regle à cause de son prétendu défaut de limitation, mais commençant alors à se contredire, il ne fait plus difficulté de la donner à son véritable auteur.

Wallis, au reste, n'est pas le seul qui ait attaqué la règle que nous nous proposons de démontrer. Le journal des savants de l'année 1684, nous apprend, à la page 250. que Rolle la taxait aussi de fausseté. Le journaliste donne ensuite deux exemples de ce genre ; mais dans ces exemples il se trouve des racines imaginaires. C'est ce que remarque fort bien le père Prestet (?) de l'oratoire, dans la seconde édition des élém. liv. VIII. page 362.

La remarque de Rolle insérée dans le journal des savants, et la réponse du père Prestet ne pouvaient manquer de réveiller l'attention de l'académie Duhamel, qui en était alors secrétaire, fit donc mention dans son histoire, de l'observation de Rolle ; et il ajouta que l'académie ayant chargé Cassini et de la Hire d'examiner sa critique, ils avoient rapporté que Schooten (?) avait déjà fait la même remarque, mais que cet auteur prétendait que Descartes même n'avait pas donné sa règle pour générale.

→ Tout ce discours est-il vraiment indispensable dans une encyclopédie... on reste sur notre faim...

Si cette décision a dû en effet fixer le sens véritable de la regle de Descartes, n'aurait-elle pas dû exciter de plus en plus les géomètres à chercher une démonstration rigoureuse de cette règle, au lieu de se contenter de la déduire par induction, comme on doit présumer que Descartes l'avait fait, ou de l'inspection seule des équations algébriques par la multiplication de leurs racines supposées connues ? Un silence si constant sur une vérité qu'on pouvait désormais regarder presque comme un principe, et dont cependant on n'apercevait point encore l'évidence, n'était-il point en quelque sorte peu honorable pour les mathématiques "? Nous renvoyons le lecteur, pour la démonstration de cette règle, au mémoire de M. l'abbé de Gua, qui l'a démontré de deux manières différentes.

→ Et voilà, on ne saura donc rien ici de la preuve de cette règle...

RACINE D'UN NOMBRE, en Mathématique, signifie un nombre qui étant multiplié par lui-même rend le nombre dont il est la racine; ou en général le mot racine signifie une quantité considérée comme la base et le fondement d'une puissance plus élevée.

En général la racine prend la dénomination de la puissance dont elle est racine ; c'est-à-dire qu'elle s'appelle racine quarrée (carrée) si la puissance est un quarré ; racine cubique si la puissance est un cube, etc. ainsi la racine quarrée de 4 est 2, parce que 2 multiplié par 2 donne 4. Le produit 4 est appelé le quarré de 2, et 2 en est la racine quarrée, ou simplement la racine.

Il est évident que l'unité est à la racine quarrée, comme la racine quarrée est au quarré : donc la racine quarrée est moyenne proportionnelle entre le quarré et l'unité; ainsi 1 : 2 : : 2 : 4.

→ On notait ainsi à l'époque les proportions; soit : 1/2 = 2/4

Si un nombre quarré comme 4 est multiplié par sa racine 2, le produit 8 est appelé le cube ou la troisième puissance de 2; et le nombre 2, considéré par rapport au nombre 8, en est la racine cubique.

Puisque l'unité est à la racine comme la racine est au quarré, et que l'unité est à la racine comme le quarré est au cube, il s'ensuit que l'unité, la racine, le quarré et le cube sont en proportion continue, c'est-à-dire que

1 : 2 : : 2 : 4 : : 4 : 8    → 1/2 = 2/4 = 4/8

Par conséquent la racine cubique est la première de deux moyennes proportionnelles entre l'unité et le cube.

Extraire la racine d'un nombre ou d'une puissance donnée, comme 8, c'est la même chose que de trouver un nombre comme 2, qui étant multiplié par lui-même un certain nombre de fois, par exemple deux fois, produise ce nombre 8.

(...)

Jean le Rond d'Alembert


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