ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

SCHWARTZ Laurent, français, 1915-2002        Médaille Fields 1950

  !   On ne le confondra pas avec le mathématicien allemand Karl Schwarz (1843-1921).

Fils de médecin (chirurgien), élève de l'Ecole normale supérieure, Laurent Schwartz obtient l'agrégation de mathématiques à sa sortie en 1937, classé second après son ami Gustave Choquet. Appelé sous les drapeaux, il décide de faire son service militaire dans la défense contre-aérienne. Deux années qui le conduisent à la seconde guerre mondiale (1939) avec le grade de sous-lieutenant. Paul Lévy, ami de la famille, éminent spécialiste en théorie moderne des probabilités, influença en partie ses premières recherches. Il épousa (1938) une de ses deux filles, Marie-Hélène.

  i  Le rôle de Jacques Hadamard, grand-oncle par alliance, époux d'une sœur de sa grand-mère maternelle, fut également important dans sa décision d'entreprendre des études mathématiques plutôt que philologiques (Au lycée, Laurent Schwartz excellait en latin et grec).

Démobilisé en 1940 suite à l'armistice, il dépose sa candidature à la Caisse Nationale des Sciences (qui fusionnera avec le CNRS en 1939) et, encouragé par Dieudonné, soutiendra sa thèse à Clermont-Ferrand dirigée par Valiron, intitulée Étude des sommes d'exponentielles réelles (1942) portant sur l'approximation des fonctions numériques (thèse validée par l'université de Strasbourg réfugiée à Clermont eu égard à l'invasion allemande). Laurent Schwartz soutint une seconde thèse orale, validée par Charles Ehresmann, portant sur la topologie algébrique relative aux théorèmes de dualité sur les variétés, un sujet initié par Poincaré auquel Pontriaguine et Alexander apportèrent leur contribution.

De confession juive, Laurent Schwartz traversa tant bien que triste période de l'histoire qu'il raconte dans son livre Un mathématicien aux prises avec le siècle (» réf.1). Ses recherches et son enseignement porteront sur l'analyse fonctionnelle et les probabilités. A l'issue de la guerre, Laurent Schwartz fut le cofondateur (1944), avec le russe Sergueï Sobolev, de la théorie des distributions pour laquelle il reçut (avec Atle Selberg, Norvège) une des deux médailles Fields 1950, année marquant le renouveau de cette récompense aujourd'hui tant convoitée, qui vit le jour en 1936 mais éclipsée par les années de guerre. En 1946, il avait reçu le prix Francoeur, un prix de l'Académie des sciences encourageant les jeunes chercheurs en mathématiques. Ce sera pour ce grand mathématicien français le début d'une grande carrière internationale.

De 1945 à 1952, Schwartz est professeur à l'université de Nancy. Nommé à Paris (1952) à l'invite de Denjoy qui régnait alors sur le département mathématique de la Sorbonne, il quitta l'université pour un poste à plein temps à l'École Polytechnique (jusqu'à sa retraite en 1983). En 1965, il créa le laboratoire de mathématiques de l'École polytechnique, une unité mixte X/CNRS qui porte aujourd'hui son nom : Centre de mathématiques Laurent Schwartz (CMLS) sis à Palaiseau comme l'actuelle École polytechnique. Il sera élu à l'Académie des Sciences en 1975. 

Son cours d'analyse enseigné à l'X a été réédité récemment. Laurent Schwartz se fit connaître auprès du grand public en tant que rapporteur de la commission Bloch-Lainé chargé de l'audit sur l'enseignement en France demandé par François Mitterrand peu après son élection à la présidence de la République (1981). Parmi ses "élèves" les plus éminents, Laurent Schwartz compte Alexander Grothendieck, Jacques-Louis Lions et Bernard Malgrange.

Laurent Schwartz fut un citoyen engagé. Militant trotskiste dans sa jeunesse, ardent défenseur des droits de l'homme, il s'opposa à la guerre du Vietnam et à celle d'Algérie. Il eut la douleur de perdre son fils Marc-André qui, après s'être fait enlevé en février 1962 par des fanatiques d'extrême droite ou de l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) prônant l'Algérie française, se suicida en 1971. Il avait 28 ans.

La théorie des distributions :

Les distributions sont nées de la physique moderne et apparaissent comme l'élargissement du concept dufonction (de Leibniz) face aux difficultés rencontrées dans l'analyse de phénomènes (de distribution... comme des charges électriques par exemple) menant à des calculs de transformées de Fourier (ou de Laplace) ou à des équations aux dérivées partielles.

Dans de telles équations, si des solutions trouvées pouvaient être représentées sous forme de séries uniformément convergentes, l'analyse usuelle n'assurait généralement pas cette propriété sur leurs dérivées. Les distributions furent (et sont toujours) un puissant outil pour la physique moderne.

Voici comme Laurent Schwartz introduit les distributions dans un de ses principaux ouvrages : Méthodes mathématiques pour les sciences physiques (» réf.3) :

On note D le sous-espace vectoriel de l'espace des fonctions à valeurs complexes définies sur Rn constitué des fonctions indéfiniment dérivables à support compact (le support d'une support d'une fonction est l'adhérence des x tels que f(x) ≠ 0, à savoir le plus petit ensemble fermé borné K tel que f(x) = 0 en dehors de K).

    Noter qu'un élément de D s'interprète comme une fonction de x = (x1, x2, ..., xn)∈Rn. Muni de la multiplication usuelle des fonctions (produit dans C des images), D est aussi une algèbre commutative.

Théorème fondamental :    

Quel que soit ε > 0 toute fonction continue f : Rn C à support compact K peut être approchée uniformément à ε près par une fonction φ de D dont le support est inclus dans un voisinage arbitraire de K :

∀ ε > 0, ∃ φ ∈ D, ∀ x∈Rn, | f(x) - φ(x) | ≤ ε

Convergence dans D :     

Une suite (φn) dans D est dite convergente vers une fonction φ de D lorsque :

1/ les supports des sont contenus dans un même ensemble borné indépendant de n
2/ pour tout entier p,
la suite des φn(p), dérivée p-ème des φn converge uniformément vers φ(p),dérivée p-ème de φ.

Les fonctions de D étant bornées, ces propriétés permettent de définir sur D la topologie de la convergence uniforme.

Distribution :    

On  appelle distribution toute fonctionnelle T : D C, linéaire et continue sur D.

Si T désigne une distribution sur D, pour tout φ de D, on note <T,φ> ou simplement T(φ) l'image dans C de φ par T. Pour tous φ et ψ de D et α de C, on a, par définition :

   Les distributions sur D constituent un sous-espace vectoriel topologique D' de D*, dual topologique de D. En désignant par f une fonction localement intégrable (intégrable sur tout ensemble borné), un exemple fondamental de distribution est donné par :

et Tf = Tg si et seulement si f = g presque partout (au sens de la mesure de Lebesgue).

Distribution de Dirac : »

L'exposé de ce difficile sujet nécessite de nombreuses notions premières sur la théorie de la mesure, la topologie et les espaces fonctionnels. En donner un aperçu serait vain. Place est laissée ci-dessous aux spécialistes et usagers du sujet, en particulier Laurent Schwartz lui-même (» réf.3).


»  Deny , Choquet , Brelot


     Pour en savoir plus :

  1. Hommage à Laurent Schwartz, biographie par F. Treves, Gilles Pisier, Marc Yor sur le site de l'AMS :
    http://www.ams.org/notices/200309/fea-schwartz.pdf
  2. Laurent Schwartz et l'École Polytechnique, par Alain Guichardet (prof. honoraire, univ. Poitiers) :
    http://www.sabix.org/bulletin/b39/guichardet.html
  3. Un mathématicien aux prises avec le siècle, par Laurent Schwartz, Éd. Odile Jacob, Paris - 1997.
    Quelques éléments intéressants sont en ligne sur Google Livres : https://books.google.fr/books?id=Eqc0cyFR0AEC
  4. Méthodes mathématiques pour les sciences physiques, par Laurent Schwartz. Éd. Hermann,1965.
  5. Distributions, cours de Cyrille Barreteau (Iramis/Cea) :
    http://iramis.cea.fr/spcsi/cbarreteau/methodes_mathematiques/documents/polymaths1A_051212_Chap5.pdf
  6. a) Distributions : définitions, propositions, exemples, par Elie Raphaël, professeur à l' ESPCI :
    http://www.espci.fr/enseignement/maths/PourAllerPlusLoin/C_Barreteau/documents/polymaths1A_051...
    b) Cours d'analyse, Ch. IX-X, par Jacques Harthong, ENS de Physique de Strasbourg :
    https://cel.archives-ouvertes.fr/cel-00519301v1/document
  7. Analyse fonctionnelle, Ch. III, Distributions, par Cédric Villani, ENS Lyon (2013) :
    http://cedricvillani.org/wp-content/uploads/2013/03/ana2.pdf
  8. Calcul intégral (théorie de la mesure, intégrale de Lebesgue, distributions) par A. Guichardet, Éd. Armand Colin - collection U (niveau maîtrise).
  9. Travaux de Schwartz sur le site Numdam : http://www.numdam.org/search/Schwartz Laurent-a
  10. Centre de mathématiques Laurent Schwartz (CMLS) : https://portail.polytechnique.edu/cmls, fondé par L. Schwartz en 1965 :


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