ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

KOLMOGOROV Andreï Nicolaiévitch, russe, 1903-1987
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Loi forte des grands nombres | Prix Balzan

Élève de Luzin et d'Uryson à l'université d'Etat de Moscou (université Lomonosov), Kolmogorov (ou Kolmogoroff comme l'écrivait Bourbaki) y sera enseignant chercheur à 22 ans, puis professeur (1931) jusqu'à sa mort en 1987. Il en dirigea le département de mathématiques dès 1933. Cet éminent mathématicien russe est principalement connu pour avoir fondé (1929) dans le cadre de ses recherches en théorie du potentiel, une théorie axiomatique des probabilités : Théorie générale de la mesure et théorie des probabilités et (publié en allemand en 1933) : Grundbegriffe der Wahrscheinlichkeits-rechnung, soit : Notions fondamentales du calcul des probabilités. Il fut secondé dans cette tâche par un de ses étudiants Alexandre Khintchin.

On lui doit également avec Vladimir Arnold, également un de ses étudiants, la résolution du 13è problème de Hilbert (1954). Kolmogorov fut élu à l'Académie des sciences de l'URSS en 1939.

Concernant la théorie des probabilités, la célébrité de Kolmogorov ne doit pas occulter les résultats obtenus aux États-Unis et en France par, respectivement, Joseph Doob (1910-2004) et Paul-André Meyer (1934-2003). Le premier se consacre aux processus stochastiques, sur lesquels travailla Kolmogorov, en créant le concept de martingale. Le second prolonge les résultats de Doob à la théorie du potentiel dans le cadre de la théorie de la mesure.

Les travaux de Kolmogorov portèrent également sur l'analyse de Fourier, systèmes dynamiques, la théorie ergodique, associés à des recherches en physique mathématique sur l'hydrodynamique (phénomènes de turbulence en mécanique des fluides) le conduisant (1961) à concevoir les ensembles fractals. Enseignant hors pair, Kolmogorov reçut le prix Balzan 1962, le prix Wolf 1980 (partagé avec H. Cartan) et le prix Lobatchevski 1986 pour ses travaux novateurs en cohomologie.


On pourra reprocher à Kolmogorov, durant toute sa carrière, sa connivence avec le pouvoir stalinien qui lui permit de traverser tout au long de sa vie cette triste période de l'URSS. Connivence partagée avec
Alexandrov avec lequel il approuve (1974) la déchéance de nationalité de l'écrivain russe dissident Alexandre Soljenitsyne (1918-2008), prix Nobel de littérature 1970, condamné à l'exil pour l'écriture de son livre l'Archipel du Goulag (1973).

Définition axiomatique d'un espace probabilisé (1933) :

Le calcul des probabilités est né plus de 300 ans auparavant avec tout particulièrement Fermat et Pascal (1654) et développé plus tard par Jacques Bernoulli dans son Ars conjectandi (1713). Il manquait à cette branche des mathématiques une base solide sur laquelle construire et étendre la théorie.

Kolmogorov définit une loi de probabilité dans un ensemble au moyen d'axiomes simples mais faisant usage des concepts récents de l'époque : théorie de la mesure et tribus (définies par Borel), calcul intégral au sens de Lebesgue (intervenant par exemple dans le calcul des espérance mathématique et variance d'une variable aléatoire. Avec Kolmogorov, le calcul des probabilités, jusqu'ici basé sur des concepts intuitifs, devient une branche rigoureuse des mathématiques.

Soit Ω un ensemble non vide et P(Ω) l'ensemble de ses parties, une loi de probabilité (ou distribution de probabilité ou simplement probabilité) sur Ω est une application p de P(Ω) vers [0,1] vérifiant :

Afin de rendre cette axiomatique probabiliste compatible avec la théorie de la mesure, Kolmogorov ajouta un axiome dit de continuité dénombrable :

Les éléments de Ω sont appelés éventualités, une partie A, (donc un ensemble d'éventualités) est un événement.

Loi de probabilité uniforme (équiprobabilité) :   

Une situation simple est celle où les éventualités d'un espace probabilisé Ω ont la même probabilité de réalisation. On parle d'équiprobabilité ou de loi uniforme sur Ω.

   On dit naïvement, dans ce cas, que les éventualités ont chacune autant de chances de se réaliser. Ce terme de chance utilisé tant en France, avec Pascal par exemple, qu'en Angleterre avec de Moivre, rappelle que le calcul des probabilités trouve son origine dans les jeux de hasard et n'oublions pas que hasard vient de l'arabe ez zahr = dé à jouer, mot utilisé également pour désigner la chance !

Théorème :   

Lorsque Ω est fini, de cardinal n et muni d'une loi de probabilités uniforme p, alors pour toute éventualité ei de Ω, on a p(ei) = 1/n et pour tout événement A :

p(A) = CardA/CardΩ = CardA/n          » Cantor et la notion de cardinal

 !   On ne peut pas munir l'ensemble N des entiers naturels d'une loi de probabilité uniforme. En effet, si chaque entier a la même probabilité d'être choisi "au hasard", la somme des probabilités serait non pas 1 mais infinie!

Dans le cas continu (R ou ses intervalles), "tirer un nombre réel au hasard" n'a pas non plus de sens mais on peut définir une probabilité uniforme sur un intervalle [a,b] pour signifier que la probabilité de réalisation de l'événement x∈[α,β]⊂[a,b] est proportionnelle à β - α :

Loi uniforme continue :  »           Lois de probabilités continues étudiées dans ChronoMath :  »

Exercices élémentaires
1. On lance deux dés non truqués (faces numérotées de 1 à 6).  a/  Quelle est la probabilité p d'obtenir le double six.
Rép : 1 seul cas "favorable" 6 et 6. Il y a 6 × 6= 36 cas "possibles", d'où p = 6/36 = 1/6.
Quelle est la probabilité p d'obtenir un nombre (de 2 chiffres) qui ne soit pas divisible par 3 ? 

2..  Quelle est la probabilité de rencontrer dans une classe de 24 élèves, au moins deux bambins nés le même jour, en admettant l'équiprobabilité des naissances chaque jour de l'année et ce quelle que soit l'année de 365 jours ?

3.. Soit Ω = {1, 2, ..., 6}. On définit sur Ω la loi de probabilité p telle que p(n) soit proportionnelle à n. Préciser cette loi de probabilité.
Rép : par hypothèse, il existe k tel que p(n) = kn. Or Σpn = 1, donc k + 2k + ... + 6k = 1 et k = 1/21.

4.. Soit ω un entier naturel non nul. On pose Ω = [1, 2, 3, ..., ω, ω+1, ..., ω!] ⊂ N, ω! désignant la factorielle de ω.
Soit d un entier premier, d ≤ ω et n∈Ω. Calculer la probabilité de l'événement « d divise n ».


Pour des exercices plus élaborés, on consultera les pages d'exercices de ChronoMath aux index Lycée et Sup

Borel et la notion de tribu :  »        Cantor et la théorie des ensembles : » 

De cette simple définition, suit un ensemble de formules fondamentales comme :

     Plus généralement, on appelle système complet d'événements toute partition (Ai) de Ω, et l'on a Σp(Ai) = 1.

 !    Si, pour un ensemble d'événements Ai de Ω, on a Σp(Ai) = 1 , il n'est pas assuré qu'il s'agisse d'une partition de Ω :

Dans le cas du jet d'un dé, posons A1 = "obtenir un multiple de 3", A2 = "obtenir un chiffre plus petit que 5". On a p(A1) + p(A2) = 1/3 + 2/3 = 1 mais  p(A1 ∩ A2) = p("obtenir le 3") = 1/6. Noter aussi que A1 ∪ A2  = {3;6} ∪ {1;2;3;4} = {1;2;3;4;6} ≠ Ω !

Variables aléatoires, lois de probabilités,  cas discret : » ,   cas continu : »

»  Pascal , Jacques Bernoulli , de Moivre , Bayes , Poisson , Laplace , Gauss , Tchebychev , Cantelli , Levy , Meyer , Neveu...


Concernant les probas, voir des exercices à tous les niveaux dans les index d'exercices
CLG, LYC et SUP

Événements indépendants, arbre d'événements, probabilité conditionnelle : »

Loi forte des grands nombres selon Kolmogorov (1930) :

La loi régissant la moyenne d'une suite de variables aléatoires fut mise en lumière par Jacques Bernoulli dans une première version dite faible depuis celle énoncée par Borel, dite forte. En 1930, dans une communication à l'Académie des sciences de Paris intitulée Sur la loi forte des grands nombres, Kolmogorov énonce le résultat suivant :

Soit (Xn) une suite (infinie) de variables aléatoires numériques indépendantes, d'espérance mathématique E(Xn) et de variance V(Xn) fini. Si lim E(Xn) = m fini et si la série ΣV(Xn)/n2 converge, alors on a presque surement :

Cette limite n'est donc pas aléatoire. Ce résultat est lié aux sommes de Cesaro et au lemme de Kronecker. Comme le note Jean Bass (» ref.3, page 154), ce résultat est un aspect de l'hypothèse ergodique rencontré en physique : par exemple, dans le cas historique de la théorie cinétique des gaz (mécanique statistique), afin d'évaluer la température d'un échantillon moléculaire significatif, on peut soit :


Site russe : http://www.pms.ru/kolmogorov/index.html

Loi du zéro-un (ou du tout ou rien) de Kolmogorov :

Certains événements d'un espace probabilisé peuvent se présenter avec une seule alternative de probabilité : 0 ou 1. On parle de loi du zéro-un ou du tout ou rien apparaissant dans la théorie des probabilités de Kolmogorov en 1933.

Dans un espace probabilisé, considérons une suite (Xn) de variables aléatoires numériques et l'événement A = {lim Xn = 0}. Pour tout n donné, A ne dépend pas de Xi, i ≤ n. On dit que A est un événement queue. La loi du zéro-un de Kolmogorov peut alors s'énoncer :

Tout événement queue d'une suite de variables aléatoires indépendantes est de probabilité 0 ou 1.

Lemme de Borel-Cantelli : »                 Variables aléatoires indépendantes : »

Espace de Kolmogorov :

Après Fréchet et Hausdorff, Kolmogorov introduisit un axiome de séparation dans un espace topologique, dit T0 :

Quels que soient x et y dans E, il existe (au moins) un voisinage V de x tel que y ∉V ou un voisinage W de y tel que x ∉W

Cet axiome est donc moins fort que celui de Fréchet, lequel est moins fort que celui d'Hausdorff. Dans un tel espace, toute partie finie non vide admet au moins un point isolé et si X n'admet pas de point isolé, alors tout ouvert de X est infini.


Le prix Balzan :       

Le prix Balzan récompense tous les ans un à quatre haut personnage des arts, des sciences ou des lettres. Il fut institué en 1956 par Angela Lina Balzan en mémoire de son père Eugenio, directeur du grand journal milanais Corriere della Serra, passionné d'art et de science. La famille Balzan étaient installée à Lugano en Suisse italienne. Annoncé à Milan, le prix est décerné alternativement à Rome et à Berne en novembre de chaque année. Son montant est de 1 000 000 de francs suisses, soit environ 700 000 euros.


    Pour en savoir plus :


Tout savoir sur Kolmogorov :
http://www.kolmogorov.com/

  1. Le traité de Kolmogorov (définition axiomatique d'un espace probabilisé), traduction anglaise (1956) :
    http://www.mathematik.com/Kolmogorov/0003.html
  2. Notions fondamentales de la théorie des probabilités (niveau maîtrise)
    théorie de la mesure, intégrale de Lebesgue, probabilités, par M. Métivier, Dunod université, Paris,1968
  3. Éléments de calcul des probabilités théorique et appliqué, par Jean Bass, Ed. Masson & Cie, Paris - 1967
  4. Probabilité et certitude, Que sais-je n°445 (approche épistémologique) par Émile Borel, P.U.F., Paris - 1950.
  5. La Probabilité, le hasard et la certitude, Que sais-je n°3, par Paul Deheuvels, Paris - 1982.
  6. Bases mathématiques du calcul des probabilités, par Jacques Neveu, Éd. Masson & Cie, Paris - 1964
  7. http://www.unige.ch/math/folks/velenik/papers/LN-PS.pdf, page de Y. Velenik, université de Genève.
  8. Éléments de Mathématique, Topologie générale, Ch. 1. N. Bourbaki, Éd. Hermann, Paris - 1965
  9. Théorie générale des systèmes dynamiques de la mécanique classique : http://www.numdam.org/search/Kolmogorov-a
  10. Fondation Balzan : http://www.balzan.org/fr

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