ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Notions sur les nombres p-adiques
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L'espace ultramétrique Qp des nombres p-adiques | valuation p-adique | valuation (cas général, polynômes)

Si p est un entier naturel au moins égal à 2, tout entier naturel admet un unique développement selon les puissances décroissantes de p, de la forme :    

anpn + an-1pn-1 + ... + a2p2 + a1p + ao

L'écriture selon les puissances décroissantes de p se justifie par analogie avec notre système décimal (base 10) usuel, par exemple : 1861 = 1000 + 800 + 60 + 1 = 1 × 103 + 8 × 102 + 6 × 10 + 1

On parle alors de développement (ou d'écriture) en base p. Dans toute la suite p est désormais un entier naturel premier. Lorsque p = 2 (resp. 3), on parle de développement dyadique ou, parfois diadique (resp. triadique).

Les systèmes antiques et actuels de numération : »

Considérons donc l'entier naturel 1861, année de naissance de Hensel, et p = 3. En faisant les divisions euclidiennes successives des quotients par 3, on obtient :

 1861 = 620 x 3 + 1    620 = 206 x 3 + 2    206 = 68 x 3 + 2    68 = 22 x 3 + 2
22 = 7 x 3 + 1 7 = 2 x 3 + 1 2 = 0 x 3 + 2  

l'écriture en base 3 de 1821 s'écrit donc :

2 36 + 1 35 + 1 34 + 2 × 33 + 2 × 32 + 2 × 31 + 1 × 30 = 2 1 1 2 2 2 1base 3

Le développement 3-adique de l'entier 1861 est alors en quelque sorte "à l'envers" du précédent :

ao + a1p + ... anpn = 1 + 2 × 3 + 2 × 32 + 2 × 33+ 1 × 34 + 1 × 35 + 2 × 36

et traduit par ao, a1 a2 ...an, soit dans notre cas : 1 , 2 2 2 1 1 2

Développement formel d'un nombre en série de puissances de p :

Tout entier négatif (élément de Z) possède un développement formel en série (c.à.d. non convergent au sens usuel) selon les puissances de p :

-5 = 1, 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 ...
Mais tout cela est très formel. Où sont passées rigueur et unicité ?

On sait que l'anneau Z/pZ des classes résiduelles modulo p possède p éléments que nous notons ici 0', 1', ..., (p-1)'. L'entier p étant premier, Z/pZ est un corps fini (commutatif).

Anneau Z/nZ : »           » Gauss , Wedderburn

Considérons pour toute puissance non nulle pn de p, l'anneau Z/pnZ.

x' = ro + r1p + r2p2 + ...+ rn-1pn-1   (rs)
où les ri sont éléments de {0', 1', ..., (p-1)'}
  x ≡ ro + r1p + r2p2 + ...+ rn-1pn-1  [pn]    (congruence modulo p)  

et chaque ri , 0 ≤ ri < p, est alors défini par :

ro ≡ x  [p] , r1p ≡ x - ro  [p2] , r2p2 ≡ x - ro- r1p  [p3] , ..., r3p3 ≡ x - ro- r1p - r2p2  [p4], ...

Les développements p-adiques ainsi définis constituent l'ensemble Zp des entiers p-adiques.

Qu'en est-il maintenant d'un nombre rationnel q = a/b ?

En fait la relation encadrée ci-dessus est valable pour tout rationnel q = a/b tel que b ne soit pas multiple de p. La preuve par récurrence est là encore simple à mettre en œuvre en remarquant que la relation est vraie pour n = 1 car Z/pZ est un corps puisque p est premier : dire a/b ≡ ro [p] revient à résoudre l'équation a ≡ bro [p] d'inconnue ro dans le corps Z/pZ : la solution est unique.

Lorsque l'on complète Q en lui "ajoutant" les limites de suites de nombres rationnels, on obtient, comme le fit Cantor avec les suites de Cauchy, l'ensemble R des nombres réels et on utilise la distance "usuelle" induite par la valeur absolue :

d(x,y) = | x - y |

En munissant Q, non pas de la distance usuelle mais de la distance p-adique définie ci-après, on obtient un extension nouvelle de Q dans laquelle le développement en série entière évoqué ci-dessus est convergent :

L'espace ultramétrique Qp des nombres p-adiques et la notion de valuation :

Soit q = a/b un rationnel (a et b sont entiers premiers entre eux, b non nul) et p un entier naturel premier. Quitte à diviser b par p autant que nécessaire, on se ramène à b non multiple de p comme dit plus haut, et on peut écrire q sous la forme unique :

q = p-n × a/b'   (n ≥ 1)

Le développement p-adique de q est alors celui de a/b' multiplié par p-n, donc de la forme :

On appelle valeur absolue p-adique de q le nombre :

| q |p = (1/p)n

La valuation de q est l'entier n et la distance p-adique est définie comme dans le cas usuel par :

dp(x,y) = | x - y |

Ostrowski prouva que, hormis la distance discrète, toute distance sur Q est (à une équivalence près) soit la distance usuelle fondée sur la valeur absolue, d(x,y) = | x - y |, soit la distance p-adique. Cette distance est ultramétrique, c'est à dire que :

dp(x,z) ≤ Max [dp(x,y) , dp(y,z)]

Cette propriété, plus forte que l'inégalité triangulaire, d(x,y) ≤ d(x,y) + d(y,z) vérifiée par la distance usuelle dans Q, confère à Qp la structure d'espace ultramétrique dans lequel une série est convergente à la seule condition que son terme général tende vers 0. Un nombre p-adique se comporte ainsi à la manière d'une fonction développable en série entière. D'où des méthodes nouvelles applicables à l'arithmétique. Noter que Qp pas dénombrable. Équipotent à R, cet ensemble de nombres a la puissance du continu.

» Euler, Taylor, Maclaurin

Structure de corps :   

On peut définir dans Qp une addition et une multiplication prolongeant celles de Q et conférant à Qp une structure de corps commutatif, corps des fractions de Zp, tout comme Q est le corps des fractions de Z.

Corps des fractions d'un anneau d'intégrité : »

Valuation sur un anneau, cas des polynômes :

D'une façon générale, on appelle valuation sur un anneau (A,+,x) une application v de A dans [0,+∞] vérifiant :

Cas des polynômes :   

Soit v l'application qui à tout polynôme P(x) = ao + a1x + ... anxn à coefficients dans A associe + si P est le polynôme nul et, sinon, le plus petit indice des coefficients non nuls de P. On vérifie facilement que v est une valuation sur R[X], anneau des polynômes d'une variable réelle à coefficients réels.


   Pour en savoir plus :

  1. LES NOMBRES, Leur histoire, leur place et leur rôle de l'Antiquité aux recherches actuelles
    par une équipe de mathématiciens allemands , Ch 6 par J. Neukirch - Ed. Springer Verlag (Heidelberg - 1992), Éd. Vuibert, 1998.
  2. ABRÉGÉ D'HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES, 1700-1900, Jean Dieudonné et une équipe de mathématiciens
    Ch V, Théorie des nombres par W. et F. Ellison - Ed. Hermann, Paris - 1978/1992.
  3. Analyse p-adique, par Yvette Amice, Séminaire Delange-Pisot-Poitou (1959) :
    http://www.numdam.org/article/SDPP_1959-1960__1__A3_0.pdf
  4. Les nombres p-adiques, sur le site de l'École Polytechnique :
    http://www.enseignement.polytechnique.fr/profs/informatique/Georges.Gonthier/pi98/padic.html
  5. Théorie des valuations (dans le cadre de la théorie des nombres), par Jean-François Dat (UPMC) :
    http://webusers.imj-prg.fr/~jean-francois.dat/enseignement/TNM2/TNM2.pdf
  6. Valuation, valuation discrète, corps complet, par T.-H. Tsai et S. Timhadjelt (univ. Rennes1) :
    https://perso.univ-rennes1.fr/bernard.le-stum/bernard.le-stum/Enseignement_files/uvslides.pdf
  7. Théorie du corps de classes local (Tristan Vaccon, univ. Rennes) :
    https://perso.univ-rennes1.fr/tristan.vaccon/rapport2011.pdf

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