ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

APOLLONIUS de Perge, grec, -262/-190?

Natif de Perge (Perga, actuelle ville turque proche d'Antalya), Apollonius, également connu sous le nom d'Apollonios de Perga, étudia à Alexandrie et fut un disciple d'Euclide et d'Archimède. Après de nombreuses années à Pergame (Bergama, turquie, proche d'Izmir) où une bibliothèque à l'image de celle d'Alexandrie fut fondée vers 170 avant J.-C., Apollonius s'installa à Alexandrie.

Mathématicien, physicien et astronome, on lui doit un traité complet et de très beaux résultats sur les sections coniques (ainsi dénommées par lui), intersections d'un plan et d'un cône, lors de travaux probablement liés à la recherche d'une courbe auxiliaire dans la résolution du célèbre problème de la duplication du cube, autrefois (déjà...) étudié par Ménechme.

Les coniques, en tant que courbes algébriques planes du second degré (l'appellation est de Leibniz), ne furent introduites qu'au 17è siècle avec Descartes puis Wallis. Les quatre premiers livres qui nous sont parvenus furent réédités à Oxford par Gregory et Halley en 1710.

Le reste de l'ouvrage nous fut transmis par les mathématiciens arabes. Les autres résultats d'Apollonius sont, en majorité, perdus. Certains purent être reconstitués grâce à l'historien des sciences de l'Antiquité que fut Pappus d'Alexandrie. C'est ainsi que son Traité des contacts (» ci-après), relatifs à la construction de cercles soumis à certaines conditions (passer par des points, tangents à des droites ou des cercles donnés) a pu être reconstitué.

Coniques par foyer(s) et directrice(s) : »          Sections spiriques : »        Sections coniques selon d'Alembert : »
 
Sections coniques & théorème d'Apollonius :

Considérons un cône de révolution et soit (π) le plan passant par le sommet du cône et parallèle au plan de section (q).

Théorème :  

En dehors des cas particuliers listés ci-dessous, selon que (π) contient 0, 1 ou 2 génératrices,
on obtient une ellipse (E) ou un
cercle, une parabole (P) ou une hyperbole
(H).

Plus précisément, avec l'aide de la figure ci-contre :

 En dehors du cercle déjà bien connu et nommé cyclos, selon Eutocius d'Ascalon, c'est à Apollonius que l'on doit la paternité des dénominations parabole, ellipse et hyperbole dans son traité des sections coniques.

Cependant, dans son Histoire des mathématiques (tome 1), Jean-Etienne Montucla (mathématicien français et historien des mathématiques, 1729-1799, » réf.1) attribue l'appellation parabole à Archimède, sans préjuger des deux autres, car ce dernier l'utilisa auparavant dans le calcul de l'aire sous l'arche de cette courbe par la méthode d'exhaustion.

Parabole : parabolê, para = à côté et ballein = lancer, jeter. La parabole correspond à la trajectoire d'un projectile lancé et retombant à terre. Parabolê a aussi le sens de simple, naturel. En terme d'excentricité, on a e = 1.

Étude de la parabole : »

Hyperbole : hyperbolê, hyper = au-delà et ballein = lancer, soit : jeter au-delà de toute limite. Elle correspond à une position limite du plan (q) : parallèle à l'axe du cône, donc à une trajectoire parabolique limite non observée en tant que trajectoire d'un projectile lancé. De plus, hyperballein signifie aussi excéder, dépasser. Son excentricité est e > 1. Ainsi hyperbole apparaît antinomique à ellipse.

Étude de l'hyperbole : »

Ellipse : du grec ellipsis = déficient, défectueux. Pour Apollonius, cela correspond dans ses travaux, basés sur des considérations d'aires, à une caractéristique fondamentale : ce qu'on appelle depuis Kepler, l'excentricité e < 1.

Étude de l'ellipse & cas du cercle : »

Définition bifocale de l'ellipse et de l'hyperbole :

C'est encore à Apollonius, que l'on doit les premières définitions bifocales pour signifier au moyen de deux foyers, le terme est dû à Kepler au 17è siècle.

Le cas de la parabole est particulier : son excentricité (» Pappus) est 1. Elle ne possède qu'un seul foyer. Apollonius ne dit rien à son propos, à moins, pour certains historiens, que ses écrits ne nous soient pas parvenus. Pour la caractériser, outre son foyer, il faut connaître aussi sa directrice ou son paramètre, coefficient p dans l'équation réduite y2 = 2px,

»  Ménechme , Pappus d'Alexandrie

     Une intéressante concrétisation des sections coniques par le travail d'un artisan espagnol, tourneur sur bois et du réalisateur espagnol Alejandro Amenábar :


Le traité des contacts et l'Apollonius Gallus de Viète :

Selon Pappus d'Alexandrie, Apollonius avait écrit un  petit traité dit des contacts, aujourd'hui perdu, relatifs à la construction de cercles soumis à trois conditions. Par contact, on entend tangence :  du latin cum = avec, ensemble et tactus = touché, participe passé de tangere = toucher. Dans ce traité, on cherche à construire un cercle tangent à 1, 2 ou 3 droites, ou cercles, et passant par 1, 2 ou 3 points en se limitant à 3 contraintes de ce type et en recherchant si la solution est unique ou non.

Le sujet intéressera tout particulièrement François Viète (Apollonius Gallus, 1600, » réf.1) et bien d'autres dont René Descartes (» réf.7), Gergonne, Euler, Newton, Steiner, Lemoine.

Viète traite les différents cas en supposant les objets mathématiques (points, droites, cercles) en position générale : c'est à dire que les cas particuliers ne sont généralement pas traités. Les solutions de ces problèmes de construction, relativement difficiles, utilisent principalement les notions de puissance d'un point par rapport à un cercle disparue des programmes du secondaire. L'usage d'une transformation géométrique (non affine), l'inversion, apparue dans les années 1840, facilite la résolution de ces problèmes en en donnant des solutions plus synthétiques.

Les références à ces problèmes sont très nombreuses sur le Net et certains auteurs ont décrit avec précision les diverses solutions. Le lecteur intéressé pourra consulter les liens indiqués in fine, en particulier une étude complète de Patrice Debart (» réf.6). Dans l'étude suivante, certains cas particuliers, procurant des exercices niveau collège/lycée sont cependant étudiés.

Mais combien y a-t-il de problèmes distincts ?   

Il s'agit de combinaisons avec répétition. C(n,p) désignant le nombre de combinaisons sans répétions de n objets pris p à p, la réponse est C(n + p - 1,p) donc ici C(3 + 3 - 1,3) = C(5,3) = 10.

La classification usuelle utilise la notation PPP (passant par 3 points), PPD (passant par deux points, tangent à un cercle), PCC (passant par un point, tangent à deux cercles), ..., CCC (tangent à trois cercles), la numérotation de 1 à 10 est celle de Viète dans son Apollonius Gallus. Le 10ème problème, le plus difficile est baptisé à lui seul problème d'Apollonius... :

1. PPP → passer par 3 points non alignés A, B et C : solution unique, le cercle circonscrit au triangle ABC.

2. PPD → passer par deux points et tangent à une droite ne contenant pas ces points : 2 solutions en général. Un cas particulier est intéressant au niveau collège : » cas PPD

3. DDD → être tangent à trois droites : si les droites s'intersectent pour former un triangle, une solution est le cercle inscrit dans ce triangle, 3 autres solutions sont les cercles exinscrits. En tout 4 solutions. Si deux des trois droites sont parallèles,  il y  2 solutions : » cas DDD. Si les 3 droites sont parallèles : aucune solution !

4. PDD → passer par un point et tangent à deux droites. Si les droites ne sont pas parallèles, 1 solution en application de l'homothétie. Si les droites sont parallèles et le point situé à l'intérieur de la bande limitée par les deux droites, on a deux solutions. Ce cas est exploitable au niveau collège/lycée : » cas PDD.

5. DDC → être tangent à deux droites et à un cercle : Viète ramène ce cas au problème précédent (PDD) au moyen de droites auxiliaires : » cas DDC

6. PDC → passer par un point et être tangent à une droite et à un cercle. Viète ramène ce cas au problème 2 (PPD). Si vous en perdez votre latin, voyez ici : cas PDC...

7. DCC → être tangent à une droite et à deux cercles.

8. PPC → passer par deux points et être tangent à un cercle : c'est une belle et simple utilisation de la puissance d'un point par rapport à un cercle et du cas particulier de la tangente, » étude du cas PPC

9. PCC → passer par un point et être tangent à deux cercles.

10. CCC être tangent à trois cercles : c'est LE problème d'Apollonius, le seul cas vraiment difficile. Pour une configuration donnée, il y a au plus 8 cercles répondant à la question. On trouvera une très intéressante étude de ce problème, basée sur celle de Viète (Apollonius Gallus,1600), sur le site Abracadabri (cliquez sur la figure).

Le théorème d'Apollonius, dit "de la médiane", et ses variantes :

Dans un triangle ABC, si I est le pied de la médiane issue de A, on a :

AB2 + AC2 = 2AI2 + 2IB2    ou encore :  

       (2)

Preuve : On calcule les carrés scalaires AB2 et AC2 en introduisant le point I au moyen de la formule de Chasles, on ajoute membre à membre et on remarque que :

AI.IB + AI.IC = AI.(IB + IC) = 0.

La formulation (2) permet d'énoncer : l'ensemble des points M du plan dont la somme des carrés des distances à deux points donnés B et C est constante est généralement un cercle de centre I, milieu de [BC].

En effet : posons MB2 + MC2 = k > 0 et BC = a, on a 2MI2 + a2/2 = k, le rayon R est MI, soit :

Si k = a2/2, l'ensemble se réduit au point I et si k = a2, on retrouve le cercle de diamètre BC.

» on obtient aujourd'hui aisément ce théorème grâce à l'usage du produit scalaire.

 Une application du théorème de la médiane :
Sur l'hypoténuse d'un triangle ABC rectangle en B, on suppose placés D et E tels que AE = ED = DC sachant que BE = 6, BD = 5. On demande de calculer AB et AC.
Indications : poser x = AE et appliquer le théorème de la médiane dans les triangles ABD et EBC. On trouvera sans grande difficultés x2 = 12,2, AB2 = 71,4 et BC2 = 38,4. Le calcul de AB2 et BC2 s'obtiendra en remarquant que, connaissant x2, on peut évaluer AB2 + BC2 et AB2 - BC2.

»  Stewart                 Voir aussi

  Variante 1 du théorème :        

Si H est le pied de la hauteur issue de A, en décomposant AI en IH - IA on a :

AB2 - AC2 = 2IH x BC

ou encore :

| AB2 - AC2 | = 2IH x BC

Preuve : On reprend les carrés scalaires AB2 et AC2 précédents en soustrayant cette fois membre à membre et en remarquant que : IB - IC = CB.

  Variante 2 du théorème :    

En appelant J le milieu de BC et K celui de AC et en écrivant trois fois la formule (2) par permutation de A, B et C, on obtient ce joli résultat : 

4 x (AI2 + BJ2 + CK2)  = 3 x (AB2 + BC2 + CA2)

Cercle d'Apollonius :

On doit aussi à Apollonius ce théorème autrefois au programme de la classe de Première :

L'ensemble des points du plan dont le rapport des distances à deux points fixes A et B est constant et distinct de 1
est un cercle de diamètre [IJ] où I et J sont les points de la droite (AB) divisant le segment [AB] dans le rapport k
.

La figure ci-dessous est générée au moyen du logiciel de géométrie dynamique Cabri Géomètre, dans sa version CabriJava pour Internet :


Si votre navigateur accepte les applets Java (» extension CheerpJ) :
On a ici MA/MB = 2. Pour arrêter/relancer M, cliquez dans la figure

Ainsi la division [A,B,I,J] est harmonique (concept qui sera étudié plus particulièrement par Pappus d'Alexandrie) et (MI) et (MJ) sont les bissectrices de l'angle ^AMB.

Ensemble des points M du plan vérifiant MA/MB = k :  »

Lieux plans d'Apollonius :

Fermat, grand admirateur des géomètres de l'Antiquité, tint à faire connaître les travaux d'Apollonius en les traduisant en latin (langue véhiculaire à l'époque pour les recherches scientifiques) à partir des textes grecs transmis par Pappus d'Alexandrie. Dans son Apollonii pergaei libri duo de locis planis retituti, il salue un ouvrage où resplendissent les merveilles de la Géométrie (» ref.8). Cette "restitution" des lieux plans nous expose effectivement un grand nombre de propositions très élaborées relatives à des lieux géométriques (» d'Alembert) de points dans des configurations souvent extrêmement subtiles plongeant le lecteur dans l'admiration 2200 ans après leur rédaction... Le lien ci-dessous correspond à la traduction française de Paul Tannery et Charles Henry édité par Gauthier-Villars en 1896.


   Pour en savoir plus :

  1. Histoire des mathématiques de Jean-Etienne Montucla (T1, p. 246) : https://books.google.fr/books?id=HTYsFRW5FC8C

  2. a) L'Apollonius Gallus, en latin, sur Gallica : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-107597&I=328&M=tdm
    b) Sur Google Livres : https://books.google.fr/books?id=ahQ8AAAAcAAJ

  3. Sur le site de l'APMEP, une étude historique des 10 problèmes par Anne Boyé, IREM Nantes :
    http://www.apmep.fr/IMG/pdf/Di-04-Boye-apollonius-red.pdf

  4. Sur le site Abracadabri : http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/GeoPlane/Puissance/VieteDynamik.html

  5. Problèmes d'Apollonius sur le site mathafou de Philippe Chevanne : http://mathafou.free.fr/pbg/sol136.html

  6. Problèmes de contacts, constructions de cercles sur le site de Patrice Debart : http://www.debart.fr/pdf/construc_cercle.pdf

  7. Théorème de Descartes et cercles de Soddy : http://debart.pagesperso-orange.fr/seconde/Theoreme_Descartes.html

  8. Lieux plans d'Apollonius, traduction des écrits latins de Fermat (Tome 3 des des œuvres complètes, univ. du Michigan, USA) :
    https://quod.lib.umich.edu/u/umhistmath/ABR8792.0003.001/8?rgn=full+text;view=pdf


Ératosthène  Conon de Samos
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