ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
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ÉRATOSTHÈNE de Cyrène, grec, vers -276/-196

Astronome, mathématicien, géographe et philosophe renommé : il fut bibliothécaire à Alexandrie à la demande de Ptolémée III (roi d'Égypte) et connut Archimède. Ératosthène se distingua en arithmétique, avec son célèbre crible (évoqué ci-après) dressant la table des nombres premiers, en géométrie, où il apporte une une méthode de résolution mécanique de la duplication du cube par insertion de moyennes proportionnelles au moyen de son mésolabe, et en astronomie, où il établit des résultats remarquables comme le premier calcul du méridien terrestre (local) vers 230 avant J.-C. ainsi que le calcul de l'inclinaison de l'écliptique par rapport au plan de l'équateur terrestre. On savait depuis Parménide d'Élée, philosophe grec qui vécut vers -530 av. J-C. et selon certains auteurs depuis Pythagore, que la Terre est quasiment sphérique.

Les historiens s'accordent pour attribuer à Ératosthène l'invention des armilles (du latin armilla = bracelet), cercles et disques métalliques gradués permettant de repérer la position les astres de la sphère céleste. Hipparque et  Ptolémée en feront grand usage (» réf.4a). L'astrolabe d'Hipparque, sphère armillaire, composée d'armilles imbriquées (verticale, horizontale, inclinée), perfectionna le principe. Les astronomes arabes du Moyen Âge apporteront des améliorations substantielles dans la précision de ces instruments (» réf.4b) qui seront utilisés jusqu'au 17è siècle, époque où la lunette astronomique de Galilée apporta une précision sans commune mesure.

Crible d'Ératosthène :

 

Ératosthène est célèbre pour son crible, (du latin criblum = tamis) permettant de reconnaître les nombres premiers inférieurs à un entier N donné :

Rappelons qu'on qualifie de premier tout nombre entier n'ayant que deux diviseurs distincts 1 (diviseur commun à tous les entiers) et lui-même. La méthode repose sur une conséquence élémentaire d'un résultat fondamental établi par Euclide selon laquelle :

Si n est un entier non premier, alors n admet un diviseur premier k tel que k2 ≤ n

Considérons par exemple N = 100; on dresse la table des entiers de 1 à 100.

 

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
31 ...                
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
31 ...                
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
31 ...                

On obtient finalement le crible des nombres premiers inférieurs à 100, au nombre de 25 :

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
41 42 43 44 45 46 47 48 49 50
51 52 53 54 55 56 57 58 59 60
61 62 63 64 65 66 67 68 69 70
71 72 73 74 75 76 77 78 79 80
81 82 83 84 85 86 87 88 89 90
91 92 93 94 95 96 97 98 99 100

 
Crible : programme JavaScript Recherche de  nombres premiers dans une fourchette donnée 

L'arithmétique d'Euclide : multiples, diviseurs, PGCD, nombres premiers, ... : »

»  Derrick H. Lehmer

Calcul du méridien terrestre :

En astronomie, Ératosthène se distingua par son remarquable calcul de la longueur du méridien terrestre qu'il évalue à environ 40000 km en remarquant qu'au solstice d'été, le soleil est au zénith à Syène (point S, aujourd'hui Assouan), située au sud d'Alexandrie et approximativement  sur le même méridien (à 3° près, point A) où, à la même époque (même jour, solstice d'été), l'ombre d'un obélisque indique que les rayons solaires font un angle ^ABC par rapport à la verticale correspondant à un cinquantième de cercle (1/50ème).

   Dire que le Soleil est au zénith à Syène au solstice d'été signifie que les rayons "frappent" le sol à la verticale. Autrement dit, Syène est situé sur le tropique du Cancer, ce qui est approximativement exact : 24° 05' de latitude nord, tropique du cancer : 23° 26'.

            

Les rayons du Soleil sont considérés comme parallèles : il nous apparaît comme un disque lumineux dont le diamètre apparent est celui de la Lune (à ne jamais regarder sans protection adaptée : quelques secondes suffises pour bruler la rétine). Mais il est très éloigné, à environ 150 millions de km de la Terre. Sur le schéma à droite ci-dessus, un point lumineux S envoie sur la Terre un faisceau conique et plus il s'éloigne, plus l'angle sous lequel on le voit diminue. A la limite, si S est à l'infini, cet angle est nul. C'est presque le cas pour le Soleil : l'angle vaut environ 18 secondes d'angle, soit ≅ 0,005°; ses rayons nous semblent parallèles.

L'angle ^ABC a donc même mesure que ^ATS (angles alternes-internes), à savoir 1/50è de cercle. Eratosthène évalue à 5000 stades la distance d'Alexandrie à Syène en suivant un chemin nord-sud, donc un arc de méridien local. Le stade était une meure de distance utilisée dans les compétitions sportives valant approximativement 158 m. Avec ces données, un méridien correspond à 5000 × 50 stades = 250 000 stades, soit 39500 km, ce qui indique un rayon terrestre R défini par  2πR = 39500, soit R ≈ 6287 km. Si l'on considère, de nos jours, le rayon moyen de la Terre égal à 6371 km, le résultat d'Ératosthène est donc tout à fait remarquable : moins de 2% d'erreur.


D'une façon générale, en notations d'aujourd'hui, si A et B sont deux lieux situés sur un même méridien (même longitude), notons :

On a les relations :

z = | x - y | , L = 2πR = 360d/z

 » parallaxe          »  Aristarque , Snellius             Horizon
 
Calcul de l'obliquité de l'écliptique :


L'obliquité de l'écliptique dans son aspect héliocentrique depuis Kepler (la Terre tourne autour du Soleil)

Eratosthène évalua l'inclinaison du plan de l'équateur terrestre par rapport au plan de l'écliptique. Sa méthode n'est pas connue. Sans doute a-t-il mesuré à l'aide d'une armille la distance angulaire des rayons solaires lors d'un solstice d'été et un solstice d'hiver. Exprimée en fraction de circonférence, selon F. Hoefer (ref.1a, page 157) il aurait trouvé 11/83, ce qui correspond degrés et minutes d'angle à :

360° × 11/83 ÷ 2 = 23°,8554... = 23° + 0,8554... × 60  ≈ 23° 51'

Elle est évaluée de nos jours à 23 26' 12". Un très bon résultat donc, obtenu il y 2300 ans avec des moyens précaires qui honore tant ce brillant astronome et mathématicien que l'humanité tout entière. Hipparque et  Ptolémée ne feront pas mieux et adopteront cette approximation.


Histoire de l'astronomie depuis ses origines jusqu'à nos jours
de Ferdinand Hoefer, Librairie Hachette (1873), page 157,
» réf.1



   Pour en savoir plus :

  1. Histoire de l'astronomie depuis ses origines jusqu'à nos jours, par Ferdinand Hoefer (1811-1878) :
    a) https://books.google.fr/books?id=X79KAAAAMAAJ (page 151 et suivantes de la pagination)
    b) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k949337/ (moins bonne qualité que le lien précédent)

  2. Le Système du Monde, tome 1, La cosmologie hellénique, Ch. III, pages 111-129, par Pierre Duhem (1861-1916) sur Gallica :
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97527176

  3. Ératosthène et la mesure du rayon terrestre (Eduscol, ENS Lyon) :
    https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Terre-ronde-Eratosthene.xml

  4. a) Armille (instrument de mesure astronomique) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Armille_(astronomie)
    b) Mémoire sur les instruments astronomiques des Arabes, par Louis Amélie Sédillot (1844) :
    https://www.persee.fr/docAsPDF/mesav_0398-3587_1844_num_1_1_1004.pdf


Archimède  Apollonius de Perge
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