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COURBE, adj. pris subst. (adjectif pris substantivement) est, dit-on, une ligne dont les différents points sont dans différentes directions ou sont différemment situés les uns par rapport aux autres. C'est du moins la définition que donne Chambers après une foule d'auteurs. Courbe, ajoute-t-on, pris en ce sens, est opposé à ligne droite dont les points sont tous situés de la même manière les uns par rapport aux autres.
→ Ephraïm
Chambers est un éditeur anglais (1680?-1740) qui écrivit à
lui seul une encyclopédie appelée
Cyclopædia, Dictionnaire Universel
des Arts et des Sciences dont on dit qu'elle incita Diderot à faire de
même en France.
On trouvera peut-être chacune de ces deux définitions peu précise et on n'aura pas tort. Cependant elles paraissent s'accorder assez avec l'idée que tout le monde a de la ligne droite et de la ligne courbe : d'ailleurs il est très difficile de donner de ces lignes une notion qui soit plus claire à l'esprit que la notion simple qu'excite en nous le seul mot de droit et de courbe.
La définition la plus exacte qu'on puisse donner de l'une et de l'autre, est peut-être celle-ci : La ligne droite est le chemin le plus court d'un point à un autre et la ligne courbe est une ligne menée d'un point à un autre et qui n'est pas la plus courte. Mais la première de ces définitions renferme plutôt une propriété secondaire que l'essence de la ligne droite et la seconde, outre qu'elle ne renferme qu'une propriété négative, convient aussi bien à un assemblage de lignes droites qui font angle, qu'à ce qu'on appelle proprement courbe et qu'on peut regarder comme l'assemblage d'une infinité de petites lignes droites contiguës entre elles à angles infiniment obtus. Peut-être ferait-on mieux de ne point définir la ligne courbe ni la ligne droite, par la difficulté et peut-être l'impossibilité de réduire ces mots à une idée plus élémentaire que celle qu'ils présentent d'eux-mêmes.
Les figures terminées par des lignes courbes sont appelées figures curvilignes, pour les distinguer des figures qui sont terminées par des lignes droites et qu'on appelle figures rectilignes.
La théorie générale des courbes, des figures qu'elles terminent et de leurs propriétés, constitue proprement ce qu'on appelle la haute géométrie ou la géométrie transcendante. On donne surtout le nom de géométrie transcendante à celle qui, dans l'examen des propriétés des courbes, emploie le calcul différentiel et intégral.
Il ne s'agit point ici, comme on peut bien le croire, des lignes courbes que l'on peut tracer au hasard et irrégulièrement sur un papier. Ces lignes, n'ayant d'autre loi que la main qui les forme, ne peuvent être l'objet de la Géométrie; elles peuvent l'être seulement de l'art d'écrire. Un géomètre moderne a pourtant cru que l'on pouvait toujours déterminer la nature d'une courbe tracée sur le papier; mais il s'est trompé en cela. Nous en donnerons plus bas la preuve.
Nous ne parlerons d'abord ici que des courbes tracées sur un plan et qu'on appelle courbe à simple courbure. On verra dans la suite la raison de cette dénomination. Pour déterminer la nature d'une courbe, on imagine une ligne droite tirée dans son plan à volonté.
Par tous les points de cette ligne droite, on imagine des lignes tirées parallèlement et terminées à la courbe. La relation qu'il y a entre chacune de ces lignes parallèles et la ligne correspondante de l'extrémité de laquelle elle part, étant exprimée par une équation, cette équation s'appelle l'équation de la courbe.
Dans une courbe, la ligne AE qui divise en deux également les lignes parallèles MM, est ordinairement appelée diamètre. Si le diamètre coupe ces lignes à angles droits, il est appelé axe; et le point A par où l'axe passe est appelé le sommet de la courbe. Les lignes parallèles MM sont appelées ordonnées ou appliquées et leurs moitiés PM demi-ordonnées ou ordonnées.
La portion du diamètre AP, comprise entre le sommet ou un autre point fixe et l'ordonnée est appelée abscisse.
(...) Au reste, on donne aujourd'hui en général le nom d'axe à toute ligne tracée dans le plan de la courbe et à laquelle se rapporte l'équation; on appelle l'axe des x, ou simplement axe, la ligne sur laquelle se prennent les abscisses et axe des y, la ligne parallèle aux ordonnées et passant par le point où x = 0. Ce point est nommé l'origine des coordonnées ou l'origine de la courbe.
Descartes est le premier qui ait pensé à exprimer les lignes courbes par des équations. Cette idée sur laquelle est fondée l'application de l'Algèbre à la Géométrie est très heureuse et très féconde.
Il est visible que l'équation d'une courbe étant résolue, donne une ou plusieurs valeurs de l'ordonnée y pour une même abscisse x et que par conséquent une courbe tracée n'est autre chose que la solution géométrique d'un problème indéterminé, c'est-à-dire qui a une infinité de solutions : c'est ce que les anciens appelaient lieu géométrique. Car quoiqu'ils n'eussent pas l'idée d'exprimer les courbes par des équations, ils avaient vu pourtant que les courbes géométriques n'étaient autre chose que le lieu, c'est à dire la suite d'une infinité de points qui satisfaisaient à la même question.
par exemple, que le cercle était le lieu de tous les points qui désignent les sommets des angles droits, qu'on peut former sur une même base donnée, laquelle base est le diamètre du cercle, et ainsi des autres.
→ En parlant des "anciens", d'Alembert fait allusion à Apollonius de Perge et son traité sur les lieux plans rapportés par Pappus d'Alexandrie et dont Fermat (1629) a repris toutes les propositions pour honorer l'illustre géomètre grec (» Appllonius-ref.8). Jusqu'a une époque encore récente, avant l'apparition des mathématiques dites "modernes" dans l'enseignement secondaire, on parlait de lieu géométrique pour signifier un ensemble de points dans le plan ou l'espace, caractérisés par une propriété invariante au sein d'une configuration géométrique donnée et susceptibles de former une figure particulière. On parle aujourd'hui simplement d'ensemble de points. Exemples :
La médiatrice d'un segment [AB], ensemble des points équidistants de A et B;
L'hyperbole équilatère définie dans un repère du plan en tant qu'ensemble des points M(x,1/x) lorsque x décrit R*.
La parabole définie par un point F (foyer) et une droite Δ (directrice), ensemble des points M tels que MF = d(M,Δ).
Voyez aussi cet exercice (conchoïde).
Les courbes se divisent en algébriques, qu'on appelle souvent avec Descartes courbes géométriques; et en transcendantes, que le même Descartes nomme mécaniques. Les courbes algébriques ou géométriques sont celles où la relation des abscisses AE aux ordonnées EM est ou peut être exprimé par une équation algébrique.
Supposons,
par exemple, que dans un cercle on ait AB = a, AP = x, PM = y; on
aura PB = a - x : par conséquent, puisque PM2 = AP
x PB,
on aura yy = ax - xx; ou bien si on suppose PC = x, AC = a, PM = y,
on aura MC2 - PC2 = PM2,
c'est-à-dire a2 - x2 =
y2.
Il est visible par cet exemple, qu'une même courbe peut être représentée par différentes équations. Ainsi sans changer les axes dans l'équation précédente, si on prend l'origine des x au sommet du cercle, au lieu de les prendre au centre, on trouve, comme on vient de le voir, yy = ax - xx pour l'équation.
Plusieurs auteurs, après Descartes, n'admettent que les courbes géométriques dans la construction des problèmes et par conséquent dans la Géométrie; mais M. Newton et après lui, MM. Leibnitz et Wolf (voir ci-dessous) sont d'un autre sentiment et prétendent avec raison que dans la construction d'un problème, ce n'est point la simplicité de l'équation d'une courbe qui doit la faire préférer à une autre mais la simplicité et la facilité de la construction de cette courbe.
→ Johann Christian, baron de Wolf, philosophe et mathématicien allemand (1679-1754). Il enseigna aux universités de Halle et Marburg. Outre de nombreux écrits de philosophie, il écrivit des articles dans les Acta Eruditorum, revue littéraire et philosophique fondée à Leipzig en 1682 par Othon Mencke, professeur de philosophie dans cette ville, avec la collaboration de Leibniz.
→ Il y a là un renvoi à équation transcendante : "sont celles qui ne renferment point, comme les équations algébriques, des quantités finies, mais des différentielles ou fluxions (dérivées) de quantités finies, bien entendu que ces équations entre les différentielles doivent être telles qu'elles ne puissent se réduire à une équation algébrique". Telle est l'équation d'une courbe dont l'équation différentielle ne conduit pas à une relation algébrique entre x et y mais une solution sous la forme d'un développement en série de y en fonction de x : "équation algébrique d'une infinité de termes".
Descartes exclut ces courbes de la géométrie mais Newton et Leibnitz sont d'un avis contraire pour la raison que nous venons de dire. En effet une spirale, par exemple, quoique courbe mécanique, est plus aisée à décrire qu'une parabole cubique. → d'équation y2 = x3.
L'équation d'une courbe mécanique ne peut être exprimée que par une équation différentielle entre les dy et les dx. Entre ces deux genres de courbes, on peut placer :
Les courbes exponentielles dans l'équation desquelles une des inconnues, ou toutes les deux entrent en exposant, comme une courbe dont l'équation serait
- Les courbes intertranscendantes dans l'équation desquelles les exposants sont des radicaux, comme :
→ intertranscendante : le terme est de Leibniz pour désigner les fonctions puissances ya lorsque a est irrationnel.
Ces deux espèces de courbes ne sont proprement ni géométriques ni mécaniques, parce que leur équation est finie sans être algébrique.
Une courbe algébrique est :
infinie, lorsqu'elle s'étend à l'infini, comme la parabole et l'hyperbole;
finie, quand elle fait des retours sur elle-même comme l'ellipse;
mixte, quand une de ses parties est infinie et que d'autres retournent sur elles-mêmes.
Pour se former l'idée d'une courbe par le moyen de son équation, il faut imaginer que l'équation de la courbe soit résolue, c'est-à-dire qu'on ait la valeur de y en x. Cela posé, on prend toutes les valeurs positives de x depuis 0 jusqu'à l'infini et toutes les valeurs négatives depuis 0 jusqu'à - l'infini. Les ordonnées correspondantes donneront tous les points de la courbe, les ordonnées positives étant prises toutes du même sens et les négatives du côté opposé. Voilà ce qu'on trouve dans tous les algébristes et géomètres modernes. Mais aucun n'a donné la raison de cette règle. Nous la donnerons dans la suite de cet article, après avoir parlé auparavant de la transformation des axes d'une courbe.
→ Il est alors développé l'avantage des changement de repère dans l'étude d'une courbe ou d'un lieu géométrique afin que les abscisses et les ordonnées deviennent positives, quitte à étudier la courbe par morceaux. Il est fait allusion à Cramer et à son Analyse des lignes courbes. A cette époque, on n'aime pas trop les valeurs négatives, alors on explique comment y échapper :
(...) Supposant x positive, toutes les valeurs de y tant positives que négatives, appartiennent à la courbe ; mais au lieu de prendre la ligne des x pour l'axe, on peut prendre la ligne des y et alors on aura des valeurs tant positives que négatives de x, lesquelles par la même raison appartiendront aussi à la courbe. Donc la courbe renferme toutes les valeurs des y répondantes à une même x et toutes les valeurs de x répondantes à une même y; ou ce qui revient au même, elle renferme toutes les valeurs positives et négatives de y répondantes, soit aux x positives, soit aux x négatives.
En effet, si dans la valeur de y qui répond aux x positives, on change les signes des termes où x se trouve avec une dimension impaire, on aura la valeur de y correspondante aux x négatives et cette équation sera évidemment la même qu'on aurait en résolvant l'équation en x et en y, après avoir changé d'abord dans cette équation les signes des termes où x se trouve avec une dimension impaire (puissances impaire).
Or je dis que cette dernière équation appartient également à la courbe car ordonnons l'équation primitive par rapport à x, avant d'avoir changé aucun signe et cherchons les valeurs de x en y; nous venons de voir que les valeurs, tant positives que négatives de x, appartiennent à la courbe. Or les valeurs négatives sont les mêmes que l'on aurait avec un signe positif en changeant, dans l'équation primitive, les signes des termes où x se trouve avec une dimension impaire; car on sait que dans une équation ordonnée en x, si on change les signes des termes où x se trouve avec une dimension impaire, toutes les racines changent de signe sans changer d'ailleurs de valeur (→ absolue!).
Donc l'équation en x, avec le
changement des signes indiqué, appartient aussi bien à
la courbe que l'équation en x, sans changer aucun signe. Il
est donc important de changer les signes de x, s'il est
nécessaire, pour avoir la partie de la courbe qui
s'étend du côté des x négatives. En effet
soit, par exemple, yy = aa - xx l'équation du cercle, on aura,
en prenant x positive,
et en faisant x négative, on aura de même
: ce qui donne le cercle entier. Si on prenait seulement x positive,
on n'aurait que le demi-cercle et si on ne prenait y que positive, on
n'aurait que le quart du cercle.
Voilà donc une démonstration générale de ce que tous les géomètres n'ont supposé jusqu'à présent que par induction. En effet ils ont vu, par exemple, que si y = a - x, c'est l'équation d'une ligne droite qui coupe son axe au point où x = a et qui ensuite passe de l'autre côté. Or quand x > a, on a y négative ; ainsi ont-ils dit, l'ordonnée négative doit être prise du côté opposé à la positive.
Ils ont vu encore que y = ± p√x est l'équation de la parabole et que cette courbe a en effet deux parties égales et semblables, l'une à droite & l'autre à gauche de son axe, ce qui prouve que -p√x doit être prise du côté opposé à p√x. Plusieurs autres exemples pris du cercle, des sections coniques rapportées à tel axe qu'on jugera à propos, ont prouvé la règle de la position des ordonnées et la nécessité de prendre x négative, après l'avoir pris positive. On s'en est tenu là, mais ce n'était pas une démonstration rigoureuse. Les différentes valeurs de y répondantes à x positive et à x négative, donnent les différentes branches de la courbe.
→ Au terme branche, il est dit : "Les géomètres n'ont pas encore bien fixé la signification du mot branche. Branche infinie. Branches paraboliques : branches hyperboliques. Toutes les branches infinies sont ou hyperboliques ou paraboliques".
Lorsqu'on a ordonné l'équation d'une courbe par rapport à y ou à x, s'il ne se trouve point dans l'équation de terme constant, la courbe passe par l'origine ; car en faisant x = 0 et y = 0 dans l'équation, tout s'évanouit. Donc la supposition de y = 0 quand x = 0, est légitime. Donc la courbe passe par le point où x = 0.
En général, si on ordonne l'équation d'une courbe par rapport à y, en sorte que le dernier terme ne contienne que x avec des constantes et qu'on cherche les valeurs de x propres à rendre ce dernier terme égal à zéro, ces valeurs de x donneront les points où la courbe coupera son axe car puisque ces valeurs de x substituées dans le dernier terme le rendront égal à 0, on prouvera par le même raisonnement que ci-dessus, que dans les points qui répondent à ces valeurs de x, on a y = 0.
Lorsque la valeur de
l'ordonnée y est imaginaire,
la courbe manque dans ces endroits-là; par exemple, lorsque x
> a dans l'équation
,
la valeur de y est imaginaire : aussi le cercle n'existe point
dans les endroits où x > a, de même si dans
l'équation y = ± p√x,
on fait x négative, on trouvera y imaginaire, ce qui prouve
que la parabole ne passe point du côté des x
négatives.
(...) Cours d'une courbe : Pour déterminer le cours d'une courbe, on doit d'abord résoudre l'équation de cette courbe et trouver la valeur de y en x ; ensuite on prend différentes valeurs de x et on cherche les valeurs de y correspondantes; on voit par-là :
les endroits où la courbe coupe son axe, savoir les points où la valeur de y = 0;
Ensuite on fait les mêmes opérations, en prenant x négative. Par exemple, soit
l'équation d'une courbe, on aura donc
Ce qui fait voir : → par défaut, x est considéré positif
que chaque valeur de x donne deux valeurs de y, à cause du double signe ±;
que si x = 0, on a y = a ± a, c'est-à-dire y = 0 et y = 2a; → mieux vaudrait dire ici y = 0 ou y = 2a...
que si x = a, y est infini, et que par conséquent la courbe a une asymptote au point où x = a;
que si x est infini, on a y = ± x ; ce qui prouve que la courbe a des asymptotes qui font avec son axe un angle de 45 degrés;
en faisant x négative, on trouve :
équation sur laquelle on fera des raisonnements semblables.
→ on se ramène donc comme expliqué plus haut à x positif (-x a été changé en +x et x2 reste invariant) sachant que la courbe devra être tracée dans la région des x négatifs du repère.
On peut tracer à peu près une courbe par plusieurs points, en prenant plusieurs valeurs de x assez près l'une de l'autre, et cherchant les valeurs de y.
Courbes algébriques du même genre ou du même ordre ou du même degré, sont celles dont l'équation monte à la même dimension. Les courbes géométriques étant une fois déterminées par la relation des ordonnées aux abscisses, on les distingue en différents genres ou ordres; ainsi les lignes droites sont les lignes du premier ordre, les lignes du second ordre sont les sections coniques.
Il faut observer qu'une courbe du premier genre est la même qu'une ligne du second ordre, parce que les lignes droites ne sont point comptées parmi les courbes et qu'une ligne du troisième ordre est la même chose qu'une courbe du second genre. Les courbes du premier genre sont donc celles dont l'équation monte à deux dimensions; dans celle du second genre, l'équation monte à trois dimensions; à quatre dans celle du troisième genre, etc.
Par exemple, l'équation d'un cercle est y2 = 2ax - x2 ou y2 = a2 - x2; le cercle est donc une courbe du premier genre et une ligne du second ordre.
De même la courbe, dont l'équation est ax = y2, est une courbe du premier genre; et celle qui a pour équation ax = y3, est courbe du second genre et ligne du troisième ordre.
Sur les différentes courbes du premier genre et leurs propriétés, voyez SECTIONS CONIQUES au mot CONIQUE.
On a vu à cet article CONIQUE, quelle est l'équation la plus générale des lignes du second ordre et on trouve que cette équation a 3 + 2 + 1 termes; on trouvera de même que l'équation la plus générale des lignes du troisième ordre est
et qu'elle a 4 + 3 + 2 + 1 termes, c'est-à-dire 10; en général, l'équation la plus composée de l'ordre n, aura un nombre de termes égal à (n + 2)(n + 1)/2, c'est-à-dire à la somme d'une progression arithmétique dont n + 1 est le premier terme et 1 le dernier.
Il est clair qu'une droite ne peut jamais rencontrer une ligne du n-ème ordre qu'en n points tout au plus car quelque transformation qu'on donne aux axes, l'ordonnée n'aura jamais que n valeurs réelles tout au plus puisque l'équation ne peut être que du degré n. On peut voir dans l'ouvrage de M. Cramer, déjà cité, plusieurs autres propositions, auxquelles nous renvoyons, sur le nombre des points où les lignes de différents ordres ou du même ordre peuvent se couper.
Nous dirons seulement que l'équation d'une courbe de degré n étant ordonnée, par exemple par rapport à y, en sorte que yn n'ait pour coefficient que l'unité, cette équation aura autant de coefficients qu'il y a de termes, moins un, c'est-à-dire, (n2 + 3 n)/2. Donc si on donne un pareil nombre de points, la courbe du n-ème ordre qui doit passer par ces points sera facilement déterminable car en prenant un axe quelconque à volonté et menant des points donnés des ordonnées à cet axe, on aura (n2 + 3 n)/2 ordonnées connues ainsi que les abscisses correspondantes, et par conséquent on pourra former autant d'équations dont les inconnues seront les coefficients de l'équation générale. Ces équations ne donneront jamais (donneront toujours) que des valeurs linéaires pour les coefficients qu'on pourra par conséquent trouver toujours facilement.
Au reste il peut arriver que quelques-uns des coefficients soient indéterminés, auquel cas on pourra faire passer plusieurs lignes du même ordre par les points donnés; ou bien que les points donnés soient tels que la courbe n'y puisse passer : pour lors l'équation sera réductible en plusieurs autres rationnelles.
Par exemple, qu'on propose de faire passer une section conique par cinq points donnés car n étant égal à 2, (n2 + 3 n)/2 = 5 : il est visible que si trois de ces points sont en ligne droite, la section n'y pourra passer car une section conique ne peut jamais être coupée qu'en deux points par une ligne droite puisque son équation n'est jamais que de deux dimensions. Qu'arrivera-t-il donc ? l'équation sera réductible en deux du premier degré, qui représenteront non une section conique, mais le système de deux lignes droites et ainsi des autres.
(...) suit une étude très poussée des courbes algébriques de degré n, des notions de développée, de courbes transcendantes particulières, etc
Jean le Rond d'Alembert