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On apprend en classe terminale que l'intégrale de Riemann ∫[a,b]φ(x)dx d'une fonction φ d'une variable x, continue et positive sur un intervalle [a,b], permet en particulier de calculer l'aire de la surface plane "sous la courbe" définie par a ≤ x ≤ b, 0 ≤ y ≤ φ(x). Elle permet également le calcul du volume de certains solides, dont les volumes de type cylindrique comme illustré ci-dessous, ou de révolution comme la sphère, l'ellipsoïde, l'hyperboloïde, ... :
Cette même intégrale, dite simple permet aussi le calcul d'une longueur. L'intégrale d'une fonction de deux et de trois variables, on parle respectivement d'intégrale double et triple (§VIII), se rencontre fréquemment en sciences physiques et peuvent servir en particulier à calculer une aire, un volume, un centre de gravité, un moment d'inertie, etc. (» réf. 9-11)
I - Aire plane et intégrale double : |
On considère dans le plan rapporté à un repère orthonormé, un domaine (D) connexe fermé. Comme dans le cas de la définition de l'intégrale de Riemann, on peut recouvrir ce domaine par un pavage utilisant une subdivision de chacun des intervalles [a,b] et [c,d] :
Chaque élément pij du pavage est d'aire σij = ΔxiΔyj = (xi+1 - xi)(yj+1 - yj). Considérons alors une fonction de deux variables (x,y) → f(x,y), (x,y) décrivant (D). Choisissons dans chaque pavé pij un point de coordonnées mij(αi,βj) et considérons la somme :
S = Σijf(αi,βj) × σij
S est l'équivalent des sommes de Riemann rencontrées dans le cas d'une variable. Soit σx et σy les plus grands pas des subdivisions des intervalles [a,b] et [c,d] : σx = Max Δxi et σy = Max Δyj. Si, lorsqu'on augmente indéfiniment le nombre de points des subdivisions, de sorte que σx et σy tendent vers 0, la somme S admet une limite I finie pour toute subdivision et tout choix des mij, on peut démontrer que cette limite est indépendante tant des subdivisions que des points choisis. On dit alors que f est intégrable sur D et on écrit :
I = ∫∫Df(x,y)
dxdy
et on parle d'intégrale double.
Avant de donner des exemples d'application, voyons comment calculer une intégrale double et sous quelles conditions d'existence :
II - Calcul d'une intégrale double : |
f étant supposée intégrable sur D, choisissons une subdivision régulière de [a,b] ainsi que αi = xi et βj = yj pour tout i et j. nous avons :
En remarquant que Δxi = xi+1 - xi est constant, nous aurons :
Pour j tendant vers l'infini, l'expression entre crochet a pour limite l'intégrale de f(xi,y) sur un intervalle [ci,di], fonction de xi. Notons F(xi) cette intégrale. Nous aurons ensuite pour i infini :
➔ Les bornes cx et dx sont les limites fournies par y en tant que fonction de x dans le domaine (D). On aurait pu faire le choix initial d'une subdivision régulière en y : on obtient alors une formule semblable, c'est à dire la possibilité d'inverser l'ordre d'intégration. Finalement :
Finalement :
L'intégrale double se ramène ainsi à deux quadratures simples (intégrales "répétées")
♦ Trois résultats fondamentaux :
Si f est une fonction continue de (x,y) sur un pavé (D) = [a,b] × [c,d], alors f est intégrable sur (D);
Si, sur un domaine (D), on a f(x,y) ≤ g(x,y) et g intégrable sur (D), alors f intégrable sur (D);
Si, sur un domaine (D), on a f(x,y) ≥ g(x,y) et g non intégrable sur (D), alors f non intégrable sur (D).
♦ Résultat pratique :
Si f est intégrable sur (D) et si sur ce
domaine f(x,y) est un produit g(x) × h(y), alors ∫∫f(x,y)
dx
dy
= ∫
g(x)dx ×
∫
h(y)dy
➔ Par "construction" de l'intégrale double, on peut définir l'aire A(D) d'un domaine plan borné (D) lorsque f est la fonction caractéristique de (D), à savoir f(x,y) = 1 pour tout x et y de D et nulle partout ailleurs. En intégrant tout d'abord par rapport à y, une primitive de y → 1 est y, d'où :
A(D) = ∫∫1D
(x,y)
dx
dy
= ∫[a,b](∫
1D
dy)
dx
= ∫[a,b](∫
y(dx)
- y(cx))
dx
Exemple d'application :
Aire du disque unité : x2 + y2 ≤ 1 :
1D est ici la fonction valant 1 lorsque -1 ≤ x ≤ 1 avec -√(1 - x)2 ≤ y ≤ √(1 - x)2 et
nulle partout ailleurs. A = ∫∫1D
dxdy
= ∫[-1,1] (∫
2√(1 - x)2)dx
= 2∫[-1,1] √(1 - x)2dx.
En posant x = sin
u,
donc u = Asin
x, on se ramène à 2∫[-π/2,π/2]
cos
u2du;
or 2cos
u2
= 1 + cos
2u,
de primitive u + ½sin
2u.
D'où A = π et on pourra éventuellement
retenir qu'une primitive de x → √(1 - x)2 est ½x√(1 - x)2
+ ½Asin(x).
i
Pour -1 ≤ x ≤ 1, sin(Asin(x) = x
et cos(Asin(x)) = √(1 - x)2
car cos2(Asin(x)) + sin2(Asin(x)) = 1.
Par homothétie, l'aire d'un disque de rayon r est r2 × π = πr2.
Aire d'un disque selon Archimède : » Fonctions Arc sinus et Arc cosinus : »
III - Aire d'une surface courbe z = f(x,y) et intégrale double : |
à l'instar du cercle que l'on peut considérer, à la manière d'Archimède, comme limite d'une ligne polygonale, une surface courbe (S) de l'espace 3D peut être considérée comme limite d'une surface polyédrique dont le nombre de faces augmentent indéfiniment tout en devenant infiniment petites, leurs plans se confondant à la limite avec le plan tangent en chaque point de (S). Cette dernière condition sera utilisée ci-après et on pourra comparer cette assimilation au cas de la rectification d'une ligne courbe (» lemme 1) où un "petit" arc de courbe au voisinage d'un de ses points est assimilé à sa tangente en ce point.
On considère une surface finie (S) fermée d'équation z = f(x,y) dans l'espace à 3 dimensions. Chaque aire ΔA d'une facette se projette en une aire Δσ dans le plan (xOy) :
Soit α l'angle que fait la facette avec (xOy) : on a Δσ = ΔA × cosα. L'aire cherchée A apparaît ici comme la somme Σ des aires ΔA = Δσ/cosα lorsque le nombre de facettes tend vers l'infini comme dit ci-dessus.
Dans ces conditions, chaque angle α tend vers θ, angle du plan tangent en M à (S) avec (xOy) qui est aussi celui de la normale en M avec l'axe (Oz). Δσ quant à elle tend vers l'élément de surface infinitésimal dσ dans le plan (xOy) :
➔ L'expression de dσ dépendra du système de coordonnées utilisé : il s'agira de :
dx × dy en cordonnées cartésiennes;
rdr × dθ en coordonnées polaires. Ce résltat s'explique par l'illustration ci-dessous : dσ (en gris) est assimilé à l'aire d'un rectangle de côtés dr et rdθ.
On a donc :
Pour le calcul pratique, il nous faut maintenant évaluer cosθ. Or selon les résultats sur l'équation de la normale et sur les cosinus directeurs d'une droite de l'espace, nous devons avoir lorsque z = f(x,y) des cosinus directeurs proportionnelles à ∂f/∂x, ∂f/∂y et -1. La somme des carrés des cosinus directeurs étant égale à 1, on en déduit, en simplifiant les notations (comme f 'x pour ∂f/∂x) :
Finalement :
➔ Noter que z = f(x,y) implique dz = f 'xdx + f 'y.dy : utile dans le calcul pratique pour évaluer le radical.
Aire (et volume) de la fenêtre de Viviani : » Changement de variables, jacobien : »
IV - Volume et intégrale double : |
On considère un solide cylindrique (prismatique en particulier) de base (D) dans le plan (xOy), limité par la surface (S) d'équation z = f(x,y) dont on cherche à évaluer le volume V. Choisissons dans chaque élément σij du pavage de (D) un point m(αi,βj,0) correspondant à la cote z au point M(αi,βj,zij) de la surface : zij = f(αi,βj). Élevons jusque sur (S) les génératrices du volume cylindrique de base σij.
Le volume V cherché apparaît comme la limite de la somme Σ des volumes prismatiques lorsque le nombre de facettes augmente indéfiniment :
zij × σij = zij × ΔxiΔyj = f(αi,βj) × ΔxiΔyj
Soit px et py les plus grands pas des subdivisions des intervalles [a,b] et [c,d] :
px = Max Δxi et py = Max Δyj
Tout comme dans le cas de l'aire plane (§I), si, lorsqu'on augmente indéfiniment le nombre des points des subdivisions, de sorte que px et py tendent vers 0, la somme Σ admet une limite finie pour toute subdivision et tout choix des points m(αi,βj,0), alors cette limite V est indépendante tant des subdivisions choisies que des points m. Le nombre V est le volume du solide considéré, la fonction f est intégrable sur (d) et :
V = ∫∫Df(x,y)dxdy
➔ Lorsque le volume considéré "traverse" le plan (xOy), l'intégrale sur D s'obtient par différence et un volume sera obtenu par addition de la partie positive (z ≥ 0 ) et de la valeur absolue de la partie négative (z ≤ 0).
V - Théorème de Stolz : |
Dans le cas d'un domaine (D) rectangulaire, chaque intervalle [ci,di] du raisonnement exposé au §II n'est autre que [c,d] pour chaque xi et on peut exprimer le théorème de Stolz selon lequel :
Si f est intégrable sur D = [a,b] × [c,d] et si pour tout x de [a,b], f est intégrable par rapport à y sur [c,d],
alors la fonction x → ∫[c,d] f(x,y)dy est intégrable par rapport à x sur [a,b] et :
i Otto Stolz (1842-1905) : mathématicien autrichien qui étudia les mathématiques à Innsbruck et à Berlin. Weierstrass y fut un de ses professeurs. Professeur à Innsbruck, Ses travaux portent sur l'analyse, la théorie des fonctions de plusieurs variables. On lui doit notamment Grundzüge der differential und integral Rechnung (Éléments de calcul différentiel et intégral) en 3 volumes édités entre 1893 et 1899 à Leipzig. » convexité, Fréchet.
! (x,y) → f(x,y) continue n'équivaut pas à x → f(x,y) et y → f(x,y) continues ! » continuité
Exemple d'application :
L'unité étant le cm, on considère le cylindre prismatique à base carrée (représenté ci-dessous à l'échelle 1/2) dont la face supérieure contient les points A(4,4,4), B(0,4,6) et C(4,0,5) :
Calculons son volume : on trouve sans difficultés qu'une équation du plan ABC peut s'écrire sous la forme z = f(x,y) = -x/2 - y/4 + 7. Les conditions du théorème sont manifestement vérifiées. On a donc :
VI - Cas d'un domaine D non borné |
Il s'agit d'une intégrale double généralisée. On peut obtenir sa valeur (si elle existe) par passage à la limite dans les bornes d'intégration.
VII - Cas des coordonnées cylindriques (également dites semi-polaires) : |
Pour le calcul d'une intégrale double, les coordonnées
polaires peuvent s'avérer plus aisées à manipuler que les coordonnées
cartésiennes : une surface peut être définie par une forme z = f(r,θ)
où r et θ sont les coordonnées polaires de la
projection d'un point M sur le plan (xOy); on parle alors de coordonnées
cylindriques (»
justification de l'appellation)
ou, anciennement,
semi-polaires : triplet (r×cosθ,
r×sin
θ, z). Comme justifié
plus haut, l'élément d'aire infinitésimal dx × dy
dans le plan (xOy) devient
alors rdr ×
dθ.
Exemple :
Nous allons illustrer les deux cas fondamentaux (volume et aire) dans le cas de la fenêtre de Viviani :
Nous voulons calculer le volume de la section du
quart de sphère : x2
+ y2 +
z2 = R2
, z
≥ 0, de centre
O, de rayon R par le cylindre : x2 + y2 =
Rx,
x ≥ 0,
z arbitraire, de
rayon R/2, centré sur un rayon [OI] de support Ox :
Calcul du volume :
Pour éviter toute confusion avec le rayon R, on note ρ le rayon vecteur de M dans le plan (xOy). Le long du cylindre et dans le premier quadrant, tout point M se projette en m(ρ,θ), avec θ variant de 0 à π/2 et ρ = Rcosθ. Dans ces conditions, tout point M(x,y,z) de la surface de Viviani vérifie :
z2 = [f(ρ,θ)]2 = R2 - (x2 + y2) = R2 - ρ2
Et le volume V cherché sera obtenu par :
La cote z étant positive, le calcul est alors le suivant :
Il nous faut linéariser sin3θ : calcul classique conduisant facilement à π/2 - 2/3 comme valeur de la dernière intégrale à calculer ci-dessus. Multiplions par 2 et par R3/3. Le volume total de la section traversant le quart de sphère est πR3/3 - 4R3/9 : on voit que la différence entre le volume du quart de sphère et la fenêtre de Viviani est cubable (constructible si R l'est) et égale à 4R3/9.
Calcul de l'aire :
On se place dans le 1er quadrant. Vu que z2 = R2 - (x2 + y2), on a z.dz = -x.dx - y.dy; or dz = f 'x.dx + f 'y.dy. On en tire x = -zf 'x et y = -zf 'y. Par suite le radicande intervenant dans notre calcul est 1 + f 'x2 + f 'y2 = 1 + x2/z2 + y2/z2 = R2/z2 et la cote z étant positive dans le 1er quadrant, le radical cherché est R/z. Comme précédemment, on passe en coordonnées polaires dans le plan (xOy) :
On a z2 = R2 - (x2 + y2) = R2 - ρ2 et σ = ρ × drdθ.
Multiplions par 2 pour obtenir la "fenêtre" complète dans le quart de sphère : l'aire est πR2 - 2R2. On voit que la différence des aires entre la fenêtre de Viviani et le quart de sphère est quarrable (constructible si R l'est) et égale 2R2.
Formule de Green :
» Formule d'Ostrogradski : » Formule de Stokes : »
VIII - Intégrale multiple, intégrale triple : |
Tout comme on a pu donner un sens à une intégrale d'une fonction numérique de deux variables réelles, on peut généraliser le concept à un nombre fini de variables indépendantes on parle d'intégrale multiple. Le cas de trois variables, (x,y,z) → f(x,y,z), correspondant à notre espace usuel R3
, se rencontre couramment en sciences physiques (théorie du potentiel, mécanique du point matériel : centre de gravité, moment d'inertie, ...).A la manière de l'étude précédente (§1&2), on peut donner un sens
à la limite fini, lorsqu'elle existe, de somme du type Σf(αi,βj,γk) × ΔxiΔyjΔzk. On parle d'intégrale
triple :
∫∫∫V
f(x,y,z)dx
dy
dz
En intégrant tout d'abord par rapport à z, lorsque les bornes z
1 et z2, dépendant de x et y, sont calculables eu égard au domaine V d'intégration, on se ramène à une intégrale double en x et y sur (D) ⊂ (xOy) :∫∫∫V f(x,y,z)dx
dy
dz =
∫∫D
dx
dy
[
∫[z1,z2]
f(x,y,z)]dz
On aurait pu intégrer tout d'abord par rapport à x ou par rapport à y dans la mesure où le calcul serait simplifié. Comme dans tout calcul intégral, un changement de variables (coordonnées cylindriques, sphériques) peut s'avérer indispensable : on pourra utilement consulter les références in fine.
♦ Résultat pratique :
Pareillement au cas de l'intégrale double :
Si f est intégrable sur (D) et si sur ce
domaine f(x,y,z) est un produit g(x) × h(y) × k(z),
alors :
∫∫∫f(x,y,z)
dx
dy
dz
= ∫
g(x)
dx ×
∫
h(y)
dy ×
∫
k(z)
dz
Intégrale triple et calcul de volumes :
Tout comme le calcul d'une aire se rattache à l'intégrale double de sa fonction caractéristique, un calcul de volume se rattache à une intégrale triple par le même biais lorsque f est la fonction caractéristique du volume considéré, à savoir f(x,y) = 1 pour tout x, y et z de D et nulle partout ailleurs :
∫∫∫1V
(x,y,z)dxdydz
Cas de la sphère :
♦ En coordonnées cartésiennes : La boule B de rayon r a pour équation x2 + y2 + z2 ≤ r2, ce qui équivaut à x2 + y2 ≤ r2 - z2. On peut écrire :
L'intégrale double présente dans la parenthèse n'est autre que l'aire d'un disque de rayon √(r2 - z2), à savoir π(r2 - z2). L'intégrale triple se résume alors à la quadrature élémentaire sur [-r,r] de la fonction z → π(r2 - z2) dont une primitive est z → π(r2z -z3/3), fonction impaire de z. Le volume cherché est donc 2π(r3 - r3/3) = 4πr3/3.
♦
En
coordonnées sphériques, x =
r × cosα.cos
β, y = r × sin
α.cos
β, z =
r × sin
β,
α ∈ [0,2π], β ∈ [-π/2,+π/2] et on utilise la formule de
changement de variables étudiée sur la page consacrée à
Jacobi : le jacobien est
r2cos
β.
On a :
Aires et volumes en dimension 3 : » Changement de variables, jacobien : » » Green , Ostrogradski
➔ Pour en savoir plus :