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Le déclin de la
mathématique grecque, puis de l'empire romain,
marquent le début de l'influence arabe liée
à l'apparition du prophète
Muhammad
(en arabe le Loué,
, improprement
transcrit
Mahomet en occident)
vers l'an 600 après J.-C.
La nouvelle religion sera l'Islam,
signifiant en arabe soumission à la puissance
divine :
permettra de créer une nouvelle identité pour les tribus nomades d'Arabie, les musulmans (en arabe, muslim = le soumis, au pluriel : muslimun), dont le guide est le Coran (en arabe, qur'än = lecture, récitation), le livre sacré révélé au prophète par l'archange Gabriel.
Le berceau intellectuel et économique de cette nouvelle civilisation sera d'abord La Mecque, ville natale du prophète et carrefour économique de la région. Après la mort du prophète (632), les conquêtes musulmanes) se succèdent (Syrie, Jérusalem, Mésopotamie, Égypte, Iran, Chypre, Afrique du nord, Sicile, Espagne). Constantinople, anciennement Byzance, aujourd'hui Istanbul, résistera victorieusement. La France fut envahie par Abd Al Rahman (venant d'Espagne) mais le prince Charles Martel, père de Pépin le Bref, stoppe l'invasion à Poitiers (732).
L'ancienne ville carthaginoise de
Cordoue (Cordoba) fut envahie en 711. Elle fut la capitale de
l'émirat d'Abd er-Rahman 1er, fondé en 756. Aux 10è et 11è siècles, Cordoue
fut le plus important centre intellectuel occidental des arts, des lettres et
des sciences. En 1236, elle redevient "espagnole", reprise, avec
Séville, par le roi Ferdinand III de Castille.
Carthage et le problème de Didon : »
Ces invasions seront un important vecteur de la transmission du savoir et du renouveau des mathématiques. En effet, si les premières conquêtes sont plus motivées par la soif du gain que celle de la culture, l'installation des califats conduisirent les conquérants à s'intéresser aux autres trésors des contrées traversées (architecture, sciences, médecine, philosophie, arts).
Bagdad (capitale de l'actuel Iraq) sera pendant deux siècles le fief de la connaissance arabo-persane dès le règne du calife abbasside Al-Mansour (714-775) qui en ordonna la construction en 762 sous le nom initial de Madinat as Salam (la cité de la paix). Il y fut créé de nombreuses écoles et bibliothèques. C'est sous son règne que les astronomes arabes prennent connaissance de l'astronomie indienne. A la demande du calife, Muhammad al-Farazi, fils d'Ibrahim al-Farazi à qui l'on doit les premiers astrolabes du monde musulman, est chargé de la traduction du Sindhind indien, un important traité sur les calculs astronomiques, les tables de sinus au 1/4 de degré près et les éphémérides des planètes et étoiles connues.
En 832, le calife Abd Allah Al-Mahmoun (786-833, » réf.1), qui régna près de 20 ans de 813 à 833, y fonde la maison de la Sagesse (Baït al Hikma), véritable laboratoire des Lettres, des Arts et des Sciences. Les textes scientifiques (astronomie, mathématiques, médecine) récoltés au cours des conquêtes sont traduits et étudiés (en particulier, arithmétique et géométrie grecques, algèbre indienne).
i L'astronome Al-Farghani, de son nom complet Abu'l-Abbas Ahmad ibn Muhammad ibn Kathir, originaire de Farghana située en Ouzbékistan actuel, fut chargé par Al-Mahmoun de la traduction en arabe de l'Almageste de Ptolémée. Il corrigea certains éléments, comme l'inclinaison de l'écliptique ramenée de 23° 51' à 23° 33' (» At-Tusi) et mesura la circonférence du globe terrestre (» Al-biruni). Au 12è siècle, ll fut connu en Europe sous le nom latinisé d'Alfraganus de par la traduction en latin de ses travaux par l'écrivain et érudit italien Gérard de Crémone (Gherardo da Cremona). On ne connaît pas l'année de naissance d'Al-Farghani; celle de sa mort, en Égypte, est également incertaine : selon les historiens, au-delà de 861.
Le califat de Bagdad (sur Dailymotion) : » Al-Mamoun, le calife mécène (sur Histoire.fr) : » » Al-Khwarizmi
Dès lors et jusqu'au 15e siècle, aube de la Renaissance occidentale, malgré les huit croisades de 1096 à 1270, l'hégémonie arabe s'étendra. Les mathématiciens persans, ainsi qualifiés dès lors qu'ils naquirent dans l'ancien empire Perse (actuels Turquie, Irak, Iran, Turkménistan, Ouzbekistan, Afghanistan), diffuseront en langue arabe et persane, la philosophie et les sciences tandis que l'Occident subissait l'obscurantisme intolérant et rétrograde des religieux du moyen âge.
i Le persan est la langue officielle de l'actuel Iran et, en particulier, une des deux langues officielles (avec l'arabe) de l'Afghanistan. Elle use en partie des caractères arabes.
Utilisant
avec brio l'héritage géométrique grec, les
mathématiciens arabes furent particulièrement novateurs
en algèbre et en trigonométrie avec le
développement de l'astronomie héritée des Grecs dont tout
particulièrement Ptolémée et son
Almageste. La contribution implicite dans le renouveau des
mathématiques en Europe est ainsi capitale. Citons, parmi de nombreux autres
présents dans cette chronologie :
Sans oublier les grands philosophes,
disciples d'Aristote,
comme Ibn
Abdallah ibn Sina, dit Avicenne et
Ibn Ruchd Abu'l walid ibn Muhammad, dit Averroes (1126-1198), illustré à
gauche, qui fut aussi médecin et juriste. Il naquit et vécut en Espagne à
Cordoue (Cordoba, sa ville natale) et à Séville où il fut qadi (juge), ainsi qu'au
Maroc, à Marrakech et à Fès où il enseigna à l'université Al-Quaraouiyine fondée
au 9è siècle. Sa philosophie, tendant à distinguer chez l'homme les deux
branches fondamentales de la pensée que sont la raison (la science) et la foi,
sera sujette à des controverses jusqu'en Occident.
Les chiffres "arabes", plus exactement indiens : |
Les
chiffres de notre système décimal (0 à 9) dits
"arabes" ne furent introduits en Europe que vers l'an 1000. En fait,
ils proviennent de l'Inde, au moins
trois siècles avant J.-C. et,
après maintes transformations dans leur graphisme, ils furent
transmis par les Arabes au monde occidental par l'intermédiaire de Gerbert
d'Aurillac. On devrait ainsi parler de
chiffres indo-arabes.
» Aryabhata , Brahmagupta , Bhaskara , Al-Kashi
Au moyen âge, les mathématiciens arabes occidentaux (Maroc, Andalousie) utilisaient sensiblement, caractère que nous avons conservés, hormis le graphisme du 4 et du 5 :
Les chiffres arabes orientaux (Égypte, Iran, par exemple) actuels sont différents (ci-dessous) :
Le mot français
chiffre
est une déformation du mot arabe écrit ci-dessus
(prononcer approximativement
sifrone
) et désignant zéro. En italien, zéro se
dit zero, et serait une contraction de
zefiro
: on voit là encore la racine arabe. Ainsi nos termes
chiffre
et
zéro
ont la même origine. De plus, le verbe coder se dit cifrare
en italien : l'introduction du système décimal en Italie, en particulier par
Fibonacci, fut perçu comme un codage
mystérieux réservé aux initiés. On utilisait jusque là les abaques et les
chiffres romains.
Systèmes de numération (additionnel, positionnel) : » » Turing
Contrairement aux mathématiciens indiens dès le 6è siècle, le zéro n'eut pas chez les Arabes, et au cours du moyen âge, le statut de véritable nombre, ce qui freina notablement l'introduction des nombres relatifs.
De
par l'héritage grec et selon Pythagore
(l'arithmétique est ordre et symétrie comme le pair et l'impair), tout nombre entier se trouve comme moyenne arithmétique
des entiers qui l'entourent, autrement dit son prédécesseur et son
successeur : 2 = (1 + 3)/2, 3 = (2 + 4)/2, 4 = (3 + 5)/2. Mais alors
souci ! que dire de 1 ?
L'invention du zéro résout le problème : 1 = (0 + 2)/2, mais il n'est pas encore
apparu ! à moins de dire que 1 n'est entouré que par 2 (à sa droite) et 2/2 = 1.
Pas convaincant !
Mieux vaut inventer le zéro en se posant la question comment résoudre (? + 2)/2 = 1. Réponse : en inventant un prédécesseur à 1, qui, ajouté à 2 donne 2 : ? + 2 = 2, donc ne servant à rien... Notons-le 0 et conférons-lui le statut d'entier naturel compatible avec les règles d'associativité, de commutativité et de régularité de l'addition, à savoir (» lois de composition) :
Pour tous entiers a, b et c : (a + b) + c = a + (b + c) , a + b = b + a , a + c = b + c ⇒ a = b
On a en particulier :
1 + 1 = 2 = 0 + 2 = 0 + (1 + 1) = (0 + 1) + 1, donc 1 = 0 + 1 (régularité) : le successeur de 0 est 1.
(0 + 0) + 1 = 0 + (0 + 1) = 0 + 1, donc 0 + 0 = 0.
On peut montrer par récurrence : 0 + n = n + 0 = n pour tout entier n : 0 est l'élément neutre de l'addition dans N = {0,1,2, ...}
Le zéro selon Brahmagupta : »
Le calendrier de l'Hégire : |
Le calendrier de l'Islam, ou calendrier de l'Hégire, est un calendrier lunaire : basé sur le mois lunaire, durée entre deux nouvelles Lune (≈ 29,5306 jours, plus exactement 29j 12h 44 min 2,8 s). Il a débuté en 622 après J.-C., date correspondant au départ ("hijra", traduit en français par "hégire") du prophète Mahomet vers Médine. Le premier jour de ce calendrier correspond au 16 juillet du calendrier julien de l'empire romain d'Orient sous le règne d'Héraclius à Constantinople. Si on se base sur un mois lunaire valant en moyenne 29,5 jours, l'année lunaire possède alors 354 jours : 12 lunaisons, 6 mois de 29 jours et 6 de 30 jours). Le début de chaque mois coïncidant avec la nouvelle Lune.
i Les phases de la Lune diffèrent suivant la longitude des pays musulmans qui l'utilisent. Tout comme dans le cas du calendrier grégorien, calendrier solaire, deux pays voisins peuvent donc présenter un décalage horaire significatif. D'autant qu'en théorie, le changement de mois n'a lieu que si le mufti ou le cadi agréé dans le pays considéré constate visuellement la nouvelle Lune.
Au bout d'une année, un tel calendrier prend de l'avance sur la Lune car l'année lunaire "réelle" de 12 lunaisons est plus longue : environ 354,367 jours :
12 × (29 + 0,5 + 44/1440 + 2,8/86400) ≈ 354,367055 jours
soit 354 jours et 8,8 heures. En 3 ans cela fait plus d'un jour d'avance. C'est beaucoup !
Or, 1 jour = 24 h et 24 × 11/30 = 8,8. Afin de corriger cette avance, à la manière des années bissextiles du calendrier solaire julien, il fut décidé d'ajouter 1 jour à 11 années échelonnées sur une période de 30 ans : on parle d'années abondantes, de rang 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26, 29. Cet ajustement confère à l'année de l'Hégire une durée moyenne de 354 j et 11/30 :
354 + 11/30 = [11 × (354 + 1) + 19 × 354]/30 = (11 × 355 + 19 × 354)/30 ≈ 354,366667 jours
Comparée à l'année lunaire réelle, la correction en est très finement proche : la différence est de 0,000388 jour, soit, en secondes 33,5232 s que l'on peut arrondir à 34 secondes. Dans ces conditions, puisque 1 jour = 24 × 3600 s = 86400 s, en divisant ce nombre par 34, il faudra plus de 2540 années pour générer un jour de décalage. C'est beaucoup mieux, voire remarquable !
➔ Pour en savoir plus :