ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Muhammad ibn al-Banna al Marraqshi, maure, 1256-1321

Abu-al-Abbas Ahmed ibn Muhammad ibn al-Banna al Marraqshi naquit et vécut à Marrakech (Maroc). Mathématicien et astronome, ce fils d'architecte (comme son nom, ibn al-banna, l'atteste) étudia à Fès, ville universitaire depuis le 9è siècle (université Al-Quaraouiyine) et enseigna la géométrie d'Euclide (on lui doit un traité sur les aires), l'arithmétique et l'astronomie (orbite lunaire, éclipses, éphémérides), mais s'intéressa principalement à l'algèbre : résolution d'équations et de systèmes d'équations par des méthodes de fausse position, introduction de symboles afin de faciliter le langage algébrique, qui seront complétés par Al-Qalasadi.

A l'époque romaine, les Maures (» note) désignaient les habitants de la Maurétanie (nord de l'Algérie et du Maroc actuel), berbères en particulier, non musulmans. Avec les conquêtes arabes du 7è siècle, cette terminologie désigna les habitants arabes et berbères de l'Afrique du nord et les conquérants de l'Espagne et de la Gaule, lesquels repoussés par Charles Martel (Poitiers, 732) s'implanteront en Andalousie (Al-Andalous) jusqu'à la fin du 15è siècle, précisément 1492, année qui marqua par ailleurs la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb.

Le nom d'Al-Banna est principalement attaché à son remarquable algorithme d'extraction des racines carrées qui, avec l'usage systématique du système décimal positionnel (notre système actuel) devint incontournable pendant près de 7 siècles. Il fut en effet enseigné dans les écoles jusqu'aux années 1960, détrôné alors par les calculatrices électroniques.

 i   Certains auteurs attribuent à Al-Banna le terme almanach, al-manâkh, apparu au Maghreb, pour signifier un calendrier mentionnant non seulement des données astronomiques (éphémérides), mais aussi des indications utiles et diverses (horaires des marées, meilleure époque pour planter, recommandations pour une meilleure santé, astrologie, ...). Mais cette paternité reste floue (» réf.5).

 » Aryabhata , Brahmagupta , As-Samaw'al             Mathématiques & Islam : »

Étude de l'algorithme de l'extraction de la racine carrée d'un nombre :

Dans toute la suite, une écriture comme abc (surlignée) désigne le nombre de notre système décimal positionnel hérité des mathématiques indo-arabes,  à savoir a × 102 + b × 10 + c = 100a + 10b + c.

   Considérons pour fixer les idées le nombre 1234. Positif et inférieur à 10000, 1234 admet une racine carrée de la forme ab = 10a + b où a est le chiffre de ses dizaines et b celui de ses unités :

1234 = (10a + b)2 = 100a2  + 20ab + b2 = 100a2  + (2a × 10 + b) × b

1234 = 1200 + 34 est de l'ordre de 12 × 100. Sa racine carrée est donc de l'ordre de 3 × 10, 3 étant la partie entière de la racine carrée de 12.

» Dans la pratique, on partage le nombre par groupes 2 chiffres à partir de la droite, ici 12 | 34. Pourquoi cela ?
Si N est le nombre dont on recherche la racine carrée entière r, alors celle de N × 102k possédera les mêmes chiffres significatifs : ce sera r × 10k.

Concernant 1234, on a donc a = 3 et 1234 - 100a2  = (2a × 10 + b) × b = (6 × 10 + b) × b = 334. On recherche donc (par tâtonnements) un chiffre b tel que 6b × b ≤ 334. On peut procéder par division euclidienne 334 ÷ 60. Ce chiffre est 5. On reconnaît une approche semblable à la division, raison pour laquelle, on utilise dans la pratique un graphisme en "potence" comme pour cette dernière et on voit ici apparaître un processus :

On soustrait de la première tranche (12) le carré (9) de la racine partielle r obtenue. On multiplie par 100 (ajout de 00) et on abaisse la tranche suivante. On obtient 334. On double r (6), on multiplie par 10  (60) et on cherche le plus grand chiffre b tel que  (60 + b) × b < 334 : ce sera 5.

Montrons que ce processus se généralise aux tranches suivantes en choisissant d'illustrer le propos par la recherche de la racine carrée du nombre N = 5367452 : 5 | 36 |74 | 52.

Notons ici que pour obtenir une racine carrée décimale, on placerait une virgule à droite de la racine carrée entière et on ajouterait des tranches fictives 00 | 00 | ... autant que de décimales voulues et

Si N est un nombre décimal de la forme abc...k, def..., quitte à remettre en place la virgule décimale après calcul, on recherchera la racine carrée de abc...kdef0..0  en multipliant N par une puissance paire de 10.

Supposons que nous ayons déterminé comme ci-dessus les 2 premiers chiffres significatifs r1 et r2 de la racine carrée r entière d'un entier naturel N. Posons ρ = r1r2 et décidons de poursuivre l'algorithme jusqu'à obtenir les 2 + p chiffres de l'écriture de r.

On a r = √N > r1r2000...0, cette écriture se terminant par p zéros. On peut écrire r = ρ × 10p + δ avec δ < 10p. On a donc maintenant :

Dans le cas de N = 5367452, on a 106 < N < 108, d'où 103 < r < 104. Recherchons sa partie entière qui contient donc 4 chiffres : ρ = 23, ρ2 = 529, p = 2 et r = 23 × 102 + δ > 2300. r2 = 529 × 102 + ... et N = 536 × 102 + 7452. Le nombre u est 536 et v est 7452. Le nombre 74 souligné est la 3ème tranche de N.

Posons v = v1v2... : le nombre v1v2 est la 3ème tranche de N. Puisqu'on s'intéresse à δ1 et à v1v2, écrivons provisoirement δ = δ1,δ2... × 10p-1 et v = v1v2,v3... × 102p-2. En égalisant les deux écritures de N et en simplifiant par 102p-2, on obtient l'égalité :

100 × (u - ρ2) + v1v2,v3... = (20ρ + δ1,δ2...) × δ1,δ2...

Or (20ρ + δ1) × δ1 ≤ (20ρ + δ1,δ2...) × δ1,δ2..., donc :

(20ρ + δ1) × δ1 ≤ 100 × (u - ρ2) + v1v2,v3... < 100 × (u - ρ2) + v1v2 + 1

(20ρ + δ1) × δ1 est un nombre entier :

ce sera donc l'entier le plus proche de (ou égal à) 100 × (u - ρ2) + v1v2

Le calcul de δ1 au moyen de (20ρ + δ1) × δ1 est semblable au calcul de b cherchant à maximiser (2a × 10 + b) × b.

La recherche du 4ème chiffre de r connaissant les trois premiers et plus généralement du (k +1)-ème connaissant les k premiers, est rigoureusement semblable. Nous partirions de ρ = r1r2...rk et conduirions le même développement.

On peut donc maintenant énoncer la règle d'extraction comme le fit Al-Banna (on pourra consulter la référence ci-dessous) :

1° Séparez le nombre en tranches de deux chiffres à partir de la droite :

5 | 36 | 74 | 52

2° Prenez la racine carrée entière du plus grand carré contenue dans la tranche la première tranche de gauche. Inscrivez-là et retranchez son carré de la première tranche.

On inscrit 2 en racine. On retire 4, reste 1

3° Abaissez à côté du reste trouvé la seconde tranche. Vous formez ainsi un nombre.

On abaisse 36, ce qui forme 136

Calculez le quotient entier du nombre formé en 3° par le double multiplié par 10 de la racine inscrite précédemment. Au nombre ainsi obtenu, ajoutez ce quotient et multipliez par ce quotient. Si le résultat est inférieur au nombre formé en 3°, on complète la racine cherchée par ce quotient, sinon on choisit ce quotient diminué d'une unité.

On double la racine, on multiplie par 10 : on obtient 40. La division euclidienne 136 ÷ 40 donne 3 comme quotient.
On essaye 43 × 3 = 129 < 136 : c'est bon ! sinon, on aurait choisi 2. La racine carrée commence donc par 23.

5° Retranchez le résultat de 4° au nombre obtenu en 3°. Vous obtenez un reste comme en 3°. Abaissez la tranche suivante. Répétez le processus tant que les tranches ne sont pas épuisées. Si, à cette issue le reste est nul, alors le nombre est un carré parfait.

On retire 129 à 136, reste 7. On abaisse la tranche 74 et on poursuit le processus : on double la racine et on multiplie par 10 : 460.
La division euclidienne 774 ÷ 460 donne un quotient égal à 1, etc.

Algorithme résumé et autre exemple sur la page de Héron d'Alexandrie : »


Maure ne se prononce pas comme mort : le au se prononce comme dans mot, eau, beau. On parle de "o" fermé. De même le "au" de pauvre se prononce comme "o" fermé et non pas comme dans bol, bonne, mort, ordre : "o" ouvert. On constate tant auprès des jeunes qu'à la télévision (journalistes, interviews) un dérapage inquiétant de la prononciation aboutissant à des aberrations du genre Un mort dans les morts pour signifier Un mort dans le massif des Maures. On ne distingue plus entre la côte (comme celle d'azur..., "o" fermé indiqué par le circonflexe) et la cote (comme avoir la cote, "o" ouvert"). Les choses (avec un "o" fermé) ont bien changé. Dans le même ordre ("o" ouvert) de déviance, on ne dit quasiment plus aujourd'hui (forgé sur l'ancien français  "ce jour ci") mais aujaurd'hui ("o" fermé) ou aujord'hui ("o" ouvert). On remarque aussi à la télé, lors de la météo, que le féminin de nuageux n'est pas nuageuse mais nuajese, celui de malheureux étant malheurese...


Pire, un journaliste bien connu ("o" ouvert) du journal de 20h de France2 nous souhaite bonne ("o" ouvert) soir
èe ou bonne rentrèe scolaire... 
D'aucuns disent, c'est l'accent du midi. Ah bon !? On ne recrute plus les professeurs ("o" fermé) et les journalistes au nord ("o" ouvert) de la Loire ?


    Pour en savoir plus :

  1. Les mathématiques arabes du 8e au 15e siècle, Adolf P. Youschkevitch, Ed. Vrin - CNRS - Paris -1976
  2. L'algèbre arabe : Genèse d'un art, par Ahmed Djebbar, Éd. Vuibert/Adapt, Paris - 2005
  3. Histoire d'algorithmes: Du caillou à la puce, par une équipe d'enseignants (IREM, IUFM, CNRS).
    Éd. Belin - Collection Regards sur la science - 1993.
  4. L'origine du mot "almanach", par Henri Paul Joseph Renaud (1881-1945) :
    https://www.jstor.org/stable/226159?read-now=1&seq=1#page_scan_tab_contents

At-Tusi  Al-Farisi
© Serge Mehl - www.chronomath.com