![]() » Formule d'Al-Kashi | Calcul approché d'une racine n-ème |
Al-Kashi,
dit Ghyath
ad-din (auxiliaire de la
foi) est originaire
de Kachan, en Iran, d'où son nom. Il fut
astronome à Samarcande (en l'actuel Ouzbékistan). Un des
plus grands mathématiciens de l'époque dont on ignore curieusement la
période exacte de sa vie (on ne connaît pas son année de naissance). Selon
A. P. Youschkevitch et
J.J.
O'Connor & E. F. Robertson (»
réf.1 & 2), on peut retenir approximativement
1380.
Dans son principal traité (Maqalat Gamshid, vers 1400), il développe le calcul trigonométrique à l'usage des astronomes, utilisant les nombres sexagésimaux, système de numération en base 60 qu'utilisaient les astronomes (hérité des Babyloniens et de la Grèce antique) mais aussi des fractions décimales (dont les dénominateurs sont des puissances de 10), on lui doit ce terme dans le calcul de π qu'il fit préalablement en base 60 afin d'être mieux compris par ses contemporains héritiers de Ptolémée.
http://www.skiouros.net/voyages/uz2000/samarcande.html
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Samarcande, Ouzbekistan, © YvesHanotiau
Dans sa Clé du calcul (Miftah al Hisab, 1427), Al-Kashi développe le calcul décimal (hisab al-a'shari) positionnel hérité des Indiens. Il définit le dixième de l'unité, puis les dixièmes du second ordre (centièmes), etc. à l'intention des astronomes, il propose une méthode de conversion d'un nombre de la base 10 à la base 60 et inversement, en précisant dans ce cas une valeur approchée éventuelle car un résultat exact n'est pas assuré.
Le décimal 3,57 s'écrit 3 + 0,5 + 0,07 = 3 + 5/10 + 7/102 = 3 + 34/60 + 12/602. Comment obtenir cette conversion ? suivez ce lien :
Système sexagésimal et conversion base 10 ↔ base 60 : »
En base 60, on a 60 chiffres de 0 à 59 (tout comme en base 10, on a 10 chiffres de 0 à 9. En fait, Al-Kashi n'utilisait pas les chiffres du système décimal : de 1 à 59, il utilisa les chiffres joumal (جومل (prononcer joumal), pluriel du mot arabe جملة = somme, car le codage adopté pour ces chiffres était additif comme nous l'apprend A. P. Youschkevitch (» réf.1, p.70-75) :
Lignes 1/2 : les chiffres de 1 à 9; et 10, noté ى (yê)
Lignes 3/4 : les chiffres 11 à 19
correspondent aux unités 1 à 9 complétées à leur droite d'une petite boucle
pour signifier 10 :
11 = 1 + 10, 12 = 2 + 10, etc. 20 est noté
(kê)
Lignes 5/6 : les chiffres 21 à 29 correspondent aux unités 1 à 9 complétées à leur droite par 20 (kê).
...
Lignes 9/10 : les chiffres 41 à 49 correspondent aux unités 1 à 9 complétées à leur droite par 40 (mê). 50 est noté ن (nê).
Ligne 11/12 : On retrouve les unités complétées à leur droite par un ن fusionné réduit.
Source : Adolf P. Youschkevitch,
réf.1, p.195, fig.17 - ©
Éd. VRIN, Paris 1976
On
imagine que multiplier et diviser était d'une grande
complexité et des tables étaient (heureusement) à la disposition des calculateurs. Al-Kashi fut ainsi, avant Stevin
en occident, le premier à exprimer l'arithmétique et l'algèbre aux moyen des
nombres "indiens" qualifiés souvent aujourd'hui de nombres indo-arabes.
S'inspirant de son illustre ancêtre et confrère
At-Tusi,
il y traite également des racines n-èmes d'un nombre en
apportant des formules de calcul approché héritées de ses prédécesseurs.
Al-Kashi développe également des calculs du
type (x + a)n en usant de ce qu'on appelle aujourd'hui le triangle
de Pascal, déjà utilisé par Omar
Khayyam au 11è siècle et dont la
paternité est sans doute antérieure.
Formule du binôme de Newton : » » Al-Karaji , As-Samawal
Un calcul remarquable de π ! |
C'est par la méthode des périmètres qu'Al-Kashi calcula le rapport en base 60, avec 9 positions de la circonférence à son rayon, c'est à dire 2π soit, par conversion qu'il exprime en base 10, l'équivalent de 16 décimales dans un petit Traité sur le cercle (Risala al-Muhitiya, 1424), une excellente approximation alors jamais atteinte :
La plus précise connue alors était celle du mathématicien chinois Tsu Chung Chi (vers l'an 450) qui, par la méthode des périmètres, avait obtenu l'encadrement :
! A cette époque, π n'est pas encore le statut de nombre. Il n'est que le rapport de la circonférence au diamètre du cercle comme l'avait étudié Archimède. La première apparition du symbole π semble être due à Oughtred en 1657
Théorème (ou formule) d'Al-Kashi pour la résolution de triangles : |
Relative à un triangle ABC de côtés AB = c, BC = a, CA = b, on doit à Al-Kashi la généralisation du théorème de Pythagore et s'exprimant depuis Viète sous la forme :
a2 = b2 + c2 - 2bc.cosÂ
Si l'angle ^A est droit on retrouve la formule de Pythagore a2 = b2 + c2. Ce résultat est parfois appelé théorème de Pythagore généralisé ou encore règle du cosinus. On le prouvera facilement par usage des formules trigonométriques dans le triangle rectangle :
Supposant ABC non rectangle, on distinguera deux cas suivant que l'un des angles, ici l'angle Â, est aigu ou obtus, tout en faisant usage de la hauteur (CH). Trop facile...
Sous une forme purement géométrique, ce résultat attribué à Al-Kashi de par sa démarche trigonométrique, fait cependant l'objet des propositions 12 (cas obtus) et 13 (cas aigu : triangle acutangle) du livre II des Eléments d'Euclide et, selon Adolf P. Youschkevitch (» réf.1), Al-Biruni (973-1048), astronome réputé l'aurait utilisé 400 ans auparavant sans y attacher d'importance.
♦ Résolution de triangles :
Ce très important résultat, allié à ^A + ^B + ^C = 180° et à la formule des sinus a/sin^A = b/sin^B = c/sin^C dont les astronomes font grand usage en mécanique céleste, permet de résoudre un triangle : c'est à dire calculer la mesure de ses côtés et de ses angles. En vertu des « cas d'égalité des triangles », trois données compatibles suffisent généralement mais certains cas peuvent conduire à une indétermination (non unicité).
Résolution d'un triangle et programme JavaScript : »
∗∗∗
1. Dans un triangle ABC, on a ^A = 45°, AB = 4√2
et AC = 6. Calculer BC ainsi que les angles ^B et ^C à 0,1° près.
Rép : l'application de la
formule d'Al-Kashi fournit a2 = BC2 = b2 + c2
- 2bc.cos^A = 36 + 32 - 48√2cos45° =
20; d'où BC = 2√5.
On peut maintenant
écrire b2 = a2 + c2 - 2ac.cos^B, soit 36
= 32 + 20 - 16√10.cos^B, d'où cos^B =
1/√10 et ^B = 71,6°
à 0,1 près. Enfin
^C = 180° - ^A - ^B, soit ^C = 63,4° (à 0,1 près).
2. Existe-t-il un triangle ABC, tel que ^A = 60°, AB = 7 et BC = 6.
Rép :
l'application de la
formule des sinus
fournit BC/sin^A = AB/sin^C, soit : 6/sin60° =
7/sin^C. Ce qui conduit à sin^C > 1 : pas de solution.
Au moyen de la formule d'Al-Khashi, on chercherait à calculer x = AC. On
aurait 36 = 49 + x2 -7x (car cos^A = 1/2), soit : x2
-7x + 13 = 0,
équation du second degré dont le discriminant est négatif :
pas de solution.
3. Ci-dessous, on peut admirer un beau cerf-volant.
Observer le codage et montrer que le cosinus de l'angle aigu est tout
simplement 3/5.
En déduire son sinus et sa tangente. Indic :
utiliser le théorème d'Al-Kashi de 2 façons pour un même segment..
4. Résolution de triangles : #1 , #2 , #3 5. croisement aérien 6. Système bielle-manivelle (TerS)
Un autre résultat géométrique d'Al-Kashi : |
Dans un triangle ABC, avec les notations usuelles et ^A désignant l'angle A, la formule :
(a + b + c) × r = bc.sin^A = ac.sin^B = ab.sin^C
exprime le rayon du cercle inscrit en fonction des côtés d'un triangle et de l'angle défini par ces côtés, ainsi que l'aire S du triangle sous la forme (a + b + c) × r /2, soit
S = ½bc.sin^A
i Cependant, selon A. P. Youschkevitch, Al-Kashi ne fait pas explicitement allusion à cette formule de l'aire du triangle; ce serait Snell qui l'aurait utilisée pour la première fois dans ses calculs de triangulation. S = ½bc.sin^A se calcule de façon évidente à partir de la formule élémentaire S = ½bh. Rappelons aussi la formule intéressante abc = 4RS, où R désigne cette fois le rayon du cercle circonscrit, que l'on déduit facilement de la formule des sinus ci-après.
A partir des formules S = ½bc.sin^A et a2 = b2 + c2 - 2bc.cos^A, on peut établir la formule, dite de Héron d'Alexandrie :
donnant l'aire d'un triangle en fonction des seuls côtés : de la seconde formule, on exprime cos^A en fonction de a, b et c. On élève au carré et on on exprime alors sin2^A = 1 - cos2^A :
On remarque que chaque parenthèse contient une identité remarquable. En posant, traditionnellement, p = ½(a + b + c), demi-périmètre du triangle, on est conduit à :
Or, l'aire S du triangle est ½bc.sin^A. Ce qui établit la formule cherchée.
Formule des sinus : |
La formule ci-dessus appliquée aux angles ^B et ^C, conduit à la formule des sinus laquelle fut établie par Abu l'Rayhan Biruni près de quatre siècles auparavant :
où ces trois rapports sont égaux au diamètre 2R du cercle circonscrit.
∗∗∗
Preuve élémentaire de cette formule
(niveau 3è) | exemples d'application
Valeur approchée d'une racine n-ème : |
Dans la Clé du Calcul, Al-Kashi reprend et complète le calcul de la valeur approchée d'une racine n-ème d'un entier naturel étudié 150 ans auparavant (1265) par le renommé mathématicien persan Nasir-ad-din At-Tusi :
où x est le plus grand entier tel que xn
≤ N (rcn)
L'entier x est donc la partie entière de la racine n-ème de l'entier N. Afin de faciliter les calculs du dénominateur, Al-Kashi établit le triangle arithmétique (attribué indûment à Pascal...), tableau des coefficients du binôme (a + b)n, connu en Chine et dans le monde arabe depuis le 11è siècle, tout en précisant la formule de récurrence.
Dans le cas d'une racine carrée (n = 2), on a (x + 1)2 - x2 = 2x + 1, d'où la formule :
Exemple : soit à calculer une valeur approchée de la racine cubique de 79656. On a 433 = 79507 et 443 = 85184. D'où :
Une calculatrice scientifique fournit 43,0268 pour cette racine cubique. Pas mal...
La formule d'approximation énoncée (rcn) peut s'établir par interpolation linéaire. Posons :
y = f(x) = xn et y1 = f(x1) = f(x + 1)n
Connaissant x, racine n-ème de y et x1, racine n-ème de y1, on cherche à évaluer la racine n-ème du nombre N, lorsque y ≤ N ≤ y1. Pour ce faire, notons x + α = xα∈]x,x1[ cette racine. On remplace l'arc de courbe de la fonction f sur [x,x1] par le segment [MM1]. La formule d'interpolation linéaire fournit le nombre :
comme approximation de N = f(xα). En remplaçant xα et x1 par leurs valeurs respectives x + α et x + 1, il vient que N a pour approximation xn + α[xn+1 - xn]. Autrement dit :
et, par conséquent :
est l'approximation cherchée de la racine n-ème de N.
➔ L'observation graphique montre que les courbes représentatives des fonctions puissances x→ xn apparaissent d'autant plus linéaires que x et n sont grands. C'est dire que les approximations seront moins grossières dans ce cas. Elles sont représentées à gauche pour n = 2, 3, 4, 5 et 7.
Cette remarque permet d'améliorer le calcul approché d'une racine n-ème lorsque N est "petit" au moyen de la formule qu'aurait, proposée Al-Kashi, toujours selon A. P. Youschkevitch (» réf.1) :
Autres travaux arithmétiques : |
Al-Kashi exprime dans le Maqalat de nombreux problèmes ouverts (non résolus) comme :
La recherche de trois cubes entiers a3, b3 et c3 tels que a3 + b3 = c3. Il faudra attendre Fermat et Euler pour la preuve de l'inexistence d'une solution à ce problème.
La Recherche un triangle rectangle dont les
côtés sont des carrés parfaits.
Cela revient à rechercher a4, b4,
c4 tels que a4 + b4 = c4
: on sait aujourd'hui (1995), grâce au
mathématicien Wiles,
que ce problème n'a pas de solutions.
➔ Pour en savoir plus :