ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Considérations sur le nombre d'or & la section dorée (golden ratio golden section)

On sait que le nombre d'or est le nombre irrationnel, souvent noté Φ (Phi, le F majuscule grec), solution positive de l'équation du second degré Φ2 - Φ - 1 = 0 :

L'appellation est relativement récente, mais la première rencontre avec cette proportion, remonte à Pythagore : rapport de la diagonale au côté du pentagone régulier. C'est aussi la limite des quotients un+1/un de la suite de Fibonacci.

Concernant la notation Φ, elle semble apparaître pour la première fois en 1914 dans le livre The curves of life (» réf.7) d'un journaliste anglais Theodore Andrea Cook (1867-1938) passionné d'architecture, en l'honneur du sculpteur grec Phidias à qui l'on doit, en grande partie, les bas et hauts-reliefs des frises du Parthénon à Athènes.

Ce pourrait être aussi Φ comme Fibonacci ou I comme Ictinos, architecte en chef du temple, qui, plus que Phidias, a choisi les proportions du célèbre bâtiment. On utilise aussi, en l'honneur des Grecs anciens, la notation  τ (tau), première lettre de tomê = section.

On parle de rectangle d'or ou de rectangle doré pour signifier Longueur/Largeur = Φ. Le temple semble effectivement respecter, dans sa façade en particulier, la fameuse proportion : Largeur/hauteur ≅ 7,45/4,6  ≅  Φ, à condition d'englober base et fronton.

?!? L'ennui, c'est que toutes ces mesures sont approximatives et dépendent beaucoup de l'observateur qui croit ou ne croit pas à la présence de Φ et qui, plus ou moins volontairement, va s'arranger pour que « ça marche » ou non comme ci-dessus ! D'autant que rechercher un rapport connu, ça aide ...

En fait, en 1968, selon une étude très sérieuse d'Elisa Maillard, diplômée de l'École du Louvre, qui fut Conservatrice au musée de Cluny, le nombre d'or apparaîtrait plus subtilement et à foison dans des rectangles plus allongés caractérisés par le rapport Φ entre la diagonale et la diagonale de la moitié : DB/DM.

Le nombre d'or refait surface à la Renaissance, entretenu en particulier par Léonard de Vinci, illustrissime peintre, géomètre et ingénieur italien (1452-1519) et Luca Pacioli, moine franciscain féru d'algèbre et de géométrie.

Léonard de Vinci s'intéressa beaucoup à la section dorée : c'est lui qui la nomma ainsi (en latin sectia aurea). Empruntant au grand architecte romain Vitruve à propos des harmonieuses proportions du corps humain, il la retrouve dans le rapport idéal entre la taille et la mesure des pieds au nombril ...

   Cependant, à ma connaissance, le De Architectura de Vitruve, que l'on peut consulter en ligne ne se réfère pas au nombre d'or. les proportions rencontrées sont rationnelles (fractions a/b, a et b entiers).

Après Theodore A. Cook, déjà cité, l'architecte français Charles-Edouard Janneret-Gris (1887-1965), alias Le Corbusier, introduisit le nombre d'or dans un grand nombre de ses constructions, dont la Cité radieuse [»] de Marseille et le siège des Nations unies à New York où apparaissent trois rectangles d'or.

En 1950, revisitant les conceptions de de Vinci, le célèbre architecte publia Le Modulor [»], une charte sur un dimensionnement harmonieux des constructions basé sur les proportions du corps humain, de Φ et de la suite de Fibonacci, qu'il résume ainsi :

Un outil de mesure issu de la stature humaine et de la mathématique. Un homme, le bras levé, fournit aux points déterminants de l'occupation de l'espace -le pied, le plexus solaire, la tête, l'extrémité des doigts, le bras étant levé- trois intervalles qui engendrent une série de section d'or.


Concernant le rectangle d'or, plusieurs expériences faites en classe semblent confirmer cette approche instinctive d'une proportion "bien équilibrée"... . Voici un petit TD si vous êtes enseignant, du CM1 à Bac+n : demandez à vos élèves de tracer un rectangle instinctivement à main levée, sur feuille A4 de préférence non quadrillée. Ramassez les feuilles, supprimez les cas pathologiques comme les carrés, les rectangles 21 × 1 ou 1 × 29,7...

La moyenne des rapports Longueur/Largeur devrait approcher 1,6. Mais là encore, pas de conclusion hâtive...

    à propos du format A4, le rapport est sensiblement 1,4; en fait √2 ≃ 1,41421356, assez éloigné de Φ. Ce format est choisi pour des contraintes de fabrication de sorte qu'en pliant la feuille en deux dans le sens de la longueur, on obtienne une moitié de feuille dans le même rapport, la longueur étant alors la largeur initiale.


Ce sujet est traité en exercice | Il peut vous faire penser à la spirale de Fibonacci : »


Mais revenons à notre sujet : avez-vous remarqué que pour mieux vous plaire et vous en servir, vos cartes de crédit ou de fidélité mesurent 8,5 × 5,3, soit un rapport longueur/largeur ≅1,604. Malin, non ?

   On peut, il est vrai, estimer harmonieuse la proportion Φ, plus instinctive que mythique, voire mystique, comme certains estiment pouvoir l'affirmer encore aujourd'hui, à l'instar de Luca Pacioli il y a plus de 500 ans, parlant de divine proportion. Φ serait-il la clé de l'Univers ? Ou bien serait-il licite de conjecturer que l'on prend le problème à l'envers : en estimant esthétique ce rapport longueur/largeur de l'ordre 1,6 et eu égard à la fascination pythagoricienne envers le pentagramme dont le rapport de la diagonale au côté s'avère être environ 1,62, parler de Φ ne serait-il pas plus classe...


Si votre navigateur accepte les applets Java
(» extension CheerpJ) :
Manip : Déplacer A et/ou B afin d'obtenir un rectangle ABCD vous paraissant esthétique, au sens de "bien proportionné".
AEFD reste un carré. Lorsque ABCD est un rectangle d'or, il en est de même de EBCF.
Vous constatez que AB/BC vaut alors environ 1,62 proche de la valeur théorique φ = 1,618
et le rapport inverse BC/AB vaut environ 0,62 : c'est la section dorée 1/φ = 1 - φ.

La figure dynamique ci-dessus si votre navigateur ne prend pas en charge les applets Java de Cabri-Géomètre :

Peinture et section dorée :

Certains affirment que Léonard de Vinci a inscrit le visage de Mona Lisa (La joconde) dans une séquence de rectangles d'or façon spirale de Fibonacci... On retrouve ici la remarque en début de page. Extrêmement douteux. Où commence et finit le mystérieux visage ?... D'autant que l'on peut s'arranger avec Φ en étirant ou compressant un tant soit peu l'image... :

        

D'autres estiment distinguer clairement le pentagramme dans le tableau de la Sainte Famille de Michel-Ange. Peu convaincant, la peinture s'inscrivant dans un cercle, il est facile d'y inscrire le pentagramme.

D'autres encore affirment que la section dorée est (entre autres existences supposées) présente chez Raphaël (Raffaello Sanzio, 1483-1520) et le français Nicolas Poussin (1595-1665). Elle apparaîtrait dans son tableau des Bergers d'Arcadie (seconde version, 1640, musée du Louvre) par l'intermédiaire ésotérique du pentagramme. Il en serait de même dans le tableau d'Hercule domptant le taureau de l'île de Crête de Géricault. Les arguments rencontrés sont peu convaincants.


 

Dans son tableau Sacrement de la dernière cène (1955), Salvador Dali emprunte à Léonard de Vinci et Platon pour les proportions du corps humain basé sur le nombre d'or : les 12 apôtres sont réunis avec Jésus à l'intérieur d'un dodécaèdre régulier formé de 12 pentagones réguliers dont les angles et les côtés sont étroitement à Φ comme on l'a vu précédemment.


Sacrement de la dernière cène, S. Dali. Source : site Amazon

Flore et section dorée :

D'aucuns affirment également que la nature affectionne tant le nombre d'or que les termes de la suite de Fibonacci. Les botanistes étudient ces hypothèses dans le cadre de la phyllotaxie :

           Une tranche de tomate : une belle approximation d'un pentagone régulier inscrit !


 

Faune et section dorée :

Dans le monde animal, on rencontre en particulier l'étoile de mer :

Architecture et section dorée :

En architecture, outre l'étonnant exemple contemporain de Le Corbusier déjà cité, Φ se retrouverait, selon Hérodote,  dans la pyramide de Kheops (proche du Caire, en Egypte :

 

Pyramide de Kheops et nombre d'or :  »

Les cathédrales gothiques comme celle de Reims ou de Metz seraient aussi concernées : on pouvait lire, en 1978, dans une revue pédagogique, le compte-rendu d'une activité intitulée Le nombre d'or en mathématiques, dans la nature et dans la cathédrale de Metz. Ayant constaté que le carré du transept, intersection du transept et de la nef, est (en fait) un rectangle de 17m sur 16m, le rapport du grand au petit côté est 17/16, voisin de 1,062. L'auteure écrit alors :

« Or, un rectangle dont un tel rapport est 1,05 est un rectangle lié à Φ de la façon suivante : son petit côté correspond au côté d'un pentagone régulier étoilé inscrit dans un cercle dont le diamètre correspond au grand côté du rectangle en question ».

 i  Pour info, le rapport exact en question est 2r/AB = r/BH lorsque r désigne le rayon du cercle circonscrit. On pourra calculer ce rapport à partir de la connaissance du côté c5 du pentagone régulier convexe et de cos(36°) = Φ/2 = (√5+1)/4 :

Un peu plus loin, dans ce document, on retrouve un arrangement du même type concernant le rectangle formé par le transept. Le rapport Longueur/Largeur est 47,2/17 ≃ 2,77, rectangle dont les proportions sont très éloignées du nombre d'or. Ce rectangle est-il quelconque ? Eh bien non, bien sûr et voilà pourquoi :

« Un rectangle dont ce rapport est 2,75 est un rectangle lié à Φ, le schéma permet de comprendre comment : si AM = MB, AB/DM = Φ. Sur le plan, nous relevons une longueur DM = 29 m, soit le rapport AB/DM = 47,2/29 = 1,62, valeur de Φ à 1/800 près ».

  

 i  Vérifions l'assertion AB/DM = Φ lorsque AB/AD = 2,75. Posons AD = a et AB = ka, k >1. Donc AB/AD = k. Vu que M est le milieu de AB, on calcule facilement DM. En écrivant AB/DM = Φ, on obtient une équation  d'inconnue k dont la solution est 2Φ/√(3 - Φ) ≅ 2,75276, proche de 2,75.

Tout cela n'est pas très sérieux. On l'a bien compris, le nombre d'or peut se retrouver absolument partout, même (et surtout) quand il n'y est pas ! De nombreux autres rapports sont relatés dans le Que-sais-je Le nombre d'or de Marius Cleyet-Michaud (» réf.1). Quoi qu'il en soit, le fait de retrouver Φ à la sortie de calculs arrangés n'apporte, dans cette cathédrale ou ailleurs, aucune émotion esthétique ou mystique supplémentaire au visiteur.

   Les occidentaux du monde chrétien ne furent pas les seuls à émettre le caractère divin du nombre d'or. Certains fidèles de la religion musulmane, s'exprimant sur des sites Internet, affirment avec ferveur la présence du nombre d'or dans le Coran, allusion à "Celui qui a créé toute chose en lui donnant ses justes proportions" : selon eux, l'emplacement de la ville sainte de La Mecque ne serait pas un hasard. Le rapport des distances aux pôles et d'Ouest en Est du sanctuaire de la Ka'ba, au sein de la Mosquée sacrée Masjid al-Haram serait égal à Φ. La Ka'ba, point d'or du Monde ? Mais qu'est-ce à dire ?

La Kaaba - Photo Google Earth.

Étude :   

Sur un segment plan (dimension 1), il y a deux points réalisant la section dorée. Sur un segment sphérique, le problème est plus compliqué... En observant la Terre, approximativement sphérique, suivant un axe nord-sud (NS), un point est repéré en latitude et longitude usuelles, notées ici respectivement λ et L, on peut estimer logique que le point K réalise une section dorée nord à la longitude de la Ka'ba si arcKS/arcKN = Φ.

La Terre étant supposée sphérique, la longueur d'un arc de grand cercle terrestre (méridien) est proportionnel à son angle au centre exprimé en radians ou en degrés décimaux.

λ, étant exprimé en degrés décimaux, on doit avoir :

arcKS/arcKN = (90° + λ)/(90° - λ) = Φ     (*)

Sachant que la Ka'ba est située à λ = 21°, 42 de latitude nord (en degrés décimaux) le rapport en question est (90° + λ)/(90° - λ) ≃ 1,6248..., soit Φ à 0,007 près et une erreur relative de 0,4%.  Pas mal !

   La latitude du point réalisant exactement la section dorée doit vérifier λ(1 + Φ) = 90(Φ - 1). Mais (» Fibonacci) 1 + Φ = Φ2 et Φ - 1 = 1/Φ. D'où λ = 90°/Φ3, soit λ ≃ 21°, 25. En termes de distance métrique, sans faire de calculs, grâce à Google Earth, cela situe la Ka'ba à 20 km au nord du point Φ théorique. Mais positivons, la Terre n'est pas sphérique et les calculs sont entachés d'erreur...

En longitude, le problème est très ambigu pour ne pas dire  insensé. Les calculs vont dépendre ici du méridien origine des longitudes tout à fait arbitraire. En le modifiant, on s'éloigne ou on se rapproche de Φ ! On retrouve la remarque en début de page.

Mais, par jeu, passons outre et basons nous sur le méridien de Greenwich, origine des longitudes depuis 1883. Afin de calculer la position d'une section dorée, il nous faut là encore un segment circulaire où placer K. On utilise le petit cercle de latitude λ passant par K de longitude L = 39°,83 Est par rapport au méridien de Greenwich.

Tout se passe comme si K était sur le segment circulaire [AB] défini par A(180° O, λ) et B(180° E, λ). Le rapport des distances angulaires d'Ouest en Est est alors (180 + L)/(180 - L) ≃ 1,568, soit Φ à 0,05 près et 3% d'erreur relative. Pas mal non plus, quoique moins convaincant qu'en latitude mais, comme expliqué ci-dessus, ce calcul n'a aucune valeur scientifique ou théologique...

   L'équation (180 + L)/(180 - L) = Φ fournit une longitude L = 180/Φ3 ≃ 42,5° par rapport à  Greenwich pour le point susceptible de réaliser une des sections dorées calculées par cette méthode. Selon la carte du monde étalée selon la projection de Mercator de 180° Ouest à 180° Est (planisphère), on voit qu'il y a 3 autres points candidats mais l'un est en plein océan atlantique, le second au large de Rio de Janeiro, le troisième dans l'océan indien au large de l'atoll français de Bassa da India, au sud-ouest de Madagascar.

Pour conclure :    

√5 n'est qu'un banal nombre irrationnel et, par là, Φ lui même. En son temps, Kepler renonça à expliquer l'harmonie céleste par la présence platonicienne des fameux polyèdres réguliers et découvrit alors les orbites elliptiques.

Il y a bien plus de mystère et d'intérêt à apporter dans le subtil, magnifique fascinant nombre π, dont la transcendance fut prouvée par Lindemann en 1882, et qui semble régir toutes les sciences et l'harmonieuse machine céleste, en notant par ailleurs ce lien relativement simple entre ces deux nombres mythiques :

cos(π/10) = Φ/2

résultant des propriétés du décagone régulier. Sans oublier le nombre e, base des logarithmes népériens, également transcendant (Hermite, 1873), tout aussi fascinant et lié au nombre π, par la belle formule d'Euler :

 e + 1 = 0

à propos de laquelle Tobias Dantzig écrivit qu'elle exprime l'union mystérieuse de l'arithmétique (0 et 1), de l'algèbre (i), de la géométrie (π) et de l'analyse (e).  

Le qualificatif de transcendant montre bien l'admiration de l'homme face à ce nombre pour le moins magique. Irrationnel, signifiant étymologiquement hors de la raison, apparaît plus banal...

Nombre plastique et suite de Padovan :  »

 Place du nombre d'or, Montpellier, quartier Antigone  ↓


    Pour en savoir plus :

  1. Le nombre d'or, par Marius Cleyet-Michaud, Que sais-je n°1530, Éd. P.U.F.
  2. Le nombre d'or, radiographie d'un mythe , suivi de la divine proportion, Éd. du Seuil (poche Sciences) - Paris.
  3. Le livre des nombres, par J.H. Conway et R.K. Guy - Éd. Eyrolles - 1998. Traduit de l'anglais.
  4. Fondation Le corbusier : http://www.fondationlecorbusier.fr/
  5. Le Modulor de Le Corbusier, par David bluteau : http://archicommun.free.fr/modulor/modulor.pdf
  6. Site de la Cité radieuse de Marseille : http://www.marseille-citeradieuse.org/
  7. The curves of Life, par Theodore Andrea Cook, extraits sur Google Livres dans une réédition de 1979 :
    http://books.google.fr/books?id=ea-TStM07EC&printsec=frontcover&dq=The+curves+of+life&hl=fr&sa=X&..

  8. Le nombre d'or foisonne sur la toile. On y trouve le pire et le meilleur dans une alchimie monomaniaque à tendance scientiste et philosophico-religieuse qui ont dû énerver le regretté Martin Gardner... Les vidéos (tapez nombre d'or dans YouTube ou Dailymotion) consacrées Φ à sont innombrables. Pour éviter tout malentendu, je n'en citerai aucune à l'exception de Wikipedia dont l'article étudie le problème de façon objective et critique.


© Serge Mehl - www.chronomath.com