ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges
 

SOUSLIN (Sousline, Suslin) Mikhaïl Yakovlevitch, russe, 1894-1919

   !   On ne le confondra pas avec son compatriote Andreï Aleksandrovitch Souslin (1950-) spécialiste en K-théorie.

Issu d'une famille modeste de petits commerçants, le jeune et brillant élève Mikhaïl Souslin (Cycлин : prononcer Soussline) put poursuivre des études secondaires au  lycée de Balachov (une ville du sud-ouest de l'ancien empire russe, près de Saratov) grâce au soutien de ses maîtres et à la générosité des dignitaires locaux. à 19 ans, il entre à l'université de Moscou et suit les cours d'Egorov et du jeune mathématicien Nikolaï Luzin qui le prend sous son aile. Il y rencontra  Pavel Alexandrov, un autre étudiant de Luzin, qui deviendra son ami.

Sous la direction de Luzin, Souslin travailla avec Alexandrov sur la théorie de la mesure, initiée par Jordan et développée par Borel et Lebesgue, et ses liens avec l'axiome du choix de Zermelo intervenant dans la caractérisation d'ensembles non mesurables au sens de Lebesgue

La révolution bolchévique éclate en 1917. De santé précaire, Souslin souffre des poumons et de malnutrition et la situation politique et sociale à Moscou est peu propice à ses recherches et à sa maladie. Il se retire et meurt victime du typhus deux années plus tard à l'âge de 25 ans.

Ensembles analytiques ou « ensembles A », espace de Souslin :

En 1917, Souslin infirme un résultat de Lebesgue selon lequel l'image continue d'un borélien est borélienne. Depuis, une telle image est qualifiée d'analytique. On parle aussi d'ensemble A ou encore en hommage à Souslin d'ensemble souslinien.

Ces ensembles, conduisant à des propriétés conséquentes au sein des tribus boréliennes  jouent un rôle important en théorie de la mesure et de l'intégration ainsi qu'en théorie du potentiel. Leur étude sera poursuivie par Luzin.

Borel, théorie de la mesure, tribu borélienne :  »

Espace de Luzin et de Souslin :    

H désignant un espace topologique séparé (espace d'Hausdorff) et P un espace polonais, s'il existe une application continue et bijective (resp. surjective) de P vers H, l'espace H sera qualifié d'espace de Luzin (resp. espace de Souslin).

» Luzin

   Sur ce difficile sujet, voici quelques résultats d'approche relativement simple : E désignera un  (espace topologique séparable, métrisable et complet) ou tout au moins homéomorphe à un tel espace.

  1. Soit IRR l'ensemble des nombres irrationnels muni de la métrique usuelle d(x,y) = | x - y | et F un sous-ensemble de E. Dans ces conditions, F est souslinien (image continue d'un borélien de E) si et seulement si F est une image continue de IR.

  2. Tout espace de Souslin contient une partie dense dénombrable.

  3. (Luzin) : Si A1 et A2 sont analytiques et disjoints dans E, il existe un borélien B contenant A1 et rencontrant A2.

  4. Conséquence (Souslin) : Si A est analytique dans E ainsi que son complémentaire, alors A est borélien.

Problème et hypothèse de Souslin (1920) : problème de Souslin, hypothèse de Souslin

Le nom de ce jeune mathématicien est aussi attaché à son problème, publié un an après sa mort, relatif aux cardinaux transfinis et au concept du continu, initié par Cantor, incarné par l'ensemble des nombres réels (voire simplement [0,1] qui lui est équipotent) et l'hypothèse du continu de Cantor selon laquelle il n'existe pas d'ensemble dont le cardinal soit compris entre o= Card N et 1 = Card R. La description ci-dessous, appelée continu de Souslin, définit ce que l'on doit attendre d'un ensemble "continu" :

Soit S un ensemble non vide totalement ordonné. On note ≤ sa relation d'ordre et on suppose que :

a/ L'ordre de S est dense : pour tout couple (a,b) de S2 tel que a < b, il existe c tel que a < c < b;
b/ Pour l'ordre considéré, S ne possède ni premier ni dernier élément;
c/ Pour l'ordre considéré, toute partie majorée (resp. minorée) de S admet une borne supérieure (resp. inférieure);
d/ Toute famille infinie d'intervalles ouverts de S deux à deux disjoints est dénombrable.

Si on remplace d/ par la condition plus forte que S admet une partie A dénombrable et dense (au sens topologique), alors S = R est solution du problème avec A = Q.

Le problème est de savoir si un tel ensemble S est isomorphe au continu R des nombres réels. Répondre affirmativement à la question constitue l'hypothèse de Souslin.

Des avancées sur le sujet, principalement dans les années 1970, ont été présentées tout au long du 20è siècle (Jensen et la méthode du forcing, Soloway, Tennenbaum, axiome de Martin...).  Mais le problème reste ouvert. Tout comme l'avait démontré Gödel pour l'hypothèse du continu, on sait aujourd'hui que :

Si l'on admet la cohérence des axiomes ZF de la théorie des ensembles, l'hypothèse de Souslin s'avère non contradictoire, indépendante de l'axiome du choix (axiomes ZFC)  et compatible avec celle du continu de Cantor.


   Pour en savoir plus :

  1. Ensembles analytiques : Encyclopedic Dictionary of Mathematics (EDM)
    Tome 1, §22, p. 107-114 - MIT Press Cambridge (Massachusetts) et London (England), 1993.
  2. L'hypothèse du continu et l'hypothèse de Souslin, par Georges Kurepa :
    http://elib.mi.sanu.ac.rs/files/journals/publ/8/3.pdf
  3. L'hypothèse de Souslin, thèse de Michiel Jespers (2013), univ. Leide (Pays-Bas) :
    https://www.math.leidenuniv.nl/scripties/JespersBach.pdf
  4. Espaces polonais, espaces de Souslin et de Luzin : Nicolas Bourbaki, Éléments de mathématique : Topologie, Ch. 9, §6.
  5. Caractérisation d'espaces polonais (Séminaire Choquet, 1972) :
    http://www.math.jussieu.fr/~raymond/preprints/polonais72.pdf


Heinz Hopf   Wiener
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