ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

ROBINSON (née BOWMAN) Julia, américaine, 1919-1985

 !  Née Bowman, Julia Robinson est, comme son mari Raphael Robinson, sans lien de parenté avec Abraham Robinson (1918-1974, métamathématique, analyse non standard), ni avec le britannique Derek Robinson (1938-, théorie des groupes,  algèbre homologique). Éléments biographiques : » réf.1.

Née à Saint-Louis (Missouri, USA), Julia Bowman eut une enfance difficile. Elle perdit sa mère à l'âge de deux ans. à 9 ans, à San Diego où son père s'est installé et remarié, elle contracte la scarlatine souffrant de plus de rhumatisme articulaire.  Julia ne sera plus scolarisée pendant deux ans mais elle fait montre de brillantes capacités intellectuelles, mathématiques en particulier, qui la conduisent au Diego State College. Son père, ruiné par le crash économique de 1929 se suicide en 1937. Sa tante et sa sœur aînée la prennent en charge.

Julia entre à l'université de Californie à Berkeley. Un de ses professeurs, Raphael Robinson (1911-1995), spécialisé en théorie axiomatique des nombres (dans le cadre de la refondation de l'arithmétique), lui fait forte impression : elle l'épouse en 1941 et envisage un doctorat dans la même branche de recherches que son mari. Ce sera auprès de Alfred Tarski qui enseigne également à l'université de Berkeley : elle soutient sa thèse en 1948, Definability and Decision Problems in Arithmetic, où elle prouve, en reconstruisant au préalable l'ensemble Q des rationnels, l'indécidabilité de la théorie des corps. Au prétexte que son mari est professeur à Berkeley, une curieuse réglementation pour le moins rigide, l'empêche d'obtenir un poste d'enseignement des mathématiques en cette université. Elle doit alors se contenter du département des statistiques...

 i   Raphael Robinson (1911-1995) : mathématicien américain qui étudia les mathématiques à Berkeley. Sa thèse (1934) portait sur l'analyse spécialisé en théorie des nombres axiomatique des nombres (dans le cadre de la refondation de l'arithmétique).

A part une courte incursion en théorie des jeux (» réf.5), ses travaux porteront sur les problèmes de calculabilité au moyen des fonctions récursives (en particulier, Recursive Fonctions of one variable, 1968) et de décidabilité en théorie algébrique des nombres, un sujet de la crise des fondements engendrée au début du 20è siècle par la théorie des ensembles de Cantor et la "bombe à fragmentation" que fut l'axiome du choix de Zermelo en 1908.

» Ackermann , Piotr Novikov , Tarsky , Church , Rózsa Péter , GödelKleene , Turing , Henkin

En 1959, dans un article intitulé The Undecidability of algebraic rings and fields, elle établit ce très beau résultat :

Toute extension algébrique de degré fini du corps des rationnels est indécidable

A la même époque, elle s'intéressait aux équations diophantiennes en relation avec un problème de décision, le très difficile 10è problème de Hilbert :

Existe-t-il un algorithme universel permettant de conclure à l'existence de solutions d'une équation diophantienne ?

Elle y travailla pendant plus de 10 ans avec l'intuition de son indécidabilité qu'elle espérait prouver au moyen de la théorie des fonctions récursives de Gödel. Ce sera finalement le jeune mathématicien russe Youri Matiyasevich qui en vint à bout en s'appuyant sur la démarche de Julia. Il s'en suivra une étroite collaboration entre ce dernier comme, par exemple, l'étude de la réduction des inconnues dans un problème diophantien. On pourra lire en réf.1 la très instructive publication de Solomon Feferman à la mémoire de Julia Robinson et, en réf.3, celle de Matiyasevich intitulée Ma collaboration avec Julia Robinson.

En 1976, Julia Robinson obtint (enfin) une chaire de mathématiques à Berkeley, poste qui lui était refusé depuis 25 ans. Cette même année, elle fut la première femme élue à l'Académie des sciences des États-Unis. Elle sera également la première à présider l'American Mathematical Society (AMS) en 1983, année où elle reçoit le prestigieux prix de la fondation MacArthur d'un montant de 500 000 $. Elle meut hélas prématurément de leucémie deux années plus tard.


Prix MacArthur :      (» réf.10)

En 1975, l'homme d'affaires et mécène John D. MacArthur (1897-1978 et son épouse créent à Chicago une fondation philanthropique intervenant dans divers domaines comme les droits de l'homme et le droit à l'éducation (bourses d'étude) à travers le monde, le droit au logement, l'encouragement des sciences pour la sauvegarde de la planète, ... En 1980, la fondation élargit son champ à un prix récompensant des travaux et créativités jugés exceptionnels dans toutes les branches d'activité, mathématiques en particulier, d'un montant très généreux de 500 000 $. Parmi les récipiendaires, figurent en particulier le physicien et mathématicien Edward Witten (1983), David Mumford (1987) et Terence Tao (2006). La liste complète, toutes spécialités confondues, figurent sur la page Wikipedia consacrée à ce prix (» réf.10c).


   Pour en savoir plus :

  1. a) Biographie et résumé des travaux de Julia Robinson, par Solomon Feferman, National academy Press, Washington - 1994 :
    http://www.nasonline.org/publications/biographical-memoirs/memoir-pdfs/robinson-julia.pdf
    b) The collected works of Julia Robinson par le même auteur (lecture limitée sur Google Livres), AMS - 1996 :
    https://books.google.fr/books?id=_33D84OENIAC&printsec=frontcover...
  2. Le dixième problème de Hilbert, par Youri Matiyasevich sur le Kangourou des mathématiques :
    http://www.mathkang.org/cite/confC01.html
  3. Ma collaboration avec Julia Robinson, par Youri Matiyasevich (1992) : https://logic.pdmi.ras.ru/~yumat/Julia/index.html
  4. Logique mathématique (tome 1 : théorèmes de complétude, tome 2 :  théorème de Gödel)
    par René Cori et Daniel Lascar, Éd. Dunod, Paris - 2003.
  5. La théorie des fonctions récursives et ses applications, par D. Lacombe (Bulletin de la SMF,1960) :
    http://archive.numdam.org/article/BSMF_1960__88__393_0.pdf
  6. Ensembles récursivement énumérables et théorème de Gödel, cours de Jean Betrema : http://www.labri.fr/perso/betrema/MC/MC4.html
  7. Théorie des corps, la règle et le compas, Jean-Claude Carrega - Hermann, 1989
  8. Théorèmes de non décidabilité, par D. Lacombe (Séminaire Bourbaki, 1962-64) :
    http://www.numdam.org/article/SB_1962-1964__8__323_0.pdf
  9. An iterative method of solving a game, par Julia Robinson (1951) :
    http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.294.5488&rep=rep1&type=pdf
  10. a) La fondation MacArthur : https://www.macfound.org/about/
    b) Bourse MacArthur, le prix du génie : http://madame.lefigaro.fr/societe/bourse-macarthur-prix-genie-191110-23187
    c) Le prix McArthur sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_MacArthur

Robinson Abraham (sans parenté)  Schützenberger
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