ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
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Dimension topologique (généralisation de la dimension euclidienne) et dimension fractale     
       » notion d'objet fractal

Cantor avait prouvé, à son grand étonnement, qu'il y a « autant » de points dans un intervalle (réel) de longueur c que dans un carré de côté c ! La courbe de Peano-Hilbert (à droite) se confond, à l'infini, avec une surface. Or, partant du principe qu'une ligne est de dimension 1 (dimension euclidienne) et qu'une surface est de dimension 2 (et un volume de dimension 3), il y a là un sérieux problème nécessitant la remise en question du concept de dimension euclidienne. La courbe de von Koch, première « vraie courbe » fractale est de dimension intermédiaire sensiblement égale à 1,262 : intermédiaire entre 1 et 2 !

Le concept de dimension :

Par dimension euclidienne, on entend le nombre minimum de paramètres intervenant dans l'équation de l'objet étudié dans l'espace euclidien usuel 3D.

x = Rcosφcosλ , y = Rcosφsinλ, z = Rsinφ

(λ,φ) décrivant [0;2π] × [-π/2;+π/2]. Sur Terre, λ et φ désignent respectivement la longitude et la latitude.



segment, droite, ligne courbe ou brisée, polygone, cercle,... sont des objets géométriques de dimension euclidienne 1

 
une portion de plan, un disque, une bulle, une sphère, ... sont des objets géométriques de dimension euclidienne 2

  , ,
une boule, une planète, un pavé, ... sont des objets géométriques de dimension euclidienne 3

Les plus grands mathématiciens comme Lebesgue, Brouwer, Hurewicz, Hausdorff, Poincaré, ... se penchèrent sur le concept de dimension dans les années 1910-1920 en cherchant à définir une dimension pour des espaces topologiques et métriques abstraits, généralisant la dimension euclidienne intuitive. La difficulté réside dans la nécessaire coïncidence, non seulement avec cette dernière, mais aussi avec la dimension que l'on rencontre dans les espaces vectoriels "usuels".

Lebesgue fut le premier (1911) à donner une définition. Elle fut considérée comme non convaincante par Brouwer, adepte du constructivisme, qui proposa (1913), inspirée d'une idée de Poincaré, une approche inductive (par récurrence sur la dimension n) dans les espaces topologiques. Le mathématicien autrichien Menger travailla avec Cayley et Pavel S. Urysohn sur le cas des espaces métriques. Cependant, aucune des définitions exhibées ne sont pleinement satisfaisantes lorsqu'on tente de les appliquer à des espaces plus généraux.

Eu égard aux ensembles, courbes et surfaces pathologiques (fractals en particulier) rencontrés depuis le début du 20è siècle, on parle aujourd'hui plus prudemment de dimension topologique en exprimant, par exemple, que la dimension sera 1 ou 2 suivant que l'objet considéré est homéomorphe à un ouvert de R ou R2.

Théorème d'homéomorphisme de Brouwer :  »

Dans les cas "usuels", il y a coïncidence entre dimension topologique et la dimension euclidienne intuitive. La dimension devient ainsi une propriété topologique : elle se conserve par homéomorphisme. Une courbe, aussi bizarre qu'elle soit, ne pourra donc pas être homéomorphe à une surface (ne pas confondre un carré avec la surface qu'il contient).

Dimension fractale (souvent dite de Hausdorff ou de Hausdorff-Besicovitch) :

Concernant les objets fractals, Abraham S. Besicovitch et Harold. D. Ursell donnèrent (1937) une définition de la dimension compatible avec la dimension euclidienne usuelle, basée sur les avancées d'Hausdorff en ce domaine.

Dans le cas relativement simple des objets fractals à homothétie interne, comme le flocon de Von Koch, dits aussi auto-similaires : semblables à eux-mêmes quel que soit le facteur d'agrandissement, obtenus par un processus homothétique itératif de rapport constant (à un déplacement près : rotation ou symétrie → similitude) , la formule de la dimension se réduit simplement à :

n désignant le nombre de sous-ensembles obtenus lors du processus de réduction de facteur, rapport d'homothétie 1/k (pour notre flocon, n = 4, k = 3).

La formule est applicable aux lignes et surfaces usuelles, ce qui permet d'énoncer, avec Benoît Mandelbrot :

Un objet est fractal si sa dimension d'Hausdorff est strictement supérieure à sa dimension topologique.

Considérons, en effet, un objet usuel euclidien de mesure E (par usuel euclidien, nous entendrons avant la découverte des objets fractals...) : E peut être une longueur, une aire, un volume. Faisons lui subir une réduction de facteur k. On sait, depuis la classe de 3ème, que la mesure E' obtenue vérifie E' = kd x E, k désignant la dimension usuelle : 1 pour une longueur, 2 pour une aire, 3 pour un volume. Choisissons, pour un objet donné, sa mesure E comme unité, on a :

E' = kd , soit : log(E') = d ×log(k), donc  d = log(E')/log(k), c'est la formule énoncée ci-dessus.

Vérification pour un carré de côté c :

On peut le paver au moyen d'un nombre fini quelconque n de carreaux de côté c/n : on a alors n2 carreaux et le facteur de réduction est 1/n; donc d = log(n2)/log(n) = 2log(n)/log(n) = 2. Pour un cube, on obtiendrait de même n3 cubes de côté c/n, d'où d = 3. Quant à une distance (d = 1) : ça marche aussi !

 
Quelle est la dimension fractale de cet objet dont sont données ci-dessous les 3 premières approches ?

    Pour en savoir plus :

  1. Historique de la notion de dimension, un document très instructif : correspondances de Fréchet (entre 1907 et 1926)
    et son apport à la théorie de la dimension. Les idées de Poincaré et 3 lettres de Brouwer à Baire
    ,
    par Hélène Gispert, cahier du séminaire d'histoire des mathématiques (1980) :
    http://archive.numdam.org/item/CSHM_1980__1__69_0.pdf

  2. Les dimensions d'un ensemble abstrait, Maurice Fréchet :
    http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PID=GDZPPN002263041

  3. La pensée de l'espace par Gilles-Gaston Granger sur Google Livres :
    https://books.google.fr/books?id=JdEjAAAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary...

  4. Courbes et dimension fractale, par Claude Tricot : une grande partie du livre est accessible sur Google livres à cette adresse.
    On peut également le commander sur Amazon : Courbes et dimension fractale.

  5. L'éponge de Menger :
    a/ Document APMEP n°473, par Patrick Schili : http://www.apmep.fr/IMG/pdf/menger.pdf
    b/ Document IREM Paris-nord : http://www-irem.univ-paris13.fr/site_spip/spip.php?article370


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