ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

 Pavages du plan

Ce sujet d'apparence ludique est en fait d'une grande importance tant en mathématiques qu'en chimie et cristallographie où les structures géométriques moléculaires et minérales peuvent être classifiées grâce aux propriétés d'invariance des pavages plans par les isométries usuelles de la géométrie affine, élémentaires ou composées : translations, symétries, symétries glissées et rotations. On pourra se référer à la page consacrée aux isométries du plan et de l'espace. Une étude précise des pavages plans fait appel à la théorie des groupes de transformations initiée par Felix Klein. Les pavages de surfaces 3D font intervenir de subtiles propriétés de topologie, voire de géométrie différentielle.

    Dans le cas du plan, nous restons ici à un niveau relativement élémentaire. Pour une étude plus formelle de la notion de pavage, on pourra consulter, entre autres références citées in fine, le document Pavages du plan par Yves Benoist sur le site de l'École polytechnique (réf. 9) et la preuve du théorème de Fedorov (réf. 10).

La photo ci-dessous représente une portion de carrelage hexagonal d'une terrasse. Les carreaux (ou pavés ou tuiles) de ce carrelage ont une forme mathématique précise : ce sont ici des hexagones réguliers identiques. En faisant abstraction des joints qui les assemblent, au sens mathématique, l'ensemble de ces carreaux constituent une partition du sol de la terrasse : les pavés ne se recouvrent pas et leur réunion recouvre totalement la terrasse. En restant dans le champ concret, le pavage du plan s'interprète également en terme de motif de papier peint ou de nappe de table


Pavage hexagonal


Pavage urbain souvent rencontré

Le fait que les pavés soient identiques se traduit mathématiquement par un qualificatif plus précis : ils sont isométriques. Chacun est l'image d'un autre par une isométrie du plan qui peut donc être :

Cette condition d'isométrie nécessite de munir le plan d'une distance et d'une orientation : nous sommes ainsi plongés dans le monde des espaces euclidiens avec le concept de produit scalaire.

Produit scalaire et espaces euclidiens : »

Définition 1 :    

On appelle pavage d'un espace euclidien E, toute partition de E en pavés isométriques deux à deux.

Définition 2 :    

Lorsque E est de dimension n, un pavage est dit périodique s'il est globalement invariant par (au moins) n translations de vecteurs non colinéaires.

 !   Cela sous-entend que le pavage n'est pas limité ! La comparaison à un carrelage a donc des limites... Dans le plan, si on se limite à un seul vecteur de translation, on obtiendrait concrètement une frise comme illustrée ci-dessous :

Toujours, en termes concrets de carrelages (de ma maison de campagne des années 1970...), voici un exemple de pavage périodique au moyen de pavés rectangulaires de longueur double de la largeur :


 

Mathématiquement, vous constaterez que l'on passe du pavé A au pavé B par rotation de centre O, d'angle 90°.

La réunion de A et B peut s'interpréter comme un pavé que l'on retrouve par translations successives, rotations ou symétries glissées.


Le même type de pavage du Real Alcazar de Séville fournie gracieusement par TripAdvisor

Théorème 1 :    

Le pavage périodique du plan est possible par tout quadrilatère, convexe ou non

Pour vous en convaincre, en voici une preuve visuelle basée sur le théorème de Varignon selon lequel le quadrilatère joignant les milieux des côtés est un parallélogramme. Le pavé initial est en jaune. On a schématisé les vecteurs de translation ±2u et ±2v permettant d'obtenir les pavés bleus. Les pavés roses sont obtenus par symétrie centrale par rapport aux milieux des côtés. Le bloc de contour marqué en gras se reproduit au moyen des deux translations (directes ou opposées).

Théorème 2 :    

Le pavage périodique du plan au moyen de polygones convexes n'est possible que pour des polygones dont le nombre de côtés n'excède pas 6 (triangles, quadrilatères, pentagones, hexagones).  Preuve : » réf. 6

Si un polygone régulier de n côtés est susceptible de paver le plan, notons p le nombre de polygones qui se côtoient en chaque sommet du pavage. On doit avoir 2π = p(π - 2π/n), ce qui se simplifie en  np - 2p - 2n = 0. Ajoutons alors 4 dans les deux membres :

p(n - 2) - 2(n - 2) = 4, soit (n - 2)(p - 2) = 4

 n et p étant entiers, on a guère le choix :

Théorème 3 (Pappus d'Alexandrie) :    

Les seuls polygones réguliers convexes qui pavent le plan sont le triangle équilatéral, le carré et l'hexagone régulier.

»  Pappus d'Alexandrie               Polygones réguliers :  »


Un pavage mixte : carrés et octogones réguliers

Manip à partir d'une tuile  rectangulaire :     


Découpage, collage, coloriage...


et pavage...

Théorème 4 :    

Les possibilités de pavage du plan (carrelages), c'est à dire du recouvrement (sans trous !) du plan par juxtapositions d'un même motif élémentaire, sont limitées à 17 catégories.

La preuve de ce résultat a été donnée à la fin du 19è siècle par le minéralogiste et mathématicien russe Evgrav S. Fedorov (1853-1919) de l'université de Saint-Pétersbourg. Cette limitation à 17 exprime les différentes configurations de pavages (classes d'isomorphie) caractérisées par les isométries élémentaires ou composées, qui, appliquées au motif répété, conservent le pavage (invariance globale). Fedorov dénombra également 230 types de pavages de l'espace euclidien à 3 dimensions.

 !  Il n'est pas dit qu'il n'existe que 17 pavages du plan : on ne peut pas paver n'importe comment avec n'importe quoi, mais les choix rationnels restent illimités ! On pourra consulter l'étude de ce beau théorème (» réf. 10).

Les 17 types bénéficient de noms tout aussi savants que les polyèdres de l'espace : rhombique monosymétrique, hexagonal trisymétrique, ... Ces appellations s'identifient aux sous-groupes d'isométries (groupes de symétrie) qui les caractérisent. Leur intervention en minéralogie dans le classement des cristaux conduit à parler des 17 groupes cristallographiques.

Les voici illustrés ci-dessous grâce au beau logiciel de Marcel Morales (» réf. 12a).

» Les motifs choisis sont volontairement simples car tout complexité nuirait à la reconnaissance des translations, rotations et symétries et, par conséquent, à leur vocation pédagogique.

Le codage des types est celui des  cristallographes suivi de celui de Conway (» réf. 6) et du Kangourou (» réf. 4). Les appellations sont celles du Kangourou (André Deledicq et Raoul Raba) :


I - type  p1 (o,R0) - parallélogrammique asymétrique


II - type p2 (2222,R2) - parallélogrammique symétrique


III - type p3 (333,R3) - hexagonal 3-rotatif       » explication en images


IV - type p4 (442,R4) - carré 4-rotatif


type V - type p6 (632,R6) - hexagonal 6-rotatif


VI - type pg (xx,M0g) - rectangulaire glissant


VII - type cm (x*,M1g) - rhombique monosymétrique


VIII - type pm (**,M1) - rectangulaire monosymétrique


IX - type pgg (22x,M0R2) - rectangulaire biglissant


X - type pmm (*2222,M2) - rectangulaire bisymétrique


XI - type cmm (2*22,M2R2) - rhombique bisymétrique


XII - type pmg (22*,M1R2) - rectangulaire glissant symétrique


XIII - type p3m1 (*333,M3) - hexagonal trisymétrique


XIV - type p4g (4*2,M2R4) - carré 4-rotatif glissant


XV - type p31m (3*3,M3R3) -  hexagonal 3-rotatif symétrique


XVI - type p4m (*442,M4) - carré totalement symétrique


XVII - type p6m (*632,M6) - hexagonal totalement symétrique


XVII - type p6m (*632,M6) - autre cas hexagonal totalement symétrique

Voici un pavage obtenu avec le logiciel kali (» réf.12c) :

Cet autre exemple semble assez tourmenté et peu esthétique... :

Il suffit de le colorier pour le trouver plus attrayant... On pourra reconnaître ici le groupe hexagonal 3-rotatif p3 (333,R3) :

Nombreux sont les motifs qui étaient déjà connus des Égyptiens de l'antiquité dans l'art décoratif. Les architectes arabes les ont magnifiés dès le 12è siècle dans le célèbre palais de l'Alhambra de Grenade où 13 d'entre eux sont présents selon Pascal Chossat (» réf.9).

       
Espagne : palais de Grenade (Alhambra), décoration murale (détails). Source photos : http://www.fotosalhambra.es/blog/pagina/4/


Mosaïques, musée du bardo (Tunis)


Pavage en hexagones allongés


Mosaïque byzantine (musée d'Istanbul)

                  
Un pavage "autobloquant" très utilisé en milieu urbain


No comment...


Pavage quasi-périodique de Penrose


Papillons de M. C. Escher

Penrose et les pavages quasi-périodiques du plan :  »              »  Coxeter et groupe diédral


  1. Quel type ?.. Rép. : ici

  2. Quel type ?.. Rép. : ici

  3. Quel type ?.. Rép. : ici
 

  4. Quel type ?.. Rép. : ici

 


    Pour en savoir plus :

  1. Pavages par Pierre de la Harpe, univ. Génève, (nov. 2011) :
    https://www2.unine.ch/files/content/sites/math/files/shared/documents/sem_math_soc/2012/pavages.pdf

  2. Les 17 types de pavages du plan sur le site Maths Magiques de Thérèse Eveilleau :
    http://therese.eveilleau.pagesperso-orange.fr/pages/jeux_mat/textes/pavage_17_types.htm

  3. Toujours sur le site Maths Magiques, voir aussi les superbes animations de pavages plans :
    http://therese.eveilleau.pagesperso-orange.fr/pages/jeux_mat/textes/17_pavages/p1_pavage_paral.html

  4. Le monde des pavages par André Deledicq et Raoul Raba, une référence bien connue des professeurs, car elle fit partie des cadeaux du célébrissime concours Kangourou, incluant l'étude des frises, liée aux translations, rotations, symétries, symétries glissées (niveau collège, lycée) : 64 pages superbement illustrées et argumentées. Éd. ACL - Éditions du Kangourou.

  5. Mouvements euclidiens et pavages, par Aziz El Kacimi (univ. Valenciennes)  :
    http://www.univ-valenciennes.fr/lamav/elkacimi/PAVAGES_EXPOSE.pdf

  6. Sur le site du Kangourou, paver avec des carreaux de 4, 5 ou 6 côtés : http://www.kangmath.org/pdf/paver.pdf

    http://www.kangmath.org/default.html

  7. Pavages plans et notation de Conway : pages interactives construites avec Geogebra conduisant à comprendre la notation de Conway en étudiant les translations, symétries et rotations et s'appuyant sur les figures du livre Le monde des pavages (réf.4).

  8. Groupes et géométries, par Brigitte Sénéchal - Éd. Hermann, Paris - 1979

  9. Pour une étude plus formelle de la notion de pavage, on pourra consulter le document Pavages du plan par Yves Benoist sur le site de l'École polytechnique http://www.math.polytechnique.fr/xups/xups01.01.pdf

  10. Preuve du théorème de Fedorov in Mathématiques générales pour l'agrégation, Ch. XXXII
    par Patrice Tauvel (univ. Poitiers), Éd Masson, Paris - 1992. On y trouvera également la classification des frises.

  11. LES SYMÉTRIES BRISÉES, par Pascal Chossat, collection Sciences d'avenir - Pour la Science, diffusion Belin - Paris, 1996.
    Page personnelle de Pascal Chossat, directeur de recherche au CNRS, univ. Nice : http://math1.unice.fr/~chossat/

  12. a) Logiciel de Marcel Morales, IUFM Lyon/Institut Fourier Grenoble :
     https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~morales/logiciel-pavage-Marcel-Morales.html
    b) Logiciel de Pascal Peter, professeur de mathématiques :
    http://pascal.peter.free.fr/pavages.html.
    c) Pavages et logiciel kali sur ScienceU (le lien vers kali semble obsolète) :
    http://www.scienceu.com/geometry/articles/tiling/

  13. Wallpaper Groups (notations de Conway, espace quotient) par Silvio Levy (univ. Minnesota) :
    http://www.geom.uiuc.edu/docs/reference/CRC-formulas/node12.html

  14. Pour contempler de magnifiques pavages plan, tapez Mosaïques arabes dans Google Images :
    https://www.google.fr/search?q=mosaïque+arabe

  15. Pavages et cristallographie, une page de Samuel Petite, univ. de Picardie :
    http://www.cmm.uchile.cl/~mschraudner/DySyCo/Slides/PetiteLecture1.pdf

  16. M. C. Escher et pavages du plan, une étude de Xavier Hubaut (professeur émérite, ULB) :
    http://xavier.hubaut.info/coursmath/doc/pavages.htm

Réponses : 1. p4m (M4) - carré totalement symétrique  |  2. type p4g (M2R4) - carré 4-rotatif glissant
3. type p3m1 (M2) - hexagonal trisymétrique  |  4. type p2 (R2) - parallélogrammique symétrique


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