ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

La chaînette aussi appelée courbe funiculaire

 

Galilée, bien avant l'EDF..., fut sans doute le premier à s'intéresser à la chaînette qu'il prit pour un arc de parabole. Un demi-siècle plus tard, Jean Bernoulli, Huygens et Leibniz trouvèrent (indépendamment) en réponse au défi lancé par Jakob Bernoulli, sa véritable nature en 1691 : engendrée par un cosinus hyperbolique.

Considérons un câble homogène, flexible, attaché en deux points A et B. Dans sa position d'équilibre, le câble pend dans un plan vertical et semble prendre une forme parabolique. En fait, pas vraiment...

      Dans toute la suite l'écriture en italique gras désignera un vecteur :

Créons dans ce plan un repère orthonormé (O, i, j), où O désigne le point le plus bas du câble et notons g le champ de pesanteur à son endroit.

Nous admettons ici un principe de statique :

la tension T qui s'exerce en un point M(x,y) du câble est portée par la tangente en M

Appelons To la tension au point O faisant échec à la tension en M de sorte que la portion de câble [OM] de longueur L, soumise à son poids au point G , soit en équilibre au sens statique : c'est dire que si µ désigne la densité linéaire du câble, nous avons la relation vectorielle :

T + To + µL.g = 0

Projetons sur les axes de coordonnées en notant â l'angle ^(i, T). On a les décompositions suivantes :

T = Tx.i + Ty. j = || T ||cos â.i + || T ||sin â. j   ,  To = - || To ||.i   et   g = - || g ||.j

On peut alors écrire le système :

(s)   || T ||.cos â - || To || = 0

  || T ||.sin â - µL.|| g || = 0

 

Téléphérique du Pic du Midi de Bigorre : en l'absence de charge, entre deux pylônes,
le câble accuse une certaine flèche et épouse la forme d'une chaînette  →

Afin de simplifier les écritures, nous posons µ.|| g || = p et k = || To ||/p.
Il vient alors en éliminant || T || dans (s) :

(e1) :    tan â = L/k

Pour obtenir une relation entre les coordonnées x et y de M sous la forme cartésienne y = f(x), nous allons différentier l'équation (e1) :

(e2) : d(tan â) = dL/k

Considérons alors le point M'(x+dx,y+dy) du câble. L'équation (e2) caractérise l'équilibre de la portion de câble [MM'] de longueur infinitésimale dL au voisinage de M(x,y).

Par symétrie, on peut supposer dx > 0. Dans ces conditions, puisque T dirige la tangente en M : tan â = dy/dx. En posant dy/dx = y', vu que dL2 = dx2 + dy2, on obtient :

Mais dy'/dx n'est autre que y" (dérivée seconde de y par rapport à x) : nous sommes donc en présence d'une équation différentielle du second ordre :

qu'il sera aisé de ramener au premier ordre en posant u = y'. Le membre de gauche est facilement intégrable :

Intégrons donc (e3) et passons à l'exponentielle, en remarquant qu'en x = 0 on a y' = 0 :

C'est dire que :

(e4) : y' = (ex/k - e-x/k)/2

En remarquant enfin qu'en x = 0 on a aussi y = 0, la solution de (e4), donc de (e3) et de notre problème sera :

Y = k(eX/k + e-X/k)/2 = k.cosh(X/k)

avec X = x , Y = y + k, cosh désignant la fonction cosinus hyperbolique.

   Le choix particulier de l'origine que nous avons fait dans ce calcul évite l'intervention des coordonnées de A et B. Ces dernières interviennent au niveau du calcul des constantes d'intégration. Le cas général fournit un résultat de la forme :

et conduit sans peine au calcul des constantes C1 et C2 en exprimant que la courbe passe par A et B.

Applications :

La chaînette est d'une importance capitale car elle permet de calculer les flèches (c'est à dire la distance de l'arc à la corde) à donner aux câbles suspendus afin que les tensions aux points d'accroche ne soient pas excessives (comme à gauche sur des pylônes EDF). En effet, dès que l'on cherche à tendre par trop un câble entre deux pylônes, les tensions deviennent considérables.

Dans le cas des lignes de chemins de fer électrifiées, on remédie à la flèche rédhibitoire par un câble porteur principal de la caténaire (câble conduisant le courant alimentant la locomotrice, du latin catena = chaîne) : le câble supérieur (ci-dessous à droite) subit une flèche acceptée, ce qui diminue les tensions entre les pylônes.

La caténaire reste ainsi bien linéaire grâce aux accroches auxiliaires multiples à un câble auxiliaire. D'ailleurs, l'ancien nom de la chaînette fut précisément la caténaire, nom qui lui est resté en anglais (catenary).

Ci-dessous, les câbles soutenant les tabliers de ponts suspendus ont une forme parabolique apparaissant comme approximation d'une chaînette : le poids du câble étant très faible comparé à celui du tablier, la composante verticale de son poids (qui s'applique sur les piliers verticaux) peut être négligée dans le calcul précédent.


Pont sur le petit Rhône - Languedoc

Par suite dans le calcul de µL.g de la théorie ci-dessus, avec dL2 = dx2 + dy2, on peut écrire sensiblement dL = dx, ce qui conduit à l'équation très simple : dy' = dx/k, c'est à dire y" = 1/k.

Finalement y = ½x2/k + C1x + C2 : c'est l'équation d'une parabole. Les deux "moitiés" de parabole, fixées sur les rives, équilibrent les poussées sur les deux piles du pont.

   Notons enfin que la chaînette est la roulette du foyer d'une parabole, autrement dit le lieu de son foyer lorsqu'elle roule sans glisser, sur une droite :

» chaînette elliptique (roulette de Delaunay) , roulette de Pascal (cycloïde) , tractrice
© Serge Mehl - www.chronomath.com