ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

Intégral selon l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

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INTÉGRAL, adj. (Matth. trans.) le calcul intégral est l'inverse du calcul différentiel. Voyez DIFFERENTIEL.

Il consiste à trouver la quantité finie dont une quantité infiniment petite proposée est la différentielle ; ainsi supposons qu'on ait trouvé la différentielle de xm qui est m x(m - 1) d x. Si on proposait de trouver la quantité dont m x(m - 1) d x est la différentielle ; ce serait un problème de calcul intégral.

Les Géomètres n'ont rien laissé à désirer sur le calcul différentiel ; mais le calcul intégral est encore très-imparfait. Voyez DIFFERENTIEL.

Le calcul intégral répond à ce que les Anglois appellent méthode inverse des fluxions. Voyez FLUXIONS.

Le calcul intégral a deux parties, l'intégration des quantités différentielles qui n'ont qu'une variable, & l'intégration des différentielles qui renferment plusieurs variables. On n'attend point de nous que nous entrions ici dans aucun détail sur ce sujet ; puisque ce ne sera jamais dans un ouvrage tel que celui-ci que ceux qui voudront s'instruire du calcul intégral en iront chercher les règles. Nous nous contenterons d'indiquer les livres que nous jugeons les meilleurs sur cette matière, dans l'ordre à-peu-près dans lequel il faut les lire.

On commencera par les leçons de M. Jean Bernoulli sur le calcul intégral, imprimées en 1744, à Lausanne, dans le Tom. II. du recueil de ses œuvres. On continuera ensuite par la seconde partie du Tom. II. du traité anglois des fluxions de M. Maclaurin. Après quoi on pourra lire la quadrature des courbes de M. Newton, & ensuite le traité de M. Cotes, intitulé Harmonia mensurarum, imprimé à Londres en 1716. On trouvera dans les actes de Leipsic de 1718, 1719, &c. & dans le Tom. VI. des mem. de l'acad. de Pétersbourg, des memoires de Mrs Bernoulli & Herman, qui faciliteront beaucoup l'intelligence de ce dernier traité. On peut aussi avoir recours à l'ouvrage de Dom Walmesley, qui a pour titre, analyse des rapports, &c. & qui est comme un commentaire de l'ouvrage de M. Cotes. Dans ces ouvrages on ne pourra guère s'instruire que de la partie du calcul intégral, qui enseigne à intégrer ou a réduire à des quadratures les quantités qui ne renferment qu'une seule variable. Tout ce que nous avons sur la seconde partie, c'est-à-dire, sur l'intégration des différentielles à plusieurs variables, ne consiste qu'en des morceaux séparés, dont les principaux se trouvent épars dans le recueil des œuvres de M. Bernoulli, & dans les mémoires des académies des Sciences de Paris, de Berlin & de Pétersbourg. M. Fontaine de l'académie royale des Sciences, a composé sur cette matière un excellent ouvrage qui n'est encore que manuscrit, & qui est rempli des recherches les plus belles, les plus neuves & les plus profondes. C'est le témoignage qu'en a porté l'académie dont il est membre. Voyez l'histoire de cette académie 1742.

Au reste sans avoir recours aux différens écrits dont nous avons fait mention plus haut, on peut s'instruire à fond du calcul intégral dans l'ouvrage que M. de Bougainville le jeune a publié sur cette matière en deux volumes in-4°. Il y a recueilli avec soin tout ce qui étoit épars dans les différens ouvrages dont nous avons parlé ; il a expliqué ce qui avait besoin de l'être, & a réuni le tout en un seul corps d'ouvrage qui doit faciliter beaucoup l'étude de cette partie importante des Mathématiques. Mademoiselle Agnesi, savante mathématicienne de Milan, avait aussi déjà recueilli les règles de calcul intégral dans un ouvrage italien, intitulé institutioni analitiche, &c. mais l'ouvrage de M. de Bougainville est encore plus complet. (O).

INTEGRALE, s. f. (Géom. trans.) on appelle ainsi la quantité finie & variable, dont une quantité différentielle proposée est la différence. Ainsi l'intégrale de d x est x, celle de m x(m - 1) d x est xm. Voyez DIFFERENTIEL & INTEGRAL. (O).

INTÉGRAL, (Mathem. transc.) Le calcul intégral est l'inverse du calcul différentiel. En quoi il consiste. Il est encore très-imparfait. Deux parties de ce calcul. Ouvrages auxquels on doit recourir, indiqués dans l'ordre à-peu-près dans lequel il faut les lire. VIII. 805. a. Eloge de l'ouvrage de M. Fontaine sur cette matiere, & de celui de M. de Bougainville le jeune, par la lecture duquel on peut s'instruire à fond du calcul intégral. Ibid. b.

INTEGRAL, calcul, (Géom. transc.) L'auteur a rassemblé, soit ici, soit dans les articles auxquels il renvoie dans le courant de celui-ci, ce que les géometres ont fait jusqu'à présent de plus général & de plus important sur cette partie de l'analyse ; & il a indiqué avec soin les sources où l'on trouvera le développement de ce qu'il ne fait qu'indiquer. Histoire abrégée du calcul intégral. Suppl. III. 619. a. Des différentes méthodes dont plusieurs géometres l'ont enrichi. Exposition d'une méthode générale pour intégrer une équation quelconque, c'est-à-dire pour trouver son intégrale en termes finis, toutes les fois que cette intégrale existe. L'auteur ne traite ici que d'une équation à deux variables. Ibid. b. Position des principes. Ibid. 620. a. Opérations au moyen desquelles on résoudra toute sorte d'équation. Ibid. b. M. Euler a remarqué le premier qu'il y avoit des équations qui satisfaisoient à une équation différentielle, sans cependant être comprises dans son intégrale générale. Réflexions sur la cause de ce paradoxe. Ibid. 622. a. La méthode enseignée dans cet article ne peut être regardée comme vraiment générale, que si on a un moyen de s'assurer, (le nombre de formes dont une intégrale finie est susceptible étant connu) si les fonctions rationnelles qui entrent dans ces formes se terminent à un nombre fini de termes. Méthode par laquelle on y parviendra. Ibid. 623. a. Ouvrages à consulter. Quelles sont les équations dont on ne peut avoir la valeur de l'intégrale en fonctions finies. Maniere d'avoir ces intégrales en series, la plus propre à pénétrer dans la nature de ces équations. Ouvrages qui renferment ce qui a été fait de plus important sur le calcul intégral. Ibid. b. Applications du calcul intégral, dont les unes ont pour objet l'analyse pure, les autres la science du mouvement, d'autres enfin la connoissance des phénomenes de la nature. Auteurs à qui l'on est redevable de ces applications. Ibid. 624. a.

INTÉGRAL (CALCUL), Matth. trans. J'ai tâché de rassembler ici, & dans les articles auxquels je renverrai dans le courant de celui-ci, ce que les géometres ont fait jusqu'à présent de plus général & de plus important sur cette partie de l'analyse. J'ai indiqué avec soin les sources où l'on trouvera le développement de ce que je ne fais qu'indiquer. J'ai cherché à être à la fois clair pour les commençans, & intéressant pour les géometres consommés. Enfin, j'ai voulu traiter cette matiere de maniere que si tous les livres qui en parlent étoient un jour perdus, & qu'il ne restât que l'Encyclopédie, des hommes de génie pussent en peu de tems réparer cette perte, & remettre la science au point où elle est maintenant.

Histoire abrégée du calcul intégral. Newton & Leibnitz en sont les inventeurs : mais depuis Archimede jusqu'à eux, on s'étoit occupé de problêmes particuliers que nous résolvons par ce calcul, & qu'on résolvoit alors par des équivalens. Archimede avoit découvert le rapport de la sphere au cylindre, quarré la parabole, trouvé le centre de gravité des espaces paraboliques & circulaires, & donné des valeurs approchées du rapport du diamètre à la circonférence du cercle. Cette partie de l'analyse ne fit aucun progrès dans dix-huit siecles entre Archimède & Descartes. Mais ce restaurateur des sciences, ses disciples & ses contemporains quarrerent ou rectifierent quelques autres courbes, déterminèrent des surfaces de solides, & des centres de gravité, soit d'une maniere rigoureuse, soit par approximation ; les méthodes de Wallis & de Pascal sont très-générales : ils touchoient à l'invention du calcul intégral, comme Barrou touchoit à celle du calcul différentiel. La regle fondamentale pour les puissances simples, la maniere d'intégrer par parties pour les quantités composées, se trouvent dans ces deux géomètres. La méthode de Pascal est le passage de l'analyse des anciens aux nouveaux calculs ; & celle de Wallis, le passage de l'analyse de Descartes au calcul intégral : aussi l'ouvrage de Pascal devenu inutile depuis qu'on connoît des méthodes plus simples, sera-t-il toujours précieux comme un monument singulier de la force de l'esprit humain, & comme liant ensemble Archimede & Newton. Newton n'employa le calcul intégral, proprement dit, que dans son ouvrage sur la quadrature des courbes. (Voy. QUADRATURE dans ce Supplément.) Et dans ses Principes il préféra souvent la méthode des anciens à celle qu'il avoit lui-même inventée. Mais Jean Bernoulli employa toujours le calcul intégral : il ajouta aux découvertes de Newton des méthodes particulieres pour des cas très-étendus (Voyez HOMOGENE, LINEAIRE, QUADRATURE, SEPARATION, SUBSTITUTION dans ce Supplément.), & des principes généraux sur la nature des fonctions différentielles. Alors il ne fut plus question dans le continent de l'analyse des anciens. MM. Euler & d'Alembert ont été les disciples de Jean Bernoulli, & surtout les héritiers de son génie. Ils ont donné des méthodes plus générales pour des cas plus difficiles, & perfectionné beaucoup la théorie du calcul. M. Fontaine s'est presque uniquement occupé de cet objet : il a partagé, avec M. Euler, la première découverte des équations de condition (Voy. l'art. équations possibles au mot POSSIBLE, dans ce Suppl.) ; éclairci & développé la vraie théorie des constantes arbitraires, & connu le premier le nombre d'équations intégrales de chaque ordre que peut avoir une même équation des ordres supérieurs. Voyez ci-dessous Théorie du calcul intégral. On trouvera aux articles HOMOGENE, LINEAIRE, QUADRATURE, RICATI, SEPARATION, SUBSTITUTION, dans ce Supplément, une autre exposition des principales méthodes particulieres connues jusqu'ici : j'ai donné à l'article POSSIBLE les moyens de reconnaître si une équation d'un ordre quelconque est possible ou non. Il ne me reste plus qu'à exposer une méthode générale pour intégrer une équation quelconque, c'est-à-dire, pour trouver son intégrale en termes finis toutes les fois que cette intégrale existe. Je ne parlerai que d'une équation à deux variables, & j'appellerai fonction de l'ordre n, équation de l'ordre n, une fonction ou une équation qui contiendront dn y, dn x : ce dégré d'une équation est celui où montent dans cette équation les plus hautes différences.

Soit donc une équation différentielle entre x, y, dx, dy.... dn x, dn y, & qu'on sache qu'il y a une équation finie, qui a lieu en même tems que la proposée ; il s'agit de trouver cette équation finie.

1°. J'appelle Z la fonction finie, qui étant égalée à zero, est l'intégrale cherchée. Il est clair que la proposée est produite par la comparaison des équations Z = 0, d Z = 0, d 2 Z = 0.... dn Z = 0. Ces équations sont au nombre de n + 1 ; & comme chacune d'elles contient de nouvelles différences, on ne peut éliminer par ce moyen que n constantes, qui par conséquent ne se trouvent plus dans la proposée, & sont arbitraires dans l'intégrale.

2°. Soit C la première de ces arbitraires, qu'on puisse faire évanouir, en sorte qu'on ait n équations sans C : on voit que si on ajoute à C la somme d'un nombre indéfini de fonctions logarithmiques, ou qu'on multiplie la même quantité C par le produit d'un nombre indéfini d'exponentielles, telles que la différentielle des exposants soit algébrique, les logarithmes, ou les exponentielles disparaîtront en même tems que C ; & il ne restera plus dans les équations que la différence, soit des exposants, soit des fonctions logarithmiques ; soit C ' la seconde constante qu'on puisse faire disparaître pour avoir n - 1 équations, on trouvera, 1°. que C ' peut se trouver dans les différences des fonctions disparues avec C ; 2°. qu'il peut être multiplié comme C par un produit d'exponentielles, ou ajouté à une somme de logarithmes, sans qu'il reste autre chose de ces fonctions après l'élimination que la différentielle des logarithmes ou des exposants.

3°. La proposée peut toujours être mise sous la forme A Z + B d Z + C d2 Z... + Q dn Z = 0. A, B, C,... Q, ne devenant point infinis lorsqu'on y fait Z = 0, on peut donc supposer que la proposée est de la forme P. d A' Z + B' d Z.... + Q' d(n - 1) Z = 0. En effet, comparant terme à terme cette forme avec la précédente, on a autant de coëfficiens indéterminés que d'équations.

4°. Parmi les équations sans C du n°. 2, il y en a une du premier ordre, une du second.... une du ne : & parmi les équations sans C & C ', il y en a une du second ordre, une du troisieme, une du ne, & ainsi de suite. Puisqu'on a une valeur de C ' en la substituant dans celle de C, on aura une valeur de C sans C' ; de même substituant la valeur de C '' dans celles de C & de C ', on aura une valeur de C sans C ' ni C '', & de C ' sans C '', & ainsi de suite ; on aura donc des valeurs de chaque arbitraire C, C', C '',.... telles que les autres arbitraires ne s'y trouvent point, non plus que les fonctions logarithmiques ou exponentielles qui peuvent leur avoir été ajoutées ou les avoir multipliées. Dans les équations qui donnent cette valeur de chacune des constantes arbitraires, on peut supposer qu'elle est multipliée par une fonction exponentielle, ou qu'elle est ajoutée à une fonction logarithmique, ces fonctions pourront être de l'ordre n - 1. La différentielle de ces logarithmes ou des exposans, sera algébrique ; en sorte que chacune de ces équations étant différentiée, pourra produire la proposée. La proposée aura donc un nombre n d'intégrales de l'ordre n - 1, contenant chacune une logarithmique, & telles qu'éliminant les différences, on en déduise l'intégrale finie.

5°. Si la proposée est du premier dégré, & ne contient pas de radicaux, le facteur qui peut la rendre une différentielle exacte, peut être supposé ne point contenir de termes de la forme Pm, m P étant rationnel, & un nombre incommensurable. En effet, dans ce cas, la proposée ne contenant pas Pm, il faudroit que le coëfficient de Pm fût arbitraire. Or si ce coëfficient est arbitraire, repassant dans l'intégrale des logarithmes aux nombres, on verra qu'il y aura toujours une autre valeur du facteur, qui ne contiendra point Pm : il n'en est pas de même des radicaux commensurables, parce que quoique le coëfficient du p 1/2, qui pourroit rester dans la différentielle exacte, soit arbitraire, cependant comme P & ses puissances s'y peuvent trouver aussi, sans que leurs coëfficiens soient arbitraires, il ne s'ensuit pas que celui de p 1/2, le soit dans l'intégrale.

6°. Toute équation du premier dégré aura un facteur de l'ordre n - 1, qui la rendra une différentielle exacte : le facteur sera algébrique, si l'équation proposée ne contient point de transcendantes ; & si elle en contient, il ne pourra contenir que ces mêmes transcendantes, & sera une fonction algébrique des variables & des transcendantes. Puisque la proposée a n intégrales differentes de l'ordre n - 1, il est aisé de voir que ce facteur algébrique a une infinité de valeurs, mais qu'on peut en trouver n qui donnent n différentielles exactes, dont on puisse tirer n intégrales différentes, & éliminer les différences qui y restent, afin d'avoir l'intégrale finie.

7°. D'après l'article 5, le facteur peut contenir un radical commensurable, quand même la proposée seroit du premier dégré ; mais ce radical ne se trouvant pas dans la proposée, chacune des racines de l'équation qui donne ce radical doit donner une valeur du facteur : or, comme le facteur ne doit avoir que n valeurs réellement différentes, l'équation qui donnera le radical ne devra pas non plus en donner un plus grand nombre. Si m < ou = n, & qu'on ait le facteur par une équation de ce dégré qui ait tous ses termes, on aura à la fois, en résolvant l'équation au facteur, m différentielles exactes dont chacune donnera une intégrale de la proposée. Si la proposée mise sous une forme linéaire, par rapport aux plus hautes différences, contient des radicaux, ce que je viens de dire a lieu également ; mais ces radicaux entrent alors comme de nouvelles variables dans l'équation au facteur, n étant toujours l'ordre de l'équation ; on voit qu'en général on pourra supposer l'équation algébrique au facteur du dégré p n ; mais ne contenant que des puissances p du facteur ; p peut être quelconque.

8°. L'intégrale finie, outre x, y peut encore contenir la variable z dont la différence est constante. Cela arrive lorsque faisant d y = A d x, d A = B d x d B = E d x, &c. la proposée ne devient pas V d x, ou bien lorsque après avoir supposé dans la proposée d x constant, & completté l'équation qui en résulte en remettant au lieu de (d d y)/(d x) d (d y)/(d x), d2 (d y)/(d x) au lieu de (d d d y)/(d x2), &c. on retrouve une équation différente de la proposée. Dans ce cas, un des facteurs qui rend la proposée différentielle exacte d'une fonction de l'ordre immédiatement inférieur, la rend en même tems de la forme d d B, B étant une fonction d'un ordre inférieur de deux unités, & peut même dans quelques cas la rendre de la forme d3 B', B ' étant une fonction de l'ordre n - 3 & ainsi de suite ; mais si V étant la proposée & A le facteur, A V = d d B, z A V est une différentielle exacte, & si A V = d3 B, z2 A V est encore une différentielle exacte. Si x avoit eu sa différence constante, alors on auroit A, x A, x2 A qui seroient également les facteurs de la proposée. Cela posé, si on fait dans la proposée d x constant & qu'on integre ensuite, on aura ce que devient l'intégrale de la proposée, lorsque z = x, & par conséquent pour avoir la vraie intégrale, il n'y aura qu'à mettre z au lieu de x dans toutes les fonctions a x + b, a & b étant arbitraires.

Ces principes posés, il n'y a point d'équation qu'on ne résolve en faisant les opérations suivantes.

Premiere opération. Quelque nombre de transcendantes & de radicaux que contienne la proposée, on la réduira à être une équation algébrique & du premier dégré, en la différentiant une fois de plus qu'elle ne contient de transcendantes. Il faut en effet une différentiation pour chaque transcendante, & une seule suffit pour tous les radicaux.

Cette premiere opération ne seroit nécessaire que lorsque les plus hautes différences entreroient dans les transcendantes, autrement on pourroit intégrer en regardant les radicaux & les transcendantes comme de nouvelles variables ; mais j'ai cru devoir préférer ici la méthode la plus simple.

Deuxieme opération. La proposée qui a subi la premiere étant de l'ordre n, on supposera qu'étant multipliée par un facteur A, elle devient une différentielle exacte ; on mettra dans les équations de condition à la place des différences entieres ou partielles de A leurs valeurs tirées de l'équation a + b Am + c A (2 m) + e A (3 m), &c. ou a, b, c, e, &c. sont des fonctions rationnelles & entieres de x, y, d y, d x, d d y, d d x, &c. d(n - 1) y, d(n - 1) x, ou seulement de x, y, (d y)/(d x), (d2 y)/(d x2), (d(n - 1) y)/(d x(n - 1)). Si d x a été supposé constant, on supposera ensuite que l'équation hypothétique en A admette l'équation ou les équations qui naissent après la substitution précédente, & cela suffira pour déterminer les coefficiens dans a, b, c, e, &c. & le dégré où monte A. Si la proposée est du premier ordre, comme elle ne doit avoir qu'une intégrale, l'équation en A sera de la forme a + p Am = 0 ; si elle est du second, l'équation sera a + p Am + q A(2 m) = 0, & ainsi de suite, ensorte qu'elle sera toujours pour chaque ordre d'un dégré déterminé, & pourra être supposée ou de ce dégré ou d'un dégré inférieur.

Troisieme opération. La proposée étant devenue une différentielle exacte d'une fonction de x, y, d x, d y,.... d(n - 1) x, d(n - 1) y, ou bien de x, y, (d y)/(d x),.... (d(n - 1) y)/(d x(n - 1)), & d'un radical de la forme convenable, on la mettra sous la forme (d B)/(d x) d x + (d B)/(d y) d y + (d B)/(d d x) d d x + (d B)/(d d y) d d y,.... & on aura (par l'art. POSSIBLE,) les valeurs de (d B)/(d x), (d B)/(d y), &c. Si on avoit fait d x constant, on ne pourroit avoir par cet article que (d B)/(d y), (d B)/((d. d y)/(d x)), &c. & pour avoir (d B)/(d x), il faudroit retrancher de la proposée la fonction connue ((d B)/(d y)) d y + (d B)/((d. d y)/(d x)) d. (d y)/(d x).... & diviser le reste par d x.

Quatrieme opération. On cherchera par la méthode d'autres différences exactes, jusqu'à ce qu'on en ait n qui donnent des intégrales différentes. Cela posé, il faut remarquer 1°. que si on a une intégrale algébrique, toute fonction de cette intégrale étant multipliée par le premier facteur, devient elle-même un nouveau facteur qui rend la proposée différentielle exacte ; mais les deux intégrales ne sont pas différentes. Si donc on connoît deux facteurs qui rendent la proposée une différentielle exacte, & qu'on veuille savoir si ces deux différentielles donnent deux intégrales différentes sans s'être donné la peine d'intégrer en pure perte, après avoir fait l'opération troisieme, on verra si les deux valeurs qu'on a de (d B)/(d y), (d B)/(d. d y), ou (d B)/(d. ((d y)/(d x))), &c. sont proportionnelles aux deux facteurs ; lorsque cela arrive, on aura l'intégrale immédiatement, en égalant à une constante arbitraire un des facteurs divisé par l'autre. 2°. Si on connoît deux facteurs qui donnent deux intégrales différentes, & qu'on veuille savoir si un troisieme facteur en donne une différente, on pourra d'abord voir si en comparant la troisieme différentielle complette avec chacune des deux autres, elle n'est pas dans le cas dont je viens de parler ; ensuite, après avoir fait la troisieme opération, on verra si la premiere différentielle exacte, ajoutée à la seconde multipliée par la constante n, ne donne pas la troisieme ; si elle la donne, il faut alors chercher un nouveau facteur ; sinon, après avoir trouvé les deux intégrales qu'on sait devoir être différentes, & en avoir tiré, si cela est possible, une intégrale algébrique, la troisieme différentielle exacte donnera une nouvelle intégrale, ou sera la différentielle exacte d'une des intégrales, plus une fonction de l'intégrale algébrique, ou d'une fonction des deux intégrales, si toutes deux sont algébriques ; ce qu'on pourra connoître après avoir fait la troisieme opération, sans avoir intégré la troisieme différentielle exacte.

En général, il faudra vérifier si la différentielle exacte dont l'intégrale doit être différente, n'est pas différentielle exacte de la somme des intégrales logarithmiques, multipliées par des coefficiens indéterminés par une fonction quelconque des intégrales algébriques ; ce qu'on pourra faire sans avoir intégré la différentielle exacte qu'on veut examiner, & par conséquent on pourra se dispenser de faire des intégrations en pure perte de différentielles dont les intégrales rentrent les unes dans les autres.

Si d x n'avoit pas été supposé constant, & qu'on eût une intégrale algébrique, ou il faudroit ajouter la constante N d z, ce qu'on connoît sans l'intégration, on chercheroit un facteur qui multiplié par z, rendroit encore la proposée différentielle exacte ; & si l'on devoit avoir l'arbitraire N z d z, on chercheroit un facteur qui, multiplié par z 2, auroit cette même propriété, & ainsi de suite.

Cinquieme opération. Puisqu'on n'a plus à intégrer que des différentielles exactes, des fonctions du premier ordre & de n + 1 ou 2 n variables, selon que x est ou n'est pas constant, on aura les intégrales par la méthode des quadratures (Voyez l'art. QUADRATURE.).

En effet, si le facteur ne contient pas des radicaux, on aura l'intégrale par la méthode connue pour les fractions rationnelles ; s'il en contient, ou on suivra celle que j'ai proposée à l'article QUADRATURE, ou bien différentiant après avoir fait évanouir le radical du facteur, on aura une équation entre n + 1 ou 2 n variables : elle sera du second ordre, & on pourra supposer sans radicaux le nouveau facteur qu'il faudra chercher ; lorsqu'il sera trouvé, on n'aura plus que des différences rationnelles à intégrer. On observera ici que le facteur étant donné par une équation qui en produit plusieurs valeurs, cela diminue le nombre des facteurs qu'il faut chercher ; & que dans le dernier moyen que je propose pour intégrer les différentielles exactes qui contiennent les radicaux, l'intégrale qui reste à trouver pour l'équation du second ordre donne toutes les intégrales qui répondent aux différentes valeurs du facteur, en y faisant les substitutions convenables.

Sixieme opération. Par le moyen des n intégrales différentes, il faut trouver l'intégrale finie, ce qui ne peut se faire qu'en éliminant les différences ; il faut donc que les n intégrales soient telles que cette élimination soit possible, & si celles qu'on a trouvées ne satisfont point à cette condition, il faudra en chercher de nouvelles ; mais il ne sera plus question d'examiner si elles seront différentes. On pourroit se dispenser de la cinquieme opération, en cherchant d'abord un facteur tel que la proposée devienne une différentielle exacte & qu'on puisse en tirer la valeur de (d(n - 1) y)/(d x(n - 1)) ou d(n - 1) y, ensuite en cherchant une différentielle exacte telle qu'on puisse, après y avoir mis dans l'intégrale pour (d(n - 1) y)/(d x(n - 1)) ou d(n - 1) y leur valeur, on puisse en tirer la valeur de (d(n - 2) y)/(d x(n - 2)), ou d(n - 2) y, & que dans ce dernier cas d(n - 1) x ne s'y trouve plus, & ainsi de suite ; & c'est ce qu'on pourra toujours faire, même sans avoir intégré les différentielles exactes qu'on veut assujettir à ces nouvelles conditions ; il suffira de faire la troisieme opération, & l'on évitera encore ici l'inconvénient d'avoir intégré en pure perte. Mais si on veut, dans les cinquieme & sixieme opérations, prendre toujours l'intégrale des différentielles exactes, à mesure qu'on les trouve, il sera très-facile de distinguer celles qu'on doit employer & celles qu'on doit rejetter.

Septieme opération. L'intégrale finie étant ainsi trouvée, le problême est résolu si d x étoit constant dans la proposée, ou ne l'a point été supposé dans l'intégration ; mais si d x étant variable on l'a supposé constant pour intégrer avec plus de facilité, il faut dans les fonctions a x + b, a x2 + b x + c, &c. a, b, c, étant arbitraires, mettre à la place de x une variable quelconque z dont la différence est arbitraire.

L'intégrale ainsi trouvée ne contient pas toujours toutes les solutions possibles de la proposée, il y en a encore de particulieres.

M. Euler a remarqué le premier, qu'il y avoit des équations qui satisfaisoient à une équation différentielle, sans cependant être comprises dans son intégrale générale. Voici quelques réflexions sur la cause de ce paradoxe, c'est ainsi que M. Euler l'a appellé.

1. Soit A d Z + B Zm = 0 une équation différentielle, il est clair que z = 0 y satisfera, mais l'équation sous cette forme est égale à la différentielle exacte de l'intégrale multipliée par un facteur, donc il peut arriver que z = 0 satisfasse à la proposée sans satisfaire à la différentielle exacte de son intégrale. Il suffit pour cela qu'elle satisfasse au facteur, & que z y soit à une puissance positive plus grande que la plus petite puissance de z dans le dénominateur de la différentielle exacte.

2. Une équation intégrale étant supposée Q + C = 0 ou C est une constante arbitraire, les équations, qui rendent Q = 0, ou Q = satisfont également à Q + C = 0, les unes répondant à l'hypothese de C = 0, & les autres à celle de C = - ; donc pour que la solution Z = 0 satisfasse à la proposée sans satisfaire à l'intégrale, il faut que non-seulement elle multiplie le facteur sans satisfaire à la différentielle exacte, mais qu'elle ne puisse pas rendre l'intégrale infinie.

3. Soit Zn/V le facteur, l'intégral sera s A V Z(- n) & d Z + B Z(m - n), & elle est égale à s A V Z(- n) d Z prise en regardant Z seulement comme variable plus à un terme indépendant de Z ; il faudra donc ici que s A V Z(- n) d Z prise par rapport à Z, ne soit point infinie lorsque Z = 0 ; donc (comme M. Euler l'a enseigné dans le chapitre de son calcul intégral où il traite de ces solutions particulieres) il faut que n soit entre 0 & l'unité, mais il faut aussi que B Z(m - n) ait un terme sans Z, sans quoi Z se trouveroit à tous les termes de l'intégrale, ce qui est contre l'hypothese ; donc m = n ; donc m est entre zero & l'unité.

4. Donc si on a une équation différentielle d'un ordre quelconque, elle ne pourra avoir des solutions particulieres non comprises dans l'intégrale, à moins qu'elle ne renferme des radicaux Z, & que ces radicaux ne s'y trouvent pas multipliés à tous les termes par des puissances de Z ; & les radicaux qui seront dans le cas & qui résolveront la proposée donneront les solutions particulieres.

5. Soit l'équation A d Z + B d x + C d y Zm = 0, à laquelle Z = 0 satisfait, & que cette équation n'ait pas d'intégrale générale, il est clair que toutes les fois que m n'est pas entre zero & l'unité, Z = 0 satisfait à l'équation de condition comme pour l'intégrabilité de ces équations, & que lorsque m est entre zero & l'unité, z = 0, n'y satisfait pas ; donc on pourra avoir dans ce cas pour solutions particulieres de la proposée, non-seulement l'équation de condition, mais encore les quantités qui se trouveront dans la proposée sous le signe radical avec la même condition que ci-dessus, & il sera facile d'appliquer le même raisonnement aux équations de tous les ordres pour lesquelles j'ai donné les équations de condition.

M. Euler a remarqué dans les Mémoires de Petersbourg, où il recherche la courbe qui décrit un point attiré par deux centres fixés, que ces solutions particulieres non comprises dans l'équation générale ne pouvoient être employées à la solution des problêmes. Ainsi lorsque l'on a su, par des substitutions ou autrement, qu'une certaine équation satisfait à une équation différentielle, il faut avant de l'employer examiner si elle n'est pas dans le cas de nos solutions particulieres, c'est-à-dire, si la fonction égalée à zero dans cette équation ne se trouve pas dans la proposée sous le signe radical avec la condition ci-dessus.

7. La cause de ce nouveau paradoxe remarqué encore par M. Euler, se peut découvrir en examinant la maniere dont pour chaque problême on parvient à une équation différentielle ; en effet on verra qu'elles sont formées par la comparaison des valeurs successives des y, des x, & ensorte que si au lieu de y + d y on mettoit y, & x au lieu de x + d x, elles doivent demeurer identiques ; or il est aisé de voir que si dans A d Z + B = - A Z + B, on met Z au lieu de Z + d Z : elle ne devient pas identique.

On voit que dans le cas de A d Z + B Z = 0 la même substitution ne rend pas la proposée identique, aussi Z = 0 n'est pas même dans ce cas une véritable solution de la proposée, elle ne peut l'être que dans le cas particulier où elle se trouve être la même que ce que devient alors la solution générale. En effet, soit une équation a y + b x2 - b c2 = 0, a étant arbitraire, on ne peut pas dire que l'équation x = c soit une solution de cette équation, puisqu'il y a une infinité de cas où elle ne résout pas, & si on avoit eu l'équation (d (b x2 - b c2))/ y = 0, on n'auroit pas pu dire que x = c résout le problême qui a conduit à cette équation, parce qu'il y a une infinité de cas du problême qu'elle ne peut résoudre. Ainsi les solutions contenues dans l'intégrale résolvent non pas le problême proposé, mais quelques cas de ce problême, & les autres solutions de l'équation différentielle non contenues dans l'intégrale n'en résolvent aucun.

8. Dans le cas des équations absurdes, on trouvera que si ces équations étant entre x, y & z, on cherche les valeurs de z répondant à y = X (X est une fonction de x) les solutions de la proposée contenues dans l'équation de condition deviendront en y mettant X pour y des solutions contenues dans l'intégrale de l'équation en z & x. Au lieu que celles qui ne seront pas contenues dans l'équation de condition, ne donneront pas non plus de solutions contenues dans l'intégrale de l'équation en z & x.

M. de la Place s'est occupé particuliérement de cet objet, sur lequel il a fait un très-beau mémoire, qui doit être inséré dans le Recueil de l'académie des sciences de Paris.

Si on a différentié la proposée par la premiere opération, l'intégrale trouvée sera trop générale, & il y aura une partie des constantes arbitraires qu'il faudra déterminer ; on y emploiera la proposée, qui d'ailleurs donnera immédiatement autant d'intégrales qu'on aura différentié de fois. Ce qui dispensera d'en chercher d'autres toutes les fois que l'on pourra les employer à l'élimination successive des plus hautes différences, & alors les arbitraires ne seront plus qu'au nombre nécessaire.

Il n'y a point pour un plus grand nombre de variables d'autre difficulté, que plus de longueur dans le calcul.

Si on a m 'équations entre m variables (m > m ') on pourra les intégrer sans éliminer, en supposant, 1°. qu'elles ont subi l'opération premiere ; 2°. que chacune étant multipliée par un facteur, comme dans la seconde opération, leur somme est une différentielle exacte ; 3°. en prenant m u intégrales différentes ; 4°. en faisant ensorte que non-seulement les différences, mais m 'variables quelconques puissent s'éliminer. Voyez SEPARATION.

Telle est la méthode générale que j'ai proposée pour intégrer les équations différentielles. On en trouvera le détail dans mes Essais d'analyse, dans les Mémoires de Turin, t. IV. & dans ceux de l'académie des Sciences, année 1770.

J'ai déja prévenu que cette méthode ne donnoit que les intégrales des équations qui étoient susceptibles d'avoir des intégrales finies. Or il n'est pas sûr que toutes les équations possibles soient dans ce cas en effet (voyez l'article Equations possibles au mot POSSIBLE dans ce Suppl.) ; les équations de condition peuvent avoir lieu, pourvu qu'il y ait une intégrale possible, même en série infinie.

La méthode précédente ne peut donc être regardée comme vraiment générale, que si on a un moyen de s'assurer (le nombre de formes dont une intégrale finie est susceptible étant connu) si les fonctions rationnelles qui entrent dans ces formes se terminent à un nombre fini de termes.

On y parviendra toujours par la méthode suivante que j'applique seulement ici au cas où la fonction n'a qu'une seule variable x. Soit A une fonction donnée par une équation quelconque, & que je cherche si A peut avoir une valeur rationnelle finie. Je remarque d'abord que pour cela il faudroit que A réduit en série fût égal à une série récurrente ; 2°. que le terme général d'une série récurrente est AI e(f n) + BI e(f' n), &c. où R est l'exposant de x, AI, BI des constantes arbitraires, & f, f '&c. les racines d'une équation d'un dégré égal à l'exposant de la plus haute puissance du dénominateur de la fraction A ; 3°. que si l'équation en f avoit deux racines égales, & que f fût cette racine, il faudroit prendre AI n e(f n) + BI e(f n), &c. & de même pour un systême quelconque de racines égales. Cela posé, soit A réduit en série & la substitution faite au lieu de A dans l'équation qui le donne, il est clair d'abord que si cette équation est linéaire, j'aurai le terme général de la série qui exprime A par une équation aux différences finies entre ce terme & n ; donc pour que A puisse être une fonction rationnelle finie, il faut que mettant AI e(f n) au lieu de ce terme général, cette substitution satisfasse à l'équation : cette condition servira alors à trouver les valeurs de f.

Si l'équation en A n'étoit pas linéaire, alors on observeroit que soit A = P/Q P, & Q étant des fonctions entieres Am = Pm/Qm, Am d Ap = PI/(Qm + 2 p), & ainsi de suite ; donc la série qu'il faudra substituer pour Am ou Am d Ap sera encore une série récurrente, mais dont le dénominateur sera Qm ou Q(m + 2 p) ; donc si le terme général de la série A est AI e(f n) + BI e(f' n).... celui de la série Am, ou Am d Ap sera

(AII a(m - 1) + AIII n(m - 2) &c.) e(f n) + (BII n(m - 1) + BIII n(m - 2) &c.) e(f' n) &c.

ou (AII n(m + 2 q - 1) + AIII n(m + 2 q - 2) &c.) e(f n) + (BII n(m + 2 q - 1) + BIII n(m + 2 q - 2) &c.) e(f' n) &c.

Substituant donc dans l'équation proposée, au lieu de A & de ses puissances, des séries infinies, on aura une équation entre les termes généraux de ces séries : on y substituera, au lieu de ces termes généraux, leur valeur hypothétique, & on déterminera f, ou bien la fonction A ne sera pas susceptible d'une forme rationnelle & finie.

Connoissant toutes les valeurs possibles de f, on aura le dénominateur de A ; mais il n'en résulte pas nécessairement que A soit susceptible d'une forme finie, car il faut encore que le numérateur soit aussi fini.

Pour y parvenir, soit P ce numérateur, on aura P par une équation quelconque. Je fais P = 1/(P 1), j'ai P 1, dont je cherche le dénominateur de la même maniere que j'ai cherché celui de A, & je n'ai plus qu'à voir en lui supposant pour numérateur ou l'unité, ou un facteur du dénominateur trouvé, si je satisfais à l'équation.

On pourroit aussi, pour déterminer cette possibilité, supposer P = a xm, car il est clair que si P a une valeur entiere & finie, le coëfficient du plus haut terme de l'équation rationnelle & entiere en P & x doit être nul.

J'ai traité cette matiere avec beaucoup de détail dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1772. Ce que j'en dis ici suffit pour en faire connoître l'esprit & la méthode, & mettre en état de l'appliquer aux fonctions à plusieurs variables.

Lorsque l'on a une équation, soit du premier ordre qui n'admette aucune intégrale en termes finis, soit une équation du second ordre qui n'ait pas ou d'intégrale du premier ordre en termes finis, ou qui n'en ait qu'une, ou qui en ait deux, mais dont on ne puisse pas éliminer la différentielle, ni parvenir à l'intégrale finie, & ainsi de suite pour les autres ordres ; il est clair que l'on ne peut avoir de valeur de l'intégrale en fonctions finies, si l'on ne regarde comme telles que les fonctions algébriques, les transcendantes algébriques connues, ou, ce qui revient au même, celles qui naissent de la quadrature du cercle, ou de celle des courbes algébriques.

Mais voici une maniere d'avoir ces intégrales en séries la plus propre à pénétrer dans la nature de ces équations, & que je donne seulement ici pour le premier ordre. Soit B x + Q d y une équation en x & y, je fais x = A + z & y = B + u ; A est une valeur de x & B celle de y qui y répond ; par la méthode d'approximation, j'ai une série en z & u, qui représente l'intégrale cherchée, je mets dans cette série x au lieu de A, y au lieu de B, x au lieu de z, & y au lieu de u, & j'ai une fonction en série & aux différences finies. Voyez sur ce sujet les Mémoires de l'académie, année 1772.

Depuis l'impression de l'article INTEGRAL du Dictionnaire raisonné des Sciences, &c. M. Fontaine & M. Euler ont donné un recueil de ce qu'ils ont fait de plus important sur cette matiere. Les PP. Jacquier & Lesueur ont publié, en 1768, une collection des principales méthodes connues jusqu'alors, & qu'ils ont souvent exposées d'une maniere qui leur est propre. Cette collection est plus complette que l'ouvrage de M. de Bougainville, qui auroit à présent besoin d'une continuation où on exposeroit les progrès qu'a fait depuis 1756 la théorie générale du calcul intégral, & ce que Mrs d'Alembert, Euler & de la Grange ont donné de méthodes ou de réflexions importantes, depuis la même époque, & qu'on trouve dispersées dans les mémoires des académies de Paris, Berlin, Petersbourg & Turin, &c.

Applications du calcul intégral. Les applications qu'on a faites du calcul intégral sont de trois sortes ; les unes ont pour objet l'analyse pure ; d'autres la science du mouvement ; d'autres enfin la connoissance des phénomenes de la nature. La mesure des courbes des espaces qu'elles renferment, des surfaces & des solides qu'elles terminent, est le premier objet à quoi l'on ait pensé appliquer le calcul intégral, M. Euler l'a employé à perfectionner la théorie des suites infinies ; M. d'Alembert s'en est servi pour celle des imaginaires. Voyez les articles QUADRATURE, IMAGINAIRE, l'ouvrage de M. de Bougainville, & le calcul intégral de M. Euler.

La théorie des maximum que j'ai exposée à cet article, est une des plus brillantes & des plus fécondes applications du calcul intégral.

C'est par le calcul intégral qu'on a déterminé avec la plus grande généralité le centre de gravité, d'oscillation, ou de percussion des corps curvilignes.

La théorie du mouvement curviligne d'un point ou d'un solide, une partie de celle du mouvement des fluides n'a été perfectionnée que par le calcul intégral. M. d'Alembert est le premier qui ait donné d'une manière rigoureuse & indépendante de toute hypothese arbitraire les loix du mouvement des corps dont chaque partie est animée de forces différentes, & qui conserve toujours sa figure, & celles du mouvement ou de l'équilibre des corps fluides, qui conservant toujours la même masse, conservent encore le même volume, ou en changent selon une loi donnée. Voyez l'article PRINCIPES.

Dès l'année 1686, Newton avoit publié sa théorie du mouvement des planetes dans des orbites elliptiques, & ébauché le calcul des perturbations & des changemens que pouvoit produire la non sphéricité des corps célestes, & depuis ce tems jusqu'en 1747, que Mrs d'Alembert, Euler & Clairaut trouverent leurs solutions analytiques du problème des trois corps, la connoissance du système du monde fit très-peu de progrès. Jean Bernoulli ne s'en occupa que pour le combattre, il ne voulut pas être en philosophie le disciple de Newton, dont il étoit l'égal en mathématiques. Il dédaigna d'asservir son génie à calculer d'après les principes d'un autre, & le tems qu'il employa à opposer des chimeres à la théorie de la gravitation fut perdu pour les sciences & pour sa gloire ; heureusement ses successeurs ont bien réparé cette perte ; le flux & reflux de la mer, le mouvement des satellites, des planètes principales qui s'attirent, des cometes qui s'en approchent, l'effet de la résistance de l'éther sur tous ces corps, la figure de la terre & de planètes, la précession des équinoxes, la nutation de l'axe de la terre, la libration de la lune, les vibrations des cordes, les oscillations de l'air sonore, les causes des vents ont été traités d'après des principes nouveaux & plus certains, & des méthodes directes d'intégrer par approximation, plus exactes & moins sujettes à des erreurs. Voyez l'article METHODE, (Matth.) Suppl.

Tel est l'ouvrage immense qu'ont élevé à l'aide du calcul intégral & que perfectionnent encore tous les jours les Géometres qui ont remplacé Newton, & rendu au continent de l'Europe, & sur-tout à la France, la supériorité que Newton avoit donnée à l'Angleterre. (o)

Nombre négatif selon d'Alembert :  »             Règle des signes selon d'Alembert :  »

Jean le Rond d'Alembert


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